Le Premier ministre Benjamin Netanyahou lors d’une réunion au centre de commandement du ministère de la défense pendant les frappes de représailles contre l’Iran, à Tel Aviv, samedi.Credit : GPO via AFP
La décision de se contenter d’une riposte mesurée contre l’Iran, entraînant peu de victimes et peu de fanfaronnades, est la première décision judicieuse prise par Israël cette année. Il faut enféliciter les décideurs du gouvernement et de l’armée, et cela aussi est assez rare.
Lorsque le shabbat sera terminé - et cette chronique est écrite avant - la droite la plus radicale va sortir la bave aux lèvres pour dénoncer cette décision. D’anciens hauts fonctionnaires de la défense et des habitués des médias du même acabit se sont fait entendre dans les studios de télévision dès samedi. Leur soif de sang n’a pas été entièrement assouvie, ce qui prouve une fois de plus la sagesse de cette décision.
Et si quelqu’un avait encore besoin d’une preuve que la raison avait momentanément pris le dessus en Israël, il pourrait, comme à l’accoutumée, invoquer le chef de l’opposition, Yair Lapid. Il s’est stupidement empressé de condamner la décision ; il voulait plus de sang. « La décision de ne pas attaquer des cibles stratégiques et économiques en Iran était erronée », a déclaré ce stratège, doublant Netanyahou, et ce n’est pas la première fois, sur sa droite. En matière de bellicisme, Lapid a prouvé une fois de plus qu’il n’y a pas de différence entre lui et l’extrême droite et qu’il n’y a pas d’opposition à la guerre en Israël. C’est pourquoi nous n’avons pas besoin de lui, nous avons Itamar Ben-Gvir.
Si Israël ne gâche pas tout et si l’Iran fait preuve de la même retenue, nous avons été préservés d’une nouvelle catastrophe samedi, peut-être plus grave que toutes celles qui l’ont précédée. Aucune guerre n’a éclaté entre Israël et l’Iran. L’incompétente administration américaine a réussi, pour la première fois depuis le début de la guerre, à infléchir son cours. Après une année durant laquelle les États-Unis ont satisfait tous les désirs et toutes les exigences d’Israël, sans poser la moindre condition, une année durant laquelle Israël n’a écouté aucun des conseils, avertissements ou supplications des Américains, Israël a accédé à la demande que la superpuissance lui avait adressée.
Contre toute attente et contrairement à tout ce qui s’est passé jusqu’alors, M. Nétanyahou a écouté le président Joe Biden, qui aurait préféré qu’Israël n’attaque pas du tout, et certainement pas à la veille des élections américaines, mais son gouvernement peut s’accommoder d’une attaque limitée. C’est peut-être grâce à son administration qu’une catastrophe a pu être évitée.
Tout cela semble trop beau pour être vrai. Il est possible qu’au moment où ces lignes seront publiées, la situation soit déjà bouleversée. Je me souviens d’un cas où Netanyahou avait mérité des éloges pour avoir sagement accepté un plan de l’ONU visant à résoudre le problème de demandeurs d’asile arrivés en Israël. Le temps que le soleil se lève, il était revenu sur sa décision, sous la pression des racistes et des xénophobes de son camp. Il faut espérer que cette fois-ci, il restera sur sa position de prudence, malgré les critiques dont il fera l’objet.
On peut se demander quel était l’objectif des frappes de samedi, en dehors de la volonté d’apaiser, ne serait-ce qu’en partie, les gens qui voulaient se venger de l’attaque précédente de l’Iran. On aurait très bien pu se passer de ces frappes de représailles. Mais étant donné le peu de dégâts infligés à Israël, il est préférable de ne pas soulever cette question. Israël a montré à l’Iran ce qu’il savait depuis longtemps, à savoir qu’Israël dispose d’une supériorité militaire totale dans la région, et la balle est désormais dans le camp de l’Iran. Si la raison l’emporte, nous avons été sauvés d’un désastre, du moins pour l’instant.
Rien n’a été résolu samedi. Les guerres à Gaza et au Liban se poursuivent à pleine puissance, sans aucun signe d’apaisement. L’Iran est toujours un ennemi redoutable, tout comme ses alliés. La solution ne sera jamais de nature militaire. Le sang continue de couler de tous les côtés, inutilement, et avec lui la souffrance et la terreur inconcevable des otages, de leurs familles, des personnes évacuées en Israël ainsi que des trois millions de personnes évacuées à Gaza et au Liban, qui errent de ci de là, sans présent ni avenir. La fin des souffrances de Gaza n’est même pas à l’horizon. Il ne se passe pas un jour sans qu’il y ait des dizaines de morts, sans que des crimes de guerre soient commis par Israël, sans enfants morts ou estropiés, terrorisés ou rendus orphelins.
Mais au milieu de tout ce désespoir, une faible lueur d’espoir est apparue samedi. Israël a agi avec raison et retenue. Il est vrai que l’on peut s’attendre à ce qu’il revienne à ses vieilles habitudes, mais en ces jours noirs, même une faible lueur d’espoir est presque un événement fondateur.
Gideon Levy