Il s’agit d’une attaque insensée, moralement injustifiable et totalement contre-productive sur le plan politique, car elle ne peut que mettre nourrir et renforcer les courants islamophobes déjà présents dans la société indienne et au sein des institutions étatiques. L’hypocrisie des violateurs notoires des droits démocratiques et humains, tels que Donald Trump, Vladimir Poutine et de nombreux autres dirigeants, qui expriment leur profonde inquiétude et présentent leurs condoléances, doit être dénoncée. Plus près de chez nous, le gouvernement pakistanais, tout en exprimant sa sympathie pour les victimes, n’a pas condamné catégoriquement cette attaque terroriste. Ce silence est non seulement moralement répréhensible, mais aussi politiquement débilitant, car cela revient à encourager le chauvinisme anti-indien au Pakistan et, ici en Inde, c’est une aide aux efforts de l’Hindutva pour ériger le Pakistan en ennemi permanent et présenter les musulmans indiens comme « l’ennemi intérieur ».
Aussi condamnable et injustifiable que soit cet acte terroriste à Pahalgam, il doit être replacé dans un contexte plus large. C’est l’histoire de plusieurs décennies de répression au Jammu-et-Cachemire, et en particulier dans la vallée, exercée par les gouvernements indiens successifs, le régime Modi ayant finalement annulé de manière anticonstitutionnelle l’article 370 et poussé encore plus loin la militarisation et la violence de l’occupation. Tout cela n’a pas eu d’autre effet que de semer les germes de nouvelles tensions et d’un regain de l’activisme.
La plupart des partis d’opposition ont exigé à juste titre que les auteurs soient punis et que tous ceux qui sont responsables des défaillances en matière de sécurité aient à rendre des comptes. Mais nous devons garder à l’esprit que le terrorisme n’est pas simplement, ni même principalement, un problème de sécurité ; il s’agit avant tout d’un problème politique. Aux atrocités commises à Pahalgam il ne faut pas répondre par le terrorisme d’État, c’est-à-dire par des actions qui causeraient blessures et morts parmi des civils innocents au Cachemire ou ailleurs. De telles actions ne doivent pas non plus être légitimées, niées ou occultées sous le couvert d’expressions toutes faites telles que « lutte contre le terrorisme » ou « dommages collatéraux ».
En réponse à cette attaque, le gouvernement indien a, entre autres mesures diplomatiques, déclaré qu’il « suspendait » le traité de 1960 sur les eaux de la vallée de l’Indus, ce qui constitue une escalade délibérée et très dangereuse d’un conflit interétatique, d’autant plus injustifiée qu’il sert à mettre en scène la bravoure hindouiste sans se soucier de ses possibles répercussions pratiques et militaires sur les relations entre deux voisins dotés de l’arme nucléaire. Cet attentat à Pahalgam a été perpétré par un groupe qui ne représente pas un État et doit être traité comme tel. Il ne doit pas servir de prétexte à des actes de guerre ou de sabotage illégaux entre États.
Bien que l’attentat ait été perpétré par des acteurs non étatiques, la stigmatisation et le harcèlement des musulmans indiens en général, et des Cachemiriens en particulier, tournent à pein régime. Il apparaît que, dans les États du nord de l’Inde, des étudiants cachemiriens auraient fait l’objet de menaces physiques. Des groupes d’extrême droite de l’Himachal Pradesh et du Pendjab ont lancé un appel ouvert à la violence contre les étudiants du Cachemire. Le Hindu Raksha Dal, une organisation d’extrême droite de l’Uttarakhand, a lancé un ultimatum à tous les étudiants originaires du Cachemire, leur donnant jusqu’au jeudi 24 avril à 10 heures pour quitter Dehradun. Alors que les journalistes des grands médias attisent l’islamophobie et réclament le sang des musulmans, ceux qui demandent des comptes à l’État subissent déjà des intimidations, à l’image du journaliste Rakesh Sharma, originaire du Jammu-et-Cachemire, qui a été agressé à Kathua pour avoir posé des questions sur les manquements en matière de sécurité. C’est précisément cette islamophobie virulente et haineuse qui suscite ce type d’actes.
Nous ne savons pas si les services de sécurité indiens seront en mesure d’établir la nature exacte des faille dans leur dispositif de sécurité et d’identifier tous les responsables de ces actes. Nous l’espérons, mais nous sommes malheureusement convaincus que cette situation sera utilisée comme prétexte pour s’en prendre à des musulmans innocents, et en particulier à des Cachemiriens.
Nous tenons à réaffirmer qu’il ne peut y avoir de solution militaire à des problèmes politiques. Si l’État indien souhaite réellement rétablir la paix dans la vallée, il doit respecter les droits de tous les citoyens du Jammu-et-Cachemire, ainsi que leurs aspirations et leurs revendications politiques. Une approche brutale et arrogante ne fera que paver la voie qui conduit au sacrifice d’encore autres vies innocentes à l’avenir.
Jeudi 24 avril 2025
Radical Socialist (Inde )
Europe Solidaire Sans Frontières


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