
« Towards the Abyss » (Vers l’abîme) L’Ukraine, du Maïdan à la guerre Volodymyr Ishchenko Verso Books, 2024
Le titre de l’ouvrage d’Ishchenko, Towards the Abyss, fait référence à la « ruine mutuelle » dans le contexte des attaques russes contre l’Ukraine. Mais ce livre couvre deux périodes différentes de « ruine mutuelle ». La première est l’effondrement de l’ancien empire soviétique, y compris l’ancienne Union soviétique (ASU) elle-même. La seconde est la crise actuelle du capitalisme mondial et de ses États, dont la guerre en Ukraine n’est qu’une manifestation.
« Towards the abyss » est un recueil d’articles écrits à différentes époques, entre janvier 2014, lorsque les manifestations du Maïdan en Ukraine en étaient à leurs débuts, et décembre 2022, moins d’un an après le début de l’invasion à grande échelle par la Russie. Il comprend également une préface non datée, intitulée « Un mauvais Ukrainien », qui a probablement été écrite en 2023 ou au début de 2024.
Le livre reflète ainsi l’évolution des opinions de l’auteur au cours d’une période historique tumultueuse et sa prise de distance progressive par rapport à une grande partie de la gauche ukrainienne. Comme l’indique le titre du livre, l’auteur considère que l’histoire de l’Ukraine depuis la dissolution de l’URSS a été un cheminement vers l’abîme de la ruine. Il ne propose aucune solution pour mettre fin au bain de sang actuel, ce qui est décevant, mais loin d’être unique. Bien que je reste fermement attaché à la lutte des Ukrainiens pour leur autodétermination (contrairement à Ishchenko), je ne vois pas non plus d’issue satisfaisante à cette situationdésastreuse, si ce n’est un mouvement social de grande ampleur pour transformer la Russie – et je suis bien sûr incapable de proposer une voie politique pour y parvenir.
Je mettrai en évidence un ou deux points forts et quelques passages où je pense qu’il se trompe lourdement. (Je passerai ensuite à la deuxième partie de l’article, qui contient quelques réflexions sur la « ruine mutuelle »).
Les mouvements Maïdan et anti-Maïdan en 2013-2014
Ishchenko met utilement en évidence le conflit politique interne qui a secoué différentes régions de l’Ukraine pendant le soulèvement du Maïdan en 2013-2014 et après. Il existe une certaine tendance chez les opposants à l’invasion russe à minimiser l’importance de ce soulèvement, mais il est important de le prendre en compte. Ishchenko affirme à juste titre que les soulèvements du Maïdan de 2013-2014 ont semé la confusion dans l’esprit de nombreux Ukrainiens. Divers aspects de la vie des gens et des communautés ont influencé leurs réactions. Ischenko examine en détail le fait que de nombreuses personnes dans l’est et le sud du pays craignaient que le soulèvement n’entraîne une discrimination à l’égard des personnes d’origine russe relativement récente ou des personnes principalement russophones. Cette crainte était fondée sur l’hostilité d’une partie de l’Ukraine occidentale à l’égard de la langue russe et sur le fait quecertains partis politiques (ceux des oligarques) avaient fait de la langue un enjeu politique. Ces craintes, ainsi que la peur que le mouvement Maidan soit « dirigé par des nazis », ont été alimentées par les journaux télévisés russes.
Comme le souligne Ischenko, cette crainte a conduit une partie de la population du Donbass à apporter son soutien aux tentatives de prise du pouvoir local par des éléments anti-Maïdan, dont certains étaient originaires de la région. (D’autres étaient des ressortissants russes ayant divers liens officiels et officieux avec le gouvernement ou des partis russes.) Son argumentation correspond à mon souvenir de cette période et à ce que j’ai pu constater lors de mon voyage à Odessa début février 2014. Une bonne amie qui a grandi là-bas était elle-même peu enthousiaste à l’égard du mouvement Maïdan et m’a dit que beaucoup de ses connaissances n’étaient pas convaincus. (Après l’annexion de la Crimée par la Russie, elle est toutefois devenue une fervente patriote ukrainienne.) L’étude détaillée de Kudelia sur les conflits politiques opposant les anti-Maïdan et les pro-Maïdan pendant cette période dans le Donbass, à Kharkiv et à Odessa corrobore l’affirmation d’Ishkenko selon laquelle les actions anti-Maïdan dans ces régions bénéficiaient d’un certain soutien, qui ne se limitait pas à la classe ouvrière, mais incluait certaines élites politiques et économiques locales et bénéficiait à divers niveaux du soutien politique et physique de groupes politiques basés en Russie.
Il aurait été utile de replacer cette situation en regard d’autres bouleversements révolutionnaires, ce qu’Ishchenko ne fait pas suffisamment. Les révolutions sont des processus complexes, et souvent, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays où elles se produisent, elles suscitent l’opposition ou le soutien de la population en fonction d’une appréciation différente de ce vers quoi elles tendent. Ces divergences peuvent parfois conduire à une résistance violente de la part de groupes que l’on pourrait s’attendre à voir soutenir la révolutionlorsqu’elle se propage dans les régions périphériques, comme ce fut le cas lors de la Révolution française après 1791 en Vendée.
Les dirigeants de l’Ukraine et de la Russie
Ishchenko propose une analyse utile de la nature des classes dirigeantes en Ukraine et en Russie, et, sur cette base, des raisons qui ont poussé la Russie à envahir l’Ukraine. Lorsque l’ancien empire soviétique, puis l’ancienne Union soviétique elle-même, se sont effondrés il y a environ 35 ans, la Russie et l’Ukraine ont traversé une période de crise économique, sanitaire et sociale aiguë. Les anciens membres de la bureaucratie dirigeante, associés aux chefs des organisations criminelles, se sont emparés des usines, des mines et des autres moyens de production et ont formé une classe de capitalistes kleptocrates dont les dix premières années au pouvoir ont été marquées par une augmentation considérable de la pauvreté et des maladies. (Voir Dzurasov, 2014 ; Friedman & Reid, 2002 ; Yurchenko, 2018). Ischenko soutient que dans ces oligarchies kleptocratiques où l’État est dominé par des alliances fluctuantes ou au moins potentiellement fluctuantes entre oligarques, une grande partie de la plus-value provient de l’attribution de faveurs politiques et de contrats par le gouvernement ; dans cette logique économique, les propriétaires transfèrent une grande partie de leurs profits vers des banques étrangères ou des investissements étrangers afin de les mettre à l’abri d’une expropriation en cas de changement d’alliances politiques. Ischenko ajoute que ce régime économique conduit à une croissance lente, à l’appauvrissement de la classe ouvrière (même selon les normes du capitalisme néolibéral) et incite les dirigeants d’États puissants (comme la Russie) à s’emparer de nouveaux territoires par la conquête impériale afin d’accroître leurs profits.
D’un autre côté, cette explication économique ne constitue qu’une partie de l’analyse d’Ishchenko sur la raison pour laquelle les Russes ont attaqué l’Ukraine. Il voit correctement (bien qu’il se base sur une analyse de classe que je critique ci-dessous) que le pouvoir de ces oligarques kleptocrates est instable et qu’il repose sur la grande masse du peuple qui est passive, apolitique et désorganisée. La révolution de Maidan en Ukraine a révélé (une fois de plus) cette vulnérabilité au peuple russe, et Poutine et le reste des dirigeants russes se sont sentis profondément menacés par cette situation. Comme je l’ai soutenu à l’époque, la mainmise russe sur la Crimée et le déclenchement de troubles dans le Donbas en 2014 ont été orchestrés pour s’assurer que la révolte de Maïdan ne vire pas à gauche (ce qui semblait être une réelle possibilité à l’époque). Cela a aussi poussé le mouvement à devenir « patriotique » et donc à ne pas se concentrer sur l’élimination de la classe dirigeante kleptocratique. Ce phénomène a également permis aux dirigeants russes de réprimer plus facilement la dissidence en Russie même. Puis, au début des années 2020, des mouvements populaires de masse ont eu lieu au Belarus et au Kazakhstan, et des mouvements de masse plus circonscrits ont eu lieu en Russie, agitant une fois de plus le spectre d’une révolution qui s’étendrait à la Russie. Après avoir aidé les oligarques du Belarus et du Kazakhstan à se maintenir au pouvoir, la Russie a envahi l’Ukraine afin d’étouffer l’agitation populaire en Russie même
En outre, bien qu’Ishchenko ne le précise pas, une grande partie de la classe dirigeante russe avait de plus en plus fait siennes les idées impériales de la Grande-Russie.
Une nostalgie mal placée
Les Ukrainiens et les Russes les plus âgés ont connu les dernières années de l’URSS, et les plus jeunes ont grandi avec les récits et les analyses de leurs aînés sur les années soviétiques. La plupart des Ukrainiens que j’ai rencontrés ont des sentiments et des opinions très négatifs à l’égard de l’ère communiste. Ishchenko, cependant, est beaucoup plus positif et se décrit lui-même comme un « Ukrainien soviétique », ajoutant que « les Ukrainiens soviétiques étaient le produit d’une révolution sociale ; sa décomposition les a détruits en tant que communauté politique » (p. xxviii). Il considère la période soviétique comme une période de triomphes technologiques. (Lorsqu’il aborde l’histoire de l’URSS dans les années 1930 (p. xvii), il le fait en utilisant une approche fonctionnaliste qui décrit ce qui s’est passé comme une nécessité stratégique ayant conduit à la création d’un État-nation fort. Il ne cherche aucunement à examiner les contradictions internes, les intérêts de classe ou les intérêts bureaucratiques.
Il ne fait pas mention de la famine massive ni de l’Holodomor comme faisant partie de cette histoire, bien qu’il ait brièvement mentionné l’Holodomor à la page xix et la Grande Terreur stalinienne dans le cadre de son histoire familiale plus loin dans le même paragraphe. Politiquement, cette position est paralysante : il n’exprime aucune sympathie ni empathie pour ceux qui rejettent le « socialisme » en raison de son assimilation au passé soviétique, alors que tout mouvement socialiste qui veut se développer en Ukraine doit parvenir à faire sienne cette mémoire et à élaborer une conception résolument non stalinienne de ce que doit être le pouvoir des travailleurs.
Les travailleurs et les autres classes
Ishchenko analyse le mouvement anti-Maïdan de 2014 comme soutenu par les travailleurs de l’est de l’Ukraine. Pourtant, il semble ne pas connaître les travailleurs ni avoir de contacts avec eux. De plus, lorsqu’il évoque les possibilités révolutionnaires en Ukraine ou en Russie, bien qu’il semble aspirer à une nouvelle révolution bolchevique, il ne présente jamais cette perspective comme le produit de l’activité d’une classe ouvrière révolutionnaire. Les travailleurs sont également absents de son analyse de la naissance de la classe politique capitaliste. Son analyse de la cristallisation du pouvoir économique oligarchique présente ce processus comme une « accumulation primitive », qu’il décrit comme une « thésaurisation initiale de l’or » (p. 98). Là encore, les travailleurs sont absents, et il ne semble pas comprendre que Marx affirmait explicitement que l’accumulation de richesses n’était pas ce qu’il entendait par « accumulation primitive ». Marx voyait l’accumulation primitive comme étant le résultat de la création d’une main-d’œuvre « libre », affranchie de tout lien avec la terre ou toute autre source de survie matérielle, et donc disponible pour être embauchée et exploitée par les patrons. En Ukraine, cela s’est produit dans une certaine mesure sous le régime tsariste, mais dans une bien plus grande mesure pendant et après l’Holodomor, peut-être aggravé par les ravages de la Seconde Guerre mondiale. Cela a « libéré » des millions de personnes qui ont ensuite été exploitées comme main-d’œuvre ouvrière.
Il a bien entendu sa propre vision sur les conflits de classe en Ukraine et en Russie, mais là encore, il ne tient pas compte de la classe ouvrière. Il considère que le principal conflit (« hors guerre ») en Ukraine oppose le capital oligarchique à la classe moyenne, aux intellectuels, aux ONG et au capital transnational :
« Le principal conflit de classe dans le monde post-soviétique : celui entre, d’une part, les classes moyennes qualifiées alliées au capital transnational et, d’autre part, les capitalistes politiques locaux (familièrement appelés « oligarques ») qui ne pouvaient s’appuyer que sur le consentement passif d’une partie de la classe ouvrière, principalement dans l’industrie lourde et le secteur public » (p. 3).
Il utilise ensuite cette idée pour présenter le Maidan comme un mouvement reposant sur ces éléments de la classe moyenne et donc incapable de transformer la société. Son analyse de l’instabilité du pouvoir en Russie et en Ukraine repose sur sa caractérisation des gouvernements comme bonapartistes en équilibre entre ces éléments de la classe moyenne et les capitalistes politiques.
Cette analyse ne tient pas compte de la présence visible de la classe ouvrière dans les luttes du Maidan à Krivih Rih et de la participation passive de millions de travailleurs dans d’autres Maidans. Cela revient également à dire que la formulation de stratégies politiques axées sur la classe ouvrière demeure impossible dans ce cadre.
Destruction collective
La chute de Rome fut un sujet d’intérêt historique majeur en Europe tout au long de la vie de Marx et constituait clairement l’un des exemples de destruction mutuelle que lui et Engels avaient à l’esprit. Ils pensaient peut-être aussi aux événements qui se déroulaient dans certaines régions d’Europe, où les serfs et les seigneurs entraient en conflit dans le cadre idéologique des « hérésies » religieuses, pour voir ensuite des forces extérieures prendre le contrôle de leurs territoires au nom de la « véritable Église », avec des effusions de sang considérables et une aggravation des conditions de vie des producteurs agricoles. Je vais ici aborder la chute de Rome en m’intéressant particulièrement à la manière dont Kevin Anderson a analysé les écrits de Marx à la fin de sa vie. Marx a analysé l’impasse dans laquelle se trouvait la partie occidentale de l’Empire romain. Des révoltes d’esclaves ont éclaté dans de nombreuses régions, souvent avec un certain succès au début. Les plébéiens, descendants d’anciens paysans dont les moyens de subsistance avaient été détruits par le passage à l’esclavage dans une grande partie de l’Italie et dans d’autres régions, étaient des alliés potentiels de poids pour les esclaves. Ils vivaient en grande partie du « pain et des jeux » fournis par les classes dirigeantes dans le cadre d’une forme primitive d’aide sociale, sans doute complétée dans une certaine mesure par le petit commerce, quelques métiers artisanaux rudimentaires et la pratique d’activités criminelles. La classe plébéienne était également une importante pourvoyeuse de soldats pour l’armée, qui leur ouvrait la possibilité d’une promotion sociale et d’une « retraite » en tant que propriétaires paysans des terres conquises. Lorsque l’Empire ne fut plus en mesure de conquérir et de conserver de nouveaux territoires, cela provoqua une rupture dans l’approvisionnement en nouveaux esclaves (dont les conditions de vie ne permettaient pas le maintien d’une reproduction suffisante de la main-d’œuvre servile) et compromit également la capacité à garantir la loyauté des plébéiens par le service militaire. C’est ce qui a conduit à la division de l’Empire en deux parties, occidentale et orientale, l’Orient ayant réussi à éviter la « destruction collective » en s’appuyant beaucoup plus sur l’agriculture paysanne. En Occident, en revanche, les classes dirigeantes n’ont pas réussi à établir un ordre social stable, mais elles ont réussi à opposer les plébéiens aux esclaves (grâce à des avantages de type raciste et à des différenciations idéologiques) et à empêcher ainsi les classes inférieures de recomposer la société par une révolution réussie. La forme que prit cette ruine mutuelle se traduisit par l’incapacité à empêcher la conquête par des tiers qui détruisirent la classe dirigeante sénatoriale et son économie esclavagiste, et avec elle les ouvrages publics et la culture que les Européens de l’époque de Marx admiraient tant.
Comme nous l’avons vu plus haut, l’ex-Union soviétique et son empire se sont retrouvés dans les années 1980 dans une impasse analogue. Sa nomenklatura au pouvoir, qui a été définie de manière divergente comme une classe dirigeante capitaliste d’État, une classe bureaucratique collectiviste ou une couche bureaucratique privilégiée par différentes tendances de la gauche, n’était pas en mesure de faire face à la concurrence économique et militaire du système capitaliste et de ses grandes entreprises. Sa classe ouvrière avait été incapable de prendre la relève et de recomposer la société, comme cela est très clairement apparu lors de la défaite du mouvement de masse, idéologiquement et politiquement divers, autour de Solidarnosc en Pologne au début des années 80.
Cette incapacité a entraîné la disparition des rapports sociaux antérieurs et leur remplacement par le haut par de nouveaux rapports sociaux. Comme dans le cas de l’Empire romain, cette chute a conduit à des résultats différents dans les différentes parties de l’empire, le capital néolibéral des grandes entreprises dominant dans les pays d’Europe de l’Est et le capital politique kleptocratique dominant en Ukraine, en Russie et dans d’autres pays. Par ailleurs, la Chine, avec des formes similaires de relations sociales dans les années 1970, et confrontée à une succession de crises économiques et politiques (la plus visible étant la crise de la place Tiananmen en 1989), a pu mettre en place ce qui est devenu une forme florissante de capitalisme dirigé par l’État et le parti, et donc une recomposition des relations sociales, sans passer par une période de destruction collective.
Malheureusement, c’est le monde entier qui est confronté à la perspective d’une « ruine mutuelle » bien plus profonde. En d’autres termes, nous sommes confrontés à une crise qui peut être présentée de manière optimiste comme « le socialisme ou la barbarie » ou de manière pessimiste (réaliste ?) comme « socialisme ou extermination ». Le capitalisme a pris une dimension universelle sur la surface de la Terre et il est confronté à plusieurs crises profondes.
D’une part, il y a une crise économique qui est évidente depuis 2008, voire avant. Jusqu’à présent, ni le capital ni la classe ouvrière n’ont été en mesure de résoudre cette crise, et ses impacts politiques rendent la résolution des autres crises plus difficile. Deuxièmement, il y a une crise profonde de l’ordre impérial causée par la montée de la Chine et d’autres pays qui se posent en rivaux de l’ordre mondial nord-américain jusqu’ici dominant et de ses pays sous-impériaux d’Europe, du Japon et d’Australie. La dernière crise de ce type qu’a connue l’impérialisme a entraîné la Première et la Seconde Guerre mondiale, la Guerre froide et la menace d’une guerre nucléaire. Enfin, le capitalisme a engendré une crise environnementale profonde et multiforme, dont le changement climatique constitue manifestement la plus immédiate des menaces (et les pandémies, une possible menace pour l’avenir).
Cette crise rend également les autres crises plus difficiles à résoudre, car elle pousse chaque année des dizaines de millions de personnes à se déplacer vers d’autres pays - et l’extrême droite racialiste a (jusqu’à présent) été en mesure d’utiliser cette situation pour renforcer la domination de la droite capitaliste sur les choix politiques.
Globalement, les dirigeant ;e.s capitalistes n’ont réussi à résoudre aucune de ces crises, et la montée en puissance des responsables politiques fascistes et semi-fascistes réduit la probabilité qu’ils y parviennent avant que l’effondrement écologique ou la guerre nucléaire ne conduisent à la barbarie ou à l’extermination de l’humanité. Hélas, les organisations de la classe ouvrière et les réseaux populaires n’ont pas non plus été en mesure d’apporter des réponses adéquates à ces défis. Les symptômes de ces échecs sont les guerres génocidaires ou potentiellement génocidaires en Palestine, au Soudan et en Ukraine, un conflit potentiellement hors de contrôle entre l’Inde et le Pakistan l’un et l’autre dotés de l’arme nucléaire, la misère et l’incarcération dans ce qu’on ne peut que considérer comme des camps de concentration d’un grand nombre de personnes déplacées et de réfugié.e.s ainsi que l’aggravation des difficultés économiques (y compris les restrictions en matière de soins médicaux, de santé publique, d’éducation, d’aides sociales et bien d’autres choses encore) pour les classes laborieuses du monde entier.
Le livre d’Ishchenko permet d’entrevoir comment cette situation de destruction mutuelle se déroule en Ukraine. Il ne propose aucune solution à ce qui se passe en Ukraine ou à la crise mondiale. Je ne tenterai pas non plus de le faire ici. Les publications de gauche et de défense de l’environnement sont remplies d’un large spectre de propositions de solutions. Cependant, bien qu’Ishchenko ne semble pas s’en rendre compte, la première étape dans la résolution révolutionnaire des crises devra démarrer par des soulèvements apparemment spontanés qui déstabilisent et remplacent les régimes politiques de manière à déclencher une série de bouleversements similaires, suivis par des révolutions sociales menées « par en bas » par les travailleurs et les membres des groupes opprimés. La gauche peut contribuer à ce mouvement en apportant des idées et, dans une certaine mesure, un soutien organisationnel, mais, particulièrement dans les premiers temps, ces mouvements se caractérisent par leur diversité politique et leur caractère multiclassiste, à l’instar de la révolution politique de Maidan, de la révolte qui a renversé plusieurs présidents en Argentine en quelques semaines au début de ce siècle, ou de Solidarité en Pologne au début des années 1980.
Sam Freedman
Europe Solidaire Sans Frontières


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