Un petit Palestinien porte le drapeau national dans le cortège qiui accompagnait les funérailles de quatre militants, en Cisjordanie, en octobre.Credit : John Wessels/ AFP
La lutte pour la libération des Palestiniens, qui dure depuis des décennies, est l’un des combats les plus justes du monde d’aujourd’hui. Les moyens utilisés par certains d’entre eux sont parmi les plus abominables.
Les moyens qu’Israël emploie contre eux sont tout aussi abominables, et parfois même plus encore, en tout cas d’un point de vue quantitatif.
Les Palestiniens recourent à un terrorisme odieux comme moyen de parvenir à une fin juste et, dans le cas du Hezbollah et du Hamas, également à des fins manifestement injustes, celles du fondamentalisme religieux. Le terrorisme est l’arme des faibles et des désespéré.e.s, ce qui ne lui confère pas nécessairement une légitimité.
Israël utilise sa formidable puissance militaire pour éliminer leurs droits et leur résistance. Le fait qu’il le fasse en utilisant une armée, et non une organisation terroriste, ne rend pas ses actions légitimes. La plupart des actions qu’il a menées l’année dernière n’étaient pas légitimes.
Les propos récents du rédacteur en chef de Haaretz, Amos Schocken, se sont inscrits dans ce contexte - qui, à mon avis, est parfaitement clair et n’a rien de problématique - et ils ont déclenché une tempête. La clarification qu’il a apportée par la suite, en déclarant que le Hamas n’appartenait pas à la catégorie des combattants de la liberté, aurait dû apaiser la tempête. Mais certains cherchent à l’amplifier.
Il y a ceux qui saisissent l’occasion de s’en prendre à Haaretz et qui veulent le voir disparaître. Le dernier organe de presse bien établi à avoir rapporté la vérité dans son intégralité, en particulier au cours de l’année écoulée, en irrite plus d’un, et ils ont maintenant l’occasion de se venger.
Mais la critique de la prise de position de Schocken a traversé les lignes de partage idéologiques. À droite, là où on voudrait voir un État avec une seule chaîne de télévision et un seul journal sous étroite surveillance, mais il y a eu aussi beaucoup de gens dans le camp opposé qui ont été choqués par les termes « combattants de la liberté palestiniens ». C’est là que devrait se situer le débat.
Ravit Hecht a écrit qu’il n’y a pas que l’Israël de Benjamin Netanyahou pour qualifier de terroristes ceux qui commettent des crimes contre l’humanité. « Nous, qui sommes des adversaires du kahanisme et de ce gouvernement qui prône la suprématie juive, nous les qualifions de la même façon. Parce que c’est ce qu’ils sont ».
Mais des crimes contre l’humanité sont aujourd’hui commis des deux côtés. Au vu de ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie, personne ne peut plus le nier. Israël est-il un État terroriste ? Ces actes commis par Israël ne lui retirent pas le droit de se défendre.
Il a ce droit, mais il n’a pas le droit d’utiliser les moyens qu’il emploie. Les Palestiniens ont le droit de lutter pour leurs droits et leur liberté, et ils ne doivent pas commettre de crimes contre l’humanité. La définition que donne Hecht de son camp, à savoir « les opposants au kahanisme et au gouvernement de la suprématie juive », altère également la vérité et enjolive le centre-gauche israélien. Israël n’a jamais eu de gouvernement qui ne soit pas un gouvernement de suprématie juive, parce qu’il n’a jamais eu de gouvernement qui ne soit pas sioniste.
Hecht et le camp qui est d’accord avec elle se trompent fondamentalement dans leur positionnement à l’égard de l’occupation et du sionisme. Voici comment Hecht décrit la situation : « Oui, les forces de sécurité israéliennes ont persécuté des Palestiniens innocents ... y compris des mineurs ... cela fait partie de la réalité tragique que constitue le fait de tenir un autre peuple sous son contrôle. »
Ce sont les forces de sécurité qui pratiquent le harcèlement, et non l’État d’Israël tout entier ; « souvent » au lieu de « toujours ». C’est là la substance même de l’écœurant « comme nous sommes beaux » du centre-gauche. Ce sont les « forces de sécurité » qui harcèlent, comme si elles étaient une entité séparée, indépendante, et non pas les héros et les « vaches sacrées » de tous les Israéliens, et en particulier du centre gauche.
La vérité est que nous sommes tous coupables, jusqu’à la dernière personne qui se réclame de la gauche, car ce ne sont pas les forces de sécurité qui harcèlent, mais bien l’État d’Israël ; et pas « souvent », mais toujours, en conformité avec ce qui constitue la définition même de l’occupation. Hecht et ses semblables croient encore en une occupation éclairée.
Si seulement les forces de sécurité pouvaient se livrer à des exactions un peu moins fréquentes, tout irait pour le mieux. Mais il n’y a pas d’occupation sans harcèlement. Le harcèlement est l’essence même de l’occupation. Une telle occupation provoque la résistance. Il n’y a jamais eu d’occupation qui n’ait pas provoqué de résistance. Cette résistance porte le nom de lutte pour la liberté, et il n’y a pas de lutte plus juste. Elle n’a pas d’autre nom.
Gideon Levy