Et Bloomberg met le doigt sur les deux bobos économiques cruciaux tout en soulignant le danger oligarchique dénoncé, trop tardivement, dans le discours d’adieu du président Biden qui passera sans doute à l’histoire comme la dénonciation du « complexe militaro-industriel » par le président Eisenhower.
Bien que les alternatives utopique et dystopique de Bloomberg restent dépendantes de la miraculeuse haute-technologie — horizon capitaliste oblige — l’agence laisse entendre que l’aboutissement historique demeure strictement une affaire de la société bien humaine, sans toutefois préciser les chemins et fourches conduisant à l’une ou à l’autre. Pour pousser l’analyse, il aurait bien fallu faire intervenir le politique dont la lutte sociale est le noyau dur. Et le politique du hic et nunc repose sur les positions et stratégies des unes et des autres vis-à-vis l’inéluctabilité capitaliste de la terre-étuve par les voies infernales des guerres génocidaires, dont aujourd’hui marque un répit, et de brûlantes catastrophes climatiques qui n’épargnent ni les ÉU ni même son 1% le plus riche
Marc Bonhomme, 19/01/25
Juger l’économie de Trump
Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche cette semaine, il convient de réfléchir à la manière dont nous devrions juger sa nouvelle présidence et, en particulier, son bilan économique.
L’économie américaine fait aujourd’hui l’envie du monde entier et, à bien des égards, ses performances sont supérieures à celles de ses pairs depuis la pandémie. Pourtant, le problème inéluctable, comme Joe Biden et les démocrates l’ont appris en novembre, c’est que les électeurs américains ne voient pas les choses de cette façon.
Le discours d’investiture de Trump en 2017 était centré sur l’idée de rendre le pouvoir et la prospérité au peuple. Mais l’écart entre la vigueur de l’économie américaine et le pessimisme économique des Américains suggère que les mesures économiques traditionnelles ne sont pas les bons critères pour juger le bilan de Trump la deuxième fois.
Nous devrions plutôt nous intéresser à des mesures qui vont au-delà de la simple croissance ou du PIB. Et ces mesures n’ont pas été excellentes au cours des huit dernières années.
Inégalités
L’inégalité des revenus a augmenté au cours de la première présidence de Trump et reste proche d’un niveau historique. Trump et Biden ont tous deux mis l’accent sur l’industrie manufacturière comme élément de réponse. Mais la part de l’emploi industriel dans l’emploi total est à son plus bas niveau historique.
L’inégalité en Amérique va au-delà de l’emploi, du revenu et de la richesse - en particulier lorsque l’on sait que ceux qui ne dépassent pas le niveau du lycée vivent beaucoup moins longtemps que ceux qui obtiennent un diplôme d’études supérieures.
Logement
L’angoisse économique qui s’est manifestée lors des dernières élections ne concernait pas seulement les prix des produits alimentaires ou l’inflation post-pandémique galopante. Même à l’époque pré-Covid, le rêve américain semblait de plus en plus inaccessible pour de nombreux Américains. Et aujourd’hui, son pilier central, l’accession à la propriété, semble plus difficile à atteindre qu’il ne l’a été depuis des décennies. La présidence de Trump pourrait raisonnablement être jugée, au moins en partie, à l’aune de l’accès à la propriété.
Technologie et pouvoir
L’avenir de l’Amérique pourrait également dépendre de l’évolution de la nouvelle relation de Donald Trump avec les oligarques de la technologie. Son adhésion à Elon Musk, à l’IA, à la cryptographie et à une vision du monde propre aux technocrates pourrait déboucher sur l’une ou l’autre des deux voies suivantes. C’est difficile à mesurer, mais les résultats potentiels sont étonnamment différents.
Il existe un scénario utopique dans lequel, libérée de l’intrusion du gouvernement, l’innovation nous permet de sortir des crises. L’IA rend les Américains plus productifs et plus heureux, tandis que la crypto-monnaie les rend au moins plus riches. Il y a aussi la voie dystopique, dans laquelle l’IA non réglementée non seulement déplace les travailleurs, mais devient un gardien algorithmique qui choisit qui obtiendra un emploi ou un prêt. Pendant ce temps, à l’abri de toute surveillance, une autre bulle de crypto-monnaie provoque une crise financière.
Dans son discours d’adieu de la semaine dernière, Joe Biden a prévenu que les États-Unis entraient dans un âge doré qui menaçait la capacité des gens ordinaires à s’épanouir. En fin de compte, l’exactitude de cette déclaration pourrait être la mesure du succès qui compte le plus pour la présidence de M. Trump. Dans quatre ans, les électeurs américains verront-ils la plus grande économie du monde comme le reste de la planète ? Ou verront-ils un pays gouverné par des oligarques et seront-ils encore plus désenchantés ?
Shawn Donnan, Bloomberg News