Des militants d’Amnesty International lors d’un rassemblement devant la Maison Blanche pour la Journée mondiale d’action contre l’envoi d’armes à Israël, en mai.Credit : Kevin Wolf,AP
Amnesty International a publié cette semaine un rapport accusant Israël de commettre un génocide à Gaza. La section locale d’Amnesty International en Israël a réagi très rapidement à ce rapport pour faire valoir qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves de l’existence d’une « intention délibérée », l’élément juridique qui permet de caractériser les crimes les plus graves au regard du droit international.
Amnesty Israël a déclaré que malgré « les nombreuses atrocités horribles commises par Israël à Gaza », la convention internationale sur le génocide et la législation internationale qui en est issue « exigent que les auteurs aient une ’intention délibérée’ de détruire un groupe donné, en tout ou en partie... mais que si l’on peut raisonnablement trouver une autre explication à cette dimension génocidaire, l’accusation de génocide ne peut pas être établie ».
En d’autres termes, si Israël a commis un génocide sans l’élément d’intention, il ne s’agit pas d’un génocide. Une enquête de Yuval Avraham, citée dans le rapport, indique que des « dommages collatéraux » de 15 à 20 civils pour chaque agent du Hamas ciblé et de 100 ou plus pour chaque responsable de haut rang du Hamas sont acceptables. Même en supposant que les 37 000 cibles étaient toutes des agents subalternes du Hamas, cela signifierait qu’un demi-million de civils gazaouites ont subi des lésions, soit environ un quart de la population. Même si Amnesty International Israël ne veut pas qualifier cette action de génocide, comment peut-elle considérer qu’un quart de la population civile de la bande de Gaza a été touché ?
Ce n’est pas la première fois qu’Amnesty International Israël se trouve du mauvais côté de l’histoire. Amnesty Israël a rejeté la conclusion du rapport d’Amnesty International sur l’apartheid, publié en 2022, qui affirmait que le gouvernement israélien commettait des crimes contre l’humanité relevant de l’apartheid dans les territoires occupés en 1967, ainsi que sa conviction qu’il existe un gouvernement suprématiste juif en Israël. Elle a justifié son rejet par la nécessité d’un échange approfondi sur les conclusions du rapport, ce qui est indispensable, et par la crainte de voir le boycottage s’abattre sur quiconque lancerait sciemment un appel public au boycottage d’Israël. En somme, des lâches.
Mais pas seulement. Dans un récent article publié dans l’édition en hébreu de Haaretz, un membre du conseil d’administration d’Amnesty Israël a écrit qu’Amnesty n’avait pas jugé bon de mentionner les actions du Hamas. C’est loin d’être le cas. Depuis octobre 2023, l’organisation a publié plusieurs déclarations tranchantes condamnant les crimes du Hamas, appelant à la libération des otages et se félicitant de l’enquête menée par la Cour pénale internationale sur les dirigeants du Hamas.
Il est inutile d’insister sur le fait qu’Amnesty Israël n’a jamais appelé à un embargo sur les armes à destination d’Israël, ce que l’on pourrait attendre d’une organisation de défense des droits de l’homme qui se respecte. Que peut-on attendre de cette antenne, dont certains membres sont des soldats ou ont des parents qui le sont ? Amnesty Israël se fâche lorsqu’elle est contrainte de tirer des conclusions morales délicates à l’encontre d’Israël. Elle craint la violence de la réaction de l’opinion publique et les tensions internes qui pourraient en résulter. Amnesty Israël devrait peut-être se rendre compte d’une chose simple : si la tâche qu’elle assume est trop lourde, il lui est toujours possible de se transformer en entreprise de relations publiques pour le ministère des affaires étrangères.
Hanin Majadli