Dès l’annonce de la mise en place prévue de trois nouvelles franchises, de nombreuses associations de malades ont fait connaître leur refus. Elles ont toutes souligné que ces franchises marquaient un pas supplémentaire dans la destruction du principe de solidarité entre bien-portants et malades, « pour aller vers un modèle où les malades sont invités à être solidaires entre eux ! » [1].
Plusieurs associations ont expliqué la traduction concrète de la destruction du principe de solidarité qui régissait autrefois l’assurance maladie. Ainsi, pour l’Association des paralysés de France, les projets gouvernementaux sont des « décisions qui pèsent, en bonne partie, sur le portefeuille des patients ». Ce portefeuille est bien souvent peu rempli, ce qui rendra insupportable le surcoût généré par les franchises. Le collectif Chroniques associés [2], qui regroupe six associations de malades chroniques, a ainsi publié des documents révélant les coûts d’un parcours de soin pour une personne atteinte d’un cancer, une myopathie... Ces documents, qui seront remis prochainement aux parlementaires, montrent que la mise en place des nouvelles franchises conduirait de nombreux malades chroniques à consacrer 10 % de leur revenu à leurs dépenses de santé. Bon nombre de malades chroniques (25 % des personnes séropositives françaises, par exemple) n’ont pour seul revenu que les 621 euros mensuels de l’allocation aux adultes handicapés. Si une maladie chronique prive souvent de travailler, elle ne permet pas d’être exonéré de l’ensemble des frais de santé, bien qu’elle fasse partie du champ des affections de longue durée qui ouvre le droit à une prise en charge à 100 %.
Plusieurs associations ont aussi tenu à rappeler que les franchises « retardent l’accès aux soins et ont des effets désastreux en terme de santé publique, notamment pour les plus démunis » [3].
Si les associations de patients se mobilisent, le lien n’est pas encore fort avec les structures politiques et syndicales du collectif national contre les franchises. Les associations sont souvent réticentes à des alliances, avec les organisations politiques notamment. Il en va différemment pour les associations de lutte contre le sida, plus enclines à intervenir sur le champ politique. Act Up Paris et Aides sont ainsi fortement engagées dans le collectif. Aides est plus particulièrement à l’initiative du site Internet du collectif, qui verra bientôt le jour. Signalons aussi que Keratos, une petite association sur les pathologies de la surface oculaire et les dysfonctionnements du système lacrymal, est venue le 14 septembre grossir les rangs du collectif [4].
Anthony Bégrand
1. Communiqué de presse du collectif interassociatif sur la santé, 31 juillet 2007. Voir www.leciss.org.
2. Voir www.chroniques-associes.
3. Communiqué de presse de Aides, 12 août 2007. Voir http://aides.org.
Plan Alzheimer : un alibi pour les franchises
Présenté le 21 septembre, le Plan Alzheimer sera financé par des franchises médicales, rompant ainsi avec le principe de solidarité de la Sécurité sociale.
Première cause de dépendance des personnes âgées, la maladie d’Alzheimer touche aujourd’hui, en France, 860 000 personnes. Il touchera 1,3 million de personnes en 2020, puis 2,1 millions en 2040. Compte tenu de la durée de cette maladie avant la perte de l’autonomie, la majorité des malades est suivie à domicile par des proches, confrontés à de très grandes difficultés morales et financières, au manque de places d’accueil dans des établissements de jour (moins de 6 000 places) ou dans des hôpitaux spécialisés.
Sarkozy a lancé, à la fin de sa campagne présidentielle, l’idée d’un Plan Alzheimer pour améliorer la recherche et la prise en charge des malades. Avant même d’en définir le contenu, il a d’emblée imposé le mode de financement : ce sera par de nouvelles franchises médicales, comme la lutte contre le cancer et l’amélioration des soins palliatifs. Ces nouvelles dépenses de recherche, de soins et d’accueil seront donc financées par les malades eux-mêmes.
On continue de fermer les hôpitaux de proximité et on investit des milliards dans la création de « cancéropôles » permettant aux laboratoires privés de faire des profits. À cela s’ajoutent des mesures frappant les plus pauvres, comme l’augmentation des tarifications et des honoraires médicaux et le déremboursement de nombreux médicaments. Une logique qui casse le régime de santé solidaire pour offrir son budget de près de 280 milliards, fruit de nos cotisations, aux organismes d’assurance qui feront le tri entre ce qui est rentable et le reste.
L’érosion organisée du système de santé à coups de restrictions budgétaires a, entre autres, abouti au redéploiement, vers les services rentables, du personnel soignant de nombreux services de long séjour, jugés improductifs. Le niveau de vie détermine directement les conditions de fin de vie et, dans ce domaine, les inégalités sont criantes, que ce soit au domicile ou en institution. La fragilité de la fin de la vie et le sort fait aux personnes dépendantes nous confrontent directement aux conflits de valeurs de notre société, où l’individualisme triomphe et où le désir de maîtrise comptable sur les gens prime sur le lien solidaire tissé à travers des services publics.
En 2020, il y existera 25 % de plus de personnes dépendantes. Pour en tirer profit, des groupes spécialisés dans la prise en charge de la dépendance se sont développés, comme Sodexho, Médipep et la Générale de santé (cotée en Bourse !). 1,2 million de personnes âgées fragilisées vivent à domicile ou en établissement. Avec leurs familles et les professionnels qui les accompagnent, ce sont 7 à 8 millions de personnes auxquelles Sarkozy s’adresse en voulant créer une cinquième branche de la Sécurité sociale, consacrée à la dépendance. Celle-ci rendrait encore plus opaque les conditions de prise en charge de la dépendance et stigmatiserait encore plus ces populations.
Il faut exiger la nationalisation de l’industrie pharmaceutique, avec suppression des brevets. Il faut que les maisons de retraite médicalisées ne dépendent que du service public. Il faut aussi développer le service public de la santé, l’adapter aux contraintes de l’âge et du handicap (transport, logement, aides de vie à domicile, services à la personne gratuit contre l’isolement). Cela passe, de toute façon, par une Sécurité sociale qui reste basée sur des cotisations représentant une part de notre salaire socialisée, et par une autre répartition des richesses.
Une question subsiste : faut-il un service public du quatrième âge, ou plutôt un service public qui réponde aux situations de dépendance, qui sont des problèmes de santé ayant des conséquences familiales et sociales pouvant surgir bien avant le quatrième âge ?
Marie-Pierre Lesur
29 septembre : non à l’impôt sur les malades !
On le sait : le rouleau compresseur du sarkozysme avance le plus vite possible, tant qu’il ne rencontre pas de résistance. Mais les fanchises médicales sont peut-être une fissure dans la cuirasse, qui peut amplifier la décote déjà observée de popularité du président. Pour peu que le rassemblement unitaire contre les franchises s’élargisse, et notamment vers les associations de malades (lire ci-contre), il se pourrait que le mouvement contre cet impôt levé sur la maladie se transforme en vaste rejet populaire. Des mobilisations de rue, en octobre, pourraient obliger les députés à trouver d’autres modes de financement de l’assurance maladie. Ils pourraient, par exemple, suivre les avis judicieux de la Cour des comptes qui dénonce, à propos du déficit de la Sécurité sociale, les distributions de revenus non soumis à cotisations sociales, dans l’intéressement et la participation (presque l’équivalent du prétendu déficit). Samedi 29 septembre, le gymnase Japy, à Paris, doit être rempli à l’appel du Collectif national auquel participent de nombreuses associations, mutuelles, syndicats (CGT Paris, FSU, Solidaires), partis. D’autres actions sont annoncées à Maubeuge, Lille, Amiens, Nice, Besançon, Marseille, Avignon, Toulouse, Rennes, Brest, Rouen, Nîmes, Montpellier, Strasbourg... Une force montante.
Dominique Mezzi