Le Parti communiste libanais PCL participe à la résistance contre l’occupation
israélienne, résistance politique, sociale, mais aussi armée, malgré le peu de
moyens dont il dispose. Nous avons passé une journée entière à Jamaliya, dans la
vallée de la Bekaa, où 7 militants communistes sont tombés les armes à la main lors
d’une opération israélienne en août 2006. Nous avons aussi rencontré Khaled Hadadeh,
secrétaire général du PCL.
Est-ce que la diplomatie française sous Sarkozy est différente de celle de Chirac ou
de Bush concernant le Moyen Orient ?
On constate une modification de la façon dont le gouvernement français exerce sa
politique au Liban et au Moyen Orient en général, mais ce n’est pas un changement
important. C’est plutôt une réponse à ce qui s’est passé en Irak. Avec le recul de
la mainmise nord américaine, il semble que l’Union européenne essaie de profiter de
cette faiblesse pour regagner un peu de terrain perdu. J’ai l’impression que le
nouveau gouvernement français essaie de compenser ce qu’il a perdu pendant
l’occupation de l’Irak et la chute de Saddam Hussein, mais cela ne change pas grande
chose dans le conflit israélo-arabe. L’Union européenne a toujours les mêmes
relations, les mêmes points de vue dans l’ensemble que le gouvernement nord
américain, comme s’ils étaient en train de se compléter pour défendre les intérêts
d’Israël dans la région. La solution de paix, prônée par l’UE et le gouvernement
américain, vise à préserver les intérêts
israéliens militaires et politiques dans la région.
Dans un communiqué de presse récent, le PCL se dit partisan d’une modification de la
constitution pour changer le modèle confessionnel au Liban. Pourquoi ?
Le modèle confessionnel au Liban est à l’origine de problèmes et de guerres civiles
depuis la création du grand Liban en 1926. C’est le représentant du mandat français
au Liban qui l’a imposé et jusqu’à aujourd’hui les guerres civiles à caractère
confessionnel se succèdent. La classe politique au Liban est comme une classe de
féodaux, où des groupes humains géographiquement bien délimités suivent un chef
politique ou tribal et où le régime libanais reflète une union de ces chefs féodaux
qui représentent les intérêts de leur propre groupe communautaire. En plus, cette
logique pousse les chefs de sectes à chercher l’appui de forces étrangères pour
consolider leur pouvoir. Cette composition confessionnelle rend le Liban instable,
ce qui est renforcé encore par l’instabilité régionale. N’importe quel changement
dans le rapport de force régional se reflète au Liban en guerre civile, parce que le
Liban est le maillon faible de
la région avec le système politique le plus fragile. Nous pensons que ce système
confessionnel et clientéliste est devenu la cause principale du problème du Liban.
Nous proposons un début de solution pour établir un système laïc et démocratique au
Liban, en se basant sur une réforme politique qui abandonnerait le système
confessionnel et qui établirait une nouvelle loi électorale, basée sur la
proportionnalité. Un Sénat pourrait alors représenter les intérêts des différentes
confessions.
Le PCL s’est déclaré partisan de la résistance contre Israël ?
Le Parti communiste ne soutient pas seulement la résistance, nous avons initié la
résistance. Nous avons commencé dans les années 60 avec la création de la garde
populaire pour faire face aux agressions israéliennes au Liban. Lors de l’invasion
israélienne au Liban en 1982, le Parti et d’autres organisations communistes ont
lancé le Front de la résistance nationale libanaise qui a libéré Beyrouth et la
partie du Liban occupé jusqu’à la rivière Litani entre 1982 et 1985. La résistance
contre l’occupation étrangère fait partie de notre culture et de notre histoire.
Nous luttons également pour un changement démocratique à l’intérieur du Liban. Ce
qui distingue notre résistance nationale par rapport à la résistance actuelle
dominée par le Hezbollah, est que la résistance que nous voulons est une résistance
avec un aspect national global et pas un aspect confessionnel. La résistance qu’on a
voulu est une résistance qui fait le
lien entre la libération des territoires occupés et le changement démocratique laïc
interne au Liban. Mais nous nous considérons toujours comme faisant partie de la
résistance, même si notre participation dans la dernière période est plus ou moins
faible en raison de la faiblesse de nos moyens logistiques.
Au Liban les partis politiques présents, sauf le Parti communiste libanais, sont
tous des partis à caractère confessionnel. Le Hezbollah n’est pas le seul parti
islamique. Le Courant du futur, présidé par Monsieur Hariri, est un courant sunnite,
donc un courant islamique. Ce courant devient même un espace pour l’émergence des
courants islamiques intégristes comme Al Qaida. Le Parti socialiste est un parti des
Druzes, qui défend le point de vue druze. Les Forces libanaises, c’est un parti
intégriste chrétien. Tous les partis libanais sont des partis à caractère
confessionnel, pas seulement le Hezbollah. Notre parti a payé le prix fort pour sa
position laïque et démocratique. Dans les années 80, il y a eu des confrontations
entre nous et les forces chiites, Amal et Hezbollah. Dans les années 70, il y a eu
des confrontations avec les forces chrétiennes. Nos camarades d’origine chrétienne
ont été tués ou chassés de leur domicile dans
la région dominée par les Forces libanaises. Les intégristes sunnites qui sont
maintenant avec le courant de Hariri et le Courant du futur à Tripoli nous ont fait
payer un prix très cher en tuant nos camarades à Tripoli. Toutes ces forces
intégristes confessionnelles ont assassiné nos camarades.
Le Hezbollah a changé ?
Avec le Hezbollah, la situation est un peu différente. Depuis les années 80, le
Hezbollah a changé. Il a changé ses relations avec notre parti et les autres forces
de la résistance. Je pense que le Hezbollah est persuadé qu’il ne peut pas créer un
Etat islamique au Liban. Hassan Nasrallah l’a dit pendant son dernier discours
lorsqu’il a parlé de deux vérités. Il n’évoque pas l’idée d’un Etat islamique ce
qu’il avait fait dans une autre période quand d’autres clans évoquaient un Etat pour
les chrétiens ou que chaque région soit dirigée par un clan. Nasrallah a abandonné
cette option. Il appelle à un Etat partagé par tous les Libanais. Il a aussi mis
l’accent sur le rôle national de la résistance à travers les partis qui l’ont
initiée, donc à travers notre parti. Finalement la relation entre le Hezbollah et le
PCL pendant la dernière guerre a créé des liens plus étroits entre nos militants et
les partisans du Hezbollah. Ces
facteurs nous poussent à dire que la possibilité de travailler ensemble entre le
Parti communiste libanais et le Hezbollah est réelle. Bien sûr que cette
coopération ne va pas se transformer en alliance forte entre les deux partis. Il
reste des problèmes sérieux. Le Hezbollah ne fait pas suffisamment le lien entre le
processus de libération de l’oppresseur étranger et le processus de changement
démocratique et social au Liban.