Hortefeux n’est pas content. Sa police peine à réaliser les objectifs chiffrés. Pour atteindre les 25 000 expulsions annuelles, il lui aurait fallu dépasser les 16 000 en août. Malgré ses dénégations, il a bien donné consigne d’accélérer à la faveur de l’été. Des circulaires révélées par la presse l’attestent. Le Réseau éducation sans frontières (RESF) a noté qu’il y a eu davantage de parents d’élèves en rétention au mois d’août que pendant les dix mois de l’année scolaire.
La politique des rafles n’est pas sans « dégâts collatéraux ». À Amiens, la chute du petit Ivan, tentant de fuir la police par le balcon avec son père, est la conséquence directe d’une accentuation de la répression prenant la forme d’interpellations à domicile. À Charleville, sur dénonciation du service de l’état civil, un jeune Tunisien est arrêté, à quelques jours de son mariage avec une Française, au domicile du couple. Et le ministre de l’Identité nationale nous promet ce niveau de répression « douze mois sur douze ».
La mobilisation est toutefois parvenue à faire reculer Hortefeux, notamment à Lille. Le 15 juin dernier, 60 des 150 sans-papiers qui occupent le centre d’affaires international sont arrêtés et emmenés au centre de rétention, où ils entament une grève de la faim. Libérés par le tribunal, six d’entre eux sont à nouveau arrêtés lors d’une diffusion de tracts une semaine plus tard. Et le 1er août, à la Bourse du travail où ils se sont installés, les grévistes sont raflés et dispersés dans les centres de rétention de Lille, Paris, Rennes, Bordeaux et Toulouse. Tous sont à nouveau libérés par les tribunaux sauf treize, expulsés vers le Maroc et la Guinée via la Royal Air Maroc afin de contourner le refus des pilotes d’Air France. À leur arrivée à Conakry avec des sans-papiers, deux policiers français sont molestés par la population.
Et le préfet du Nord menace : « Je le dis clairement, c’est la rupture. Grève de la faim n’égale plus régularisation, grève de la faim égale reconduite à la frontière. » Pour les grévistes, un autre combat s’engage : les CRS bloquent la Bourse du travail et les hôpitaux, où les envoie le Samu, refusent leur admission. La solidarité s’organise. Le 21 août, après trois semaines sous la pluie, la police rafle tous les grévistes. Malgré ces pratiques barbares, le représentant zélé de Sarkozy ne parvient pas à ses fins. La justice lui donne à nouveau tort. Les 300 manifestants quotidiens du mois d’août deviennent 1 000, puis 2 000 le 29 août. Les grévistes ne craquent pas : après 75 jours de grève de la faim, ils obtiennent le « réexamen bienveillant » de leur dossier selon les critères que le préfet avait remis en cause trois mois plus tôt.
Malgré cette victoire, la mobilisation reste de mise pour la régularisation effective des grévistes et le retour des expulsés. Mais aussi pour empêcher toute nouvelle rafle et expulsion, s’opposer à la nouvelle loi Sarkozy-Hortefeux et gagner la régularisation de tous les sans-papiers.