Getty Images Vue aérienne d’une section de la rivière Yarlung Tsangpo le 13 mai 2023Getty Images
Le barrage, qui sera situé dans le cours inférieur du fleuve Yarlung Tsangpo, pourrait produire trois fois plus d’énergie que le barrage des Trois Gorges, actuellement la plus grande centrale hydroélectrique du monde.
Les médias d’État chinois ont décrit ce projet comme « un projet sûr qui donne la priorité à la protection de l’environnement », affirmant qu’il stimulera la prospérité locale et contribuera aux objectifs de neutralité climatique de Pékin.
Les groupes de défense des droits humains et les experts ont toutefois exprimé leurs inquiétudes quant aux répercussions de ce projet.
Au Tibet, la construction d’un barrage a provoqué des manifestations comme il s’en produit rarement. Elles se sont soldées par des passages à tabac et des arrestations, selon la BBC
La construction du barrage, annoncée fin 2020, pourrait notamment déplacer des communautés locales, modifier considérablement le paysage naturel et nuire aux écosystèmes locaux, qui comptent parmi les plus riches et les plus diversifiés du plateau tibétain.
La Chine a construit plusieurs barrages dans les régions tibétaines, un point de discorde dans une région étroitement contrôlée par Pékin depuis son annexion dans les années 1950.
Dans le passé, des activistes ont déclaré à la BBC que ces barrages étaient le dernier exemple en date de l’exploitation des Tibétains et de leurs terres par Pékin. Le Tibet, majoritairement bouddhiste, a connu des vagues de répression au fil des ans, au cours desquelles des milliers de personnes auraient été tuées.
Au début de l’année, le gouvernement chinois a arrêté des centaines de Tibétain.e.s qui manifestaient contre un autre barrage hydroélectrique. Cette manifestation s’est soldée par des arrestations et des passages à tabac, certaines personnes ayant été gravement blessées, selon des informations obtenues par la BBC auprès de sources et confirmées par des images.
Ces personnes s’opposaient au projet de construction du barrage et de la centrale hydroélectrique de Gangtuo, qui implique le déplacement de plusieurs villages et l’inondation d’antiques monastères abritant des reliques sacrées. Pékin a toutefois déclaré avoir relogé et indemnisé les habitants et mis en sécurité les fresques anciennes.
Dans le cas du barrage de Yarlung Tsangpo, les autorités chinoises ont souligné que le projet n’aurait pas d’impact environnemental majeur, mais elles n’ont pas indiqué combien de personnes allaient être déplacées. Le barrage hydroélectrique des Trois Gorges a nécessité la réinstallation de 1,4 million de personnes.
Selon certaines informations, ce projet colossal nécessiterait le creusement d’au moins quatre tunnels de 20 km de long à travers la montagne Namcha Barwa, détournant ainsi le cours du Yarlung Tsangpo, le plus long fleuve du Tibet.
Des experts et des représentants officiels ont également fait part de leurs inquiétudes quant au fait que le barrage permettrait à la Chine de contrôler ou de détourner le cours de ce fleuve transfrontalier, qui coule vers le sud dans les États indiens d’Arunachal Pradesh et d’Assam, avant de rejoindre le Bangladesh.
Un rapport publié en 2020 par le Lowy Institute, un groupe de réflexion australien, souligne que « le contrôle de ces fleuves [sur le plateau tibétain] donne à la Chine une capacité d’étranglement de l’économie indienne ».
Peu après l’annonce par la Chine de son projet de barrage sur le Yarlung Tsangpo en 2020, un haut responsable du gouvernement indien a déclaré à Reuters que le gouvernement indien envisageait la construction d’un grand barrage hydroélectrique et d’un bassin de retenue « afin d’atténuer l’impact négatif des projets de barrage chinois ».
Le ministère chinois des Affaires étrangères a précédemment répondu aux inquiétudes de l’Inde concernant le projet de barrage, affirmant en 2020 que la Chine avait un « droit légitime » de construire un barrage sur le fleuve et qu’elle avait pris en compte les impacts en aval.
Le grand canyon du Yarlung Tsangpo, également connu sous le nom de grand canyon du Yarlung Zangbo, est le plus profond du monde. Image Getty.
Au cours de la dernière décennie, la Chine a construit plusieurs centrales hydroélectriques le long du Yarlung Tsangpo afin d’exploiter la puissance du fleuve comme source d’énergie renouvelable. S’écoulant dans le canyon le plus profond de la planète, une partie du fleuve chute de 2 000 mètres sur une courte distance de seulement 50 km, offrant un énorme potentiel pour la production d’énergie hydroélectrique.
Cependant, la configuration topographique exceptionnelle de la rivière pose également des défis techniques majeurs, et ce dernier barrage est de loin le plus grand et le plus ambitieux jamais construit en Chine.
le site du barrage se trouve le long d’une ligne de faille sismique. Des chercheurs chinois ont également déjà fait part de leurs inquiétudes quant au fait que des travaux d’excavation et de construction aussi importants dans une gorge escarpée et étroite pourraient augmenter la fréquence des glissements de terrain.
« Les glissements de terrain et les coulées de boue provoqués par les tremblements de terre sont souvent incontrôlables et constitueront également une menace énorme pour le projet », a déclaré en 2022 un ingénieur principal du bureau géologique provincial du Sichuan.
Selon les estimations du bureau des ressources hydriques de Chongyi, le projet pourrait coûter jusqu’à un mille milliards de yuans (127 milliards de dollars, soit 109,3 milliards de livres sterling).
Gavin Butler
BBC News
Singapour