Soulagement dans les chaumières ? Surtout gros soupirs d’aise chez Lagardère, Arnault, Pinaut Dassault et tous les membres de leur coterie. La ficelle est cependant bien grossière ; le président en bout de course, honni et discrédité, tente de profiter de la crise internationale à la fois pour revenir dans le jeu et pour enfoncer encore davantage les services publics et la protection sociale (retraites, congés de maladie, remboursements, indemnisation du chômage...), comptant sur l’effet de sidération pour passer outre les résistances qui ont jusqu’alors empêché la mise en œuvre des contre-réformes que la classe capitaliste attendait de lui....
L’arnaque est là, et il ne saurait évidemment être question de lâcher sur la moindre revendication sociale, d’accepter le moindre plan de licenciement au prétexte qu’il faudrait serrer les rangs pour préserver les intérêts « de la patrie ». Pour autant, il ne suffit pas de répéter les formules consacrées et d’invoquer les mânes des grands anciens pour répondre aux questions qui se posent à nous.
Certes, le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage, l’ennemi est dans notre propre pays, et coetera, il n’empêche que la question militaire, qui a sans doute disparue de nos débats depuis 1991 (la première guerre du Golfe et les dernières distributions de tracts aux bidasses), s’impose de nouveau sur le devant de la scène et il faut y répondre sérieusement, ne serait-ce que pour tenir compte des demandes insistantes de nos camarades d’Ukraine.
Ainsi, la camarade Anna Perekhoda de Sotsialnyi Rukh (Mouvement social) écrit : « Si les partis de gauche veulent rester pertinents, ils doivent adopter une position claire sur la stratégie de défense. Ignorer la sécurité militaire ne ferait que permettre aux forces de droite de dominer la discussion, en présentant la gauche comme naïve ou faible, et, dans ce cas, ils n’auraient pas tort » (dans un billet intitulé : Comment financer la défense européenne (et comment ne pas le faire » sur ESSF) [1]. Cela passe évidemment par la confiscation des avoirs russes, l’annulation de la dette de l’Ukraine et la ponction sur les milliardaires. Et par la mise de l’industrie d’armement sous contrôle public (d’autant plus que, selon Macron, elle doit servir à « réindustrialiser le pays », ironie aussi amère qu’involontaire au moment où des centaines de milliers de licenciements sont en jeu).
Et puis, au moment où le premier réflexe chez les jeunes (et moins jeunes ?) est souvent le pacifisme individualiste, il est temps de renouer le fil qui nous relie aux meilleures traditions de l’antimilitarisme révolutionnaire, aux expériences de militantisme qui ont marqué la génération qui, à partir du début des années 1970, a participé dans ce pays au développement des comités de soldats, ainsi qu’à la lumière de ce que l’expérience ukrainienne nous apprend, en reposant des questions comme les droits syndicaux à l’armée, la fin de l’armée de métier ou la création d’un service à six mois avec une réelle instruction militaire.
Ce court billet est une invite à (ré)ouvrir la réflexion et le débat sur cet ensemble de questions.
Pierre Vandevoorde