C’est à moi que revient la charge de saluer la mémoire de Patrice au nom du NPA Seine-Eure. Et c’est bien normal, puisqu’il y a déjà un moment que nos chemins ont commencé à se croiser. C’était au début des années 80, quand nous avions acheté à peu près au même moment une maison aux Chalandons. Je me souviens particulièrement bien d’une fête organisée par l’association de quartier où nous avons passé une bonne soirée à la même table. Puis il y a eu une grève pour les salaires chez Eurarma, sa boîte, et depuis on a toujours été en contact… Quand on distribuait tous les mois le midi, notre bulletin d’entreprises chez Philips-Polygram, devenu ensuite Cinram, il passait à pied en allant au boulot ou en revenant de son équipe, et on discutait toujours le bout de gras…

Plus tard, on s’est aussi retrouvés à l’Union locale CGT. Et quand en 1995 ; je lui ai proposé de se présenter avec nous aux élections municipales de Louviers sur la liste « À Gauche Vraiment ! » menée par Gérard Prévost, c’est tout naturellement qu’il avait accepté, puis encore 2001. Et aussi en 2008, et comme la campagne correspondait aux débuts du NPA, il avait alors rejoint le parti d’Olivier Besancenot.
Patrice, c’était un gars sur qui on pouvait compter : il mettait un point d’honneur à être en règle, et même souvent en avance, pour sa cotisation. S’il s’engageait à faire une distribution, on savait qu’il n’y avait pas besoin de le lui rappeler, c’était fait et bien fait.
Dans nos réunions, il ne disait pas toujours grand chose, mais il trouvait son compte dans nos échanges. Ses réflexions chargées de bon sens nous manquent déjà, de même que son sourire plein de malice et son humour pince-sans-rire… Il nous faisait partager les combats menés avec ses copains de la CGT d’Eurarma, aux côtés de notre camarade Fredo, comme la grève systématique le lundi de Pentecôte, jour de congé volé par le patronat, ou le bras de fer à rebondissement sur le temps d’habillage-déshabillage et le lavage des bleus….
Patrice s’est éteint mardi dernier, la veille de son cinquante-neuvième anniversaire, avec Martine à ses côtés, au bout des épreuves que lui a infligées le cancer de l’amiante qui le rongeait. La responsabilité d’Eurarma n’est même pas discutable, puisqu’il n’a jamais travaillé ailleurs. La vie ne lui avait pas épargné les épreuves, il encaissait et compensait comme il pouvait, mais là, c’est directement la recherche du profit maximum sur le dos des ouvriers qui a semé des ravages dans son corps. Nul doute que ça se paiera, et le plus cher possible, nul doute que les copains du syndicat ne lâcheront pas l’affaire.
Mais il n’empêche, tu n’es plus avec nous Patrice, et ta disparition nous fait mal. Un jour qu’on faisait quelques pas dans la cour de l’hosto avec Fredo tous les trois, en collant des auto-collants du NPA sur notre passage, tu nous disais dans un sourire vouloir faire grève avec le personnel pour le maintien des 35h… Toi qui aimais la vie, ta belle collection de pièces de monnaies, les grandes virées en camping-car avec Martine au volant, toi qui montrais avec joie les photos de ta toute petite-fille, tu es tombé, fauché par la rapacité du capital, et tu laisses un grand vide. Pourtant, il restera quelque chose de toi, et c’est la part que tu as prise dans la résistance permanente à ce système aliénant et oppressif. Tu fais partie de ces humbles héros obstinés de la lutte quotidienne. Tu as contribué à ce que prenne forme, avec parfois de grandes avancées et en ce moment beaucoup de reculs, l’esquisse du monde meilleur dont l’humanité a besoin. Patrice, salut, ta mémoire restera vivante parmi nous
Pierre Vandevoorde