Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu brandissant une carte du « Nouveau Moyen-Orient » lors de son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies à New York l’année dernière. Crédit : Noam Galai
Le Hamas a de nouveau rejeté un accord de cessez-le-feu !
Ce samedi soir, les déclarations officielles du gouvernement israélien n’étaient pas dénuées d’une certaine allégress . Le Hamas avait en effet rejeté le dernier projet d’accord de cessez-le-feu temporaire et de libération d’otages à Gaza, baptisé du nom de l’émissaire spécial du président américain Donald Trump, Steve Witkoff, à un moment pour le moins opportun pour le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou.
Le Hamas y a répondu en proposant des modifications qui lui convenaient mieux, mais Witkoff les a qualifiées d’« inacceptables ». Le cabinet de Netanyahou a publié le soir même un communiqué indiquant que « bien qu’Israël ait accepté le nouveau cadre proposé par Witkoff pour la libération de nos otages, le Hamas persiste dans son refus ».
Comme tous les gouvernements israéliens depuis 1948, le gouvernement actuel et les Israéliens en général adorent accuser les Palestiniens d’intransigeance. Les communautés pro-israéliennes à l’étranger ne manquent jamais non plus une occasion d’insister sur le fait que les Palestiniens « ne manquent jamais une occasion de manquer une occasion », selon le célèbre aphorisme du ministre des Affaires étrangères Abba Eban en 1973. C’est en fait un point tout à fait pertinent, mais ce constat vaut pour les deux camps, tant sur le plan historique que dans le contexte actuel de cette guerre maudite.
Des proches et des partisans des otages israéliens réclament leur libération et la fin de la guerre lors d’une manifestation à Tel-Aviv la semaine dernière. Crédit : Leo Correa/AP
Considérons les efforts actuellement déployés pour parvenir à un cessez-le-feu. Les demandes du Hamas se concentraient, selon certaines informations, sur l’obtention de garanties de la part des États-Unis que le cessez-le-feu devienne permanent. Après tout, il s’agit, selon mon décompte, de la troisième version du « cadre Witkoff » – un cadre qui s’avère d’une souplesse infinie – et chacune était censée permettre de progresser vers une fin permanente de la guerre à Gaza, quelqu ’en soit le temps nécessaire.
Israël a ensuite, à la mi-mars, rompu unilatéralement le cessez-le-feu initial . Aujourd’hui, la nouvelle version de Witkoff propose une libération extrêmement lente d’un nombre limité d’otages, une pause de 60 jours pour mettre fin aux effusions de sang, et une formulation déroutante selon laquelle, pendant cette période, « nous pourrons mener des négociations substantielles de bonne foi dans le cadre d’entretiens de proximité afin de tenter de parvenir à un cessez-le-feu permanent », a écrit Witkoff.
L’envoyé spécial américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, en visite sur la place des Otages à Tel-Aviv le mois dernier. Crédit : Jack Guez/AFP
Des sources proches des négociations ont confirmé l’impression que, entre le premier et le deuxième accord de cessez-le-feu, à un peu plus d’un an d’intervalle, le Hamas et Israël se partageaient à parts égales la responsabilité de l’échec des négociations. Et il est important de rappeler que le Hamas devrait libérer tous les otages sans condition. Israël devrait également mettre fin à sa guerre de destruction contre Gaza. Malheureusement, aucune de ces deux choses ne se produira.
L’insistance du gouvernement israélien sur le fait que le Hamas porterait l’entière responsabilité de l’échec du cessez-le-feu est erronée, mais le Hamas a lui aussi fait preuve d’un rejet déraisonnable et destructeur des conditions du cessez-le-feu, aussi insuffisantes soient-elles, comme une trêve de deux mois vouée à mener à une reprise de la guerre, en échange d’une libération partielle des otages qui ne ferait qu’accroître la souffrance des familles en Israël.
Les autres réfractaires
Dimanche dernier, un groupe de ministres arabes des Affaires étrangères avait prévu de se rendre à Ramallah pour rencontrer le président palestinien Mahmoud Abbas.
De gauche à droite, le ministre égyptien des Affaires étrangères Badr Abdelatty, le ministre saoudien des Affaires étrangères Prince Faisal bin Farhan, le ministre jordanien des Affaires étrangères Ayman Safadi, le ministre bahreïni des Affaires étrangères Abdullatif bin Rashid Al Zayani et le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmed Aboul Gheit posent pour une photo à Amman dimanche. Crédit : Raad Adayleh/AP
Cette réunion aurait constitué une visite sans précédent des ministres des Affaires étrangères de Jordanie, d’Égypte, du Qatar, des Émirats arabes unis et d’Arabie saoudite ; elle était une initiative du Comité ministériel arabo-islamique formé en 2024.
Un diplomate arabe m’a confié que l’objectif de ce voyage à ce moment particulier était « d’essayer de tirer parti de la dynamique internationale actuelle en faveur de la solution à deux États et avant la tenue prochaine de la conférence à New York » ambitieusement présenté comme une « Conférence internationale pour le règlement pacifique de la question palestinienne et la mise en œuvre de la solution à deux États », coprésidée par la France et l’Arabie saoudite et prévue du 17 au 20 juin.
Mais Israël a décidé de ne pas autoriser la délégation à prendre un hélicoptère depuis la Jordanie pour rejoindre la Cisjordanie. Des sources proches du dossier m’ont confié que cette décision ne venait pas de l’armée ni de son coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), mais du cabinet du Premier ministre israélien lui-même. Ni les porte-parole de M. Netanyahou ni le ministère israélien des Affaires étrangères n’ont répondu aux demandes d’explications.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lors d’une conférence de presse à Jérusalem le mois dernier. Crédit : Ronen Zvulun/AP
Mais la raison en est assez claire. Du point de vue du gouvernement israélien, la conférence qui se tiendra prochainement à New York pour promouvoir la création d’un État palestinien et une solution à deux États n’est qu’une nouvelle contrariété, un bruit de fond qui parle de résolution du conflit alors qu’Israël rejette fermement la fin de l’occupation ou du conflit au sens large (au-delà de la guerre actuelle) et refuse catégoriquement la création d’un État palestinien.
Le cessez-le-feu initial convenu par les deux parties à la mi-janvier était graduel, conditionnel et fixait un calendrier de négociations en vue d’une fin définitive des combats. Le second, plus graduel et beaucoup plus limité, proposé par Witkoff fin février et début mars, visait à prolonger la première phase de la première version. Israël appréciait cette idée, mais le Hamas insistait pour s’en tenir à la première version.
L’idée que des responsables arabes de l’échelon des ministres des Affaires étrangères puissent légitimer la figure de proue d’un futur État, aussi décrépit et impopulaire que soit Mahmoud Abbas auprès de son propre peuple, est un affront et un cauchemar pour le gouvernement israélien qui ne veut en aucun cas voir Abbas s’approcher d’une Gaza d’après-guerre, et sans doute même d’après-Hamas.
Le Comité ministériel a finalement tenu sa réunion à Amman, Abbas y participant par Zoom. Le succès médiatique le plus important a été une publication Facebook du ministère égyptien des Affaires étrangères, accompagnée d’un communiqué de presse laconique du bureau du roi Abdallah de Jordanie, qui a assisté à cette réunion extraordinaire. Si qui que ce soit y avait prêté attention en Israël ou ailleurs dans le monde, cela aurait été un sale coup, mais le rejet par Israël du moindre soupçon d’évocation d’un État palestinien est tellement habituel qu’il ne fait même plus l’actualité.
Le président palestinien Mahmoud Abbas s’est entretenu en visioconférence avec les ministres des Affaires étrangères de Jordanie, d’Arabie saoudite, d’Égypte et de Bahreïn, ainsi qu’avec le secrétaire général de la Ligue arabe, qui se sont réunis mardi à Amman après que le bureau du Premier ministre israélien a empêché les responsables de se rencontrer à Ramallah. Crédit : Alaa Al Sukhni/Reuters
Cet incident s’inscrit dans la lignée du
Il est difficile de comprendre comment les partisans d’Israël parviennent à fermer les yeux sur ce refus de reconnaître ces réalités. Il y a dix ans, Netanyahou a carrément fait campagne en promettant qu’il n’y aurait jamais d’État palestinien sous son mandat, une politique qu’il réitère sans cesse, tout comme les autres membres de son gouvernement. En réponse à l’épuisement des efforts diplomatiques visant à reconnaître un État palestinien, le gouvernement a pris l’habitude de proférer des menaces répétées et étranges d’« actions unilatérales ». C’est bizarre parce que, dans la pratique, Israël a pris des mesures unilatérales pour coloniser, contrôler et finalement annexer les territoires palestiniens chaque jour depuis des décennies.
Que l’on soit pour ou contre un État palestinien, personne ne peut affirmer sans sourciller qu’il n’y a dans ce conflit qu’une seule partie qui se montre intransigeante. Il faut être deux pour détruire la vie dans cette région, et le règne de la terreur imposé par les deux parties prenantes à la guerre qui fait actuellement rage à Gaza – le Hamas et le gouvernement Netanyahou – ne prendra fin que lorsque les deux auront disparu.
Dahlia Scheindlin