
Il est profondément décourageant et frustrant de réfléchir aux longues années de lutte acharnée endurées par les bénéficiaires de la réforme agraire (Agrarian Reform Beneficiaries, ARB) - des années d’espoir et de persévérance qui se sont heurtées à des retards systémiques, au harcèlement et à l’injustice. Pendant plus d’une décennie et demie, les ARB ont été victimes d’intimidations et de harcèlements sévères, comme si on leur faisait miroiter des réalisations symboliques, alors que la raison d’être [des agences chargées de mettre en œuvre la réforme agraire] était de les aider. Ainsi, le véritable changement est resté hors de portée. Les programmes et les lois censés les protéger ont, au contraire, toujours favorisé les riches et les « puissants », perpétuant ainsi la souffrance de ceux que les réformes étaient censées améliorer.
Bien qu’ils soient les propriétaires légaux des terres agricoles attribuées, les ARB sont continuellement privés du droit d’exercer leur droit de propriété, de cultiver la terre en paix et de jouir des fruits de leur travail. Au lieu de cela, ils sont victimes de harcèlement, de violences sur leur personne et sur les membres de leur famille proche, d’intimidations, de poursuites sans fondement et de menaces, toutes destinées à les empêcher et à les contraindre à exercer leur droit de propriété. Les intimidations, les violences et les harcèlements qu’ils ont subis pendant plus d’une décennie et qu’ils subissent encore aujourd’hui sont le reflet d’un système partial à l’égard des personnes vulnérables, marginalisées et impuissantes, et qui privilégie les intérêts des puissants, des personnes bien informées et des nantis.

Même avec les décisions du bureau central du Département de la réforme agraire (DAR), en particulier la récente décision du 28 juin 2024, signée par l’actuel secrétaire du DAR, Conrado Estrella III, rejetant la demande d’ADM. A-9999-09-CLT-326-2021 déposée par l’ancien propriétaire avec préjudice et ordonnant l’installation immédiate des détenteurs d’EP - confirmant la revendication des ARB sur la terre, la situation reste injuste. L’ancien propriétaire continue de récolter des noix de coco sur des terres dont il n’est plus légalement propriétaire - des cultures plantées par les ARB, qui se voient toujours refuser le droit de cultiver leurs terres. Ce revirement de justice est un affront à l’esprit de la réforme agraire et un rappel brutal des inégalités systémiques auxquelles les agriculteurs sont confrontés aujourd’hui.

Le 15 janvier 2025, les ARB du SARBEFO, avec leurs collègues agriculteurs et les défenseurs des droits fonciers, ont courageusement occupé leurs terres pour affirmer pacifiquement leur revendication légitime, une fois de plus, en s’exposant à l’intimidation et au harcèlement. Cet acte souligne leur résilience et l’impératif moral de réclamer ce qui leur a été longtemps refusé.
Nous reconnaissons les immenses défis auxquels ils sont confrontés et qui doivent cesser immédiatement :
• La partialité systémique et le manque d’action décisive de la part des autorités locales, ainsi que le mépris total de l’ordre du DAR-Central, qui enhardissent ceux qui exploitent les vides juridiques pour garder le contrôle sur des terres qui ne sont plus les leurs.
• Le bilan émotionnel et économique d’une lutte prolongée par des intérêts particuliers et des retards juridiques, qui prive les agriculteurs de la possibilité de planter, de récolter et de subvenir aux besoins de leurs familles.
• Le silence des lois et des institutions qui n’agissent pas rapidement pour protéger les plus vulnérables.
Les 15 années de lutte des ARB sont un rappel douloureux de la persistance des inégalités systémiques qui privent les agriculteurs de l’accès à la terre censée leur apporter dignité et moyens de subsistance. Pourtant, leur courage et leur persévérance pendant des décennies de souffrance réaffirment le pouvoir de l’action collective.
Nous demandons expressément au département local de la réforme agraire de confirmer la décision du bureau central et de veiller à ce que les ARB soient enfin installés sur leurs terres.
Nous demandons instamment au Département de la réforme agraire et à toutes les autorités compétentes de prendre des mesures immédiates pour mettre fin à cette injustice. L’installation légitime des ARB doit être mise en œuvre sans délai supplémentaire. Leur sécurité doit être une priorité et les personnes responsables de harcèlement et d’exploitation doivent répondre de leurs actes. Les programmes et les politiques doivent cesser de favoriser les riches aux dépens des agriculteurs marginalisés.
Enfin, nous appelons le président « BongBong » Marcos Jr. à agir de manière décisive et à faire de la réforme agraire la pierre angulaire des engagements de son administration, afin d’honorer la mémoire de son défunt père et auteur du PD 27. C’est l’occasion de faire preuve d’un véritable leadership et de se tenir aux côtés des agriculteurs qui comptent sur sa promesse de justice et d’équité.
Par-dessus tout, cette lutte ne concerne pas seulement la terre, mais aussi la vie, la justice sociale et la dignité des agriculteurs qui travaillent dur pour nourrir la nation. Il s’agit également de veiller à ce que les terres attribuées aux agriculteurs après des décennies de plaidoyer ne soient pas vidées de leur sens par des préjugés systémiques et par l’exploitation due à l’indécision des pouvoirs en place.
En toute solidarité,
[1] Kahugpongan sa mga Mag-uuma ug Mangingisda sa Zamboanga del Sur (KAMAGMASUR),
[2] Convergence of Zamboanga Del Sur On Agrarian Reform and Rural Development (Convergence de Zamboanga del Sur sur la réforme agraire et le développement rural) (CONZARRD),
[3] Kahugpongan sa Mag-uuma ug Mamumuong Kababayen-an sa Zambo. Sur (KASAMMAKA),
[4] Kilusang Maralita sa Kanayunan (KILOS KA),
[5] Kilusang Maralita sa Kanayunan - Lanao (KILOS KA - Lanao),
[6] Alyansa ng mga Mamamayan para sa Karapatang Pantao (AMKP), Cotabato City,
[7] Alliance of the Tri-People for the Advancement of Human Rights (ALTAHR), Cotabato City,
[8] Lanao Alliance of Human Rights Advocates (LAHRA), Inc, Iligan City,
[9] Interfaith Movement for Peace (IMovePeace), région de Caraga,
[10] Philippine Alliance of Human Rights Advocates (Alliance philippine des défenseurs des droits de l’homme) (PAHRA), Quezon City
[11] Partido Manggagawa
[12] LABAN Kababaihan