Chers-Chères Ami-e-s. Dans ce numéro spécial de notre bulletin [1], nous voulons partager la lutte de La Via Campesina contre la multinationale suisse Syngenta Seedset dénoncer les nombreux crimes contre le peuple que cette compagnie commet au Brésil.
Crimes d’exécution sommaire contre le peuple
Dimanche 21 octobre 2007, à environ 13h30, après leur « reconquête » tôt le matin d’une zone agricole occupée, plus de 40 tueurs d’une milice lourdement armée et agissant sous le couvert d’une prétendue entreprise de sécurité « NF Sécurité », ont envahi le campement « Terre Libre », dans une zone d’expérimentations transgéniques. Ils y ont ouvertement exécuté notre camarade Valmir Mota de Oliveira, connu sous le nom de Keno. Les autres blessés : Gentil Couto Viera, Jonas Gomes de Queiroz, Domingos Barretos, Izabel Nascimento de Souza et Hudson Cardin ont été transportés dans des hôpitaux de la région. Izabel, qui était dans le coma, en est maintenant sortie, mais a perdu un oeil suite à un coup de feu reçu.
Cet épisode suscite l’indignation. Keno était l’un des centaines de militant-e-s de La Via Campesina qui ont rendu public, au Brésil et internationalement, les crimes environnementaux de Syngenta. Cette tragédie, qui a coûté la vie à un jeune militant et père de famille de 34 ans, a choqué les défenseurs de la Réforme agraire au Brésil, dans le monde entier.
Cet épisode tragique vient gonfler la terrible statistique des morts liées au conflit autour de la terre au Brésil. Cet assassinat n’est de loin pas le premier d’un membre du Mouvement des Sans-Terre dans cet Etat du Sud, le Paraná. Au contraire, c’est l’Etat brésilien avec le plus fort taux de violence contre des travailleurs agricoles sans terre. En 2006, on a enregistré 76 cas de conflits de la terre au Paraná. Entre 1994 et 2002, 16 travailleurs-euses ruraux sans terre ont été assassinés, 31 furent victimes d’attentats, 47 ont été menacés de mort ; 7 ont été torturés et 324 blessés. Mais à ce jour, il n’y a eu aucune sanction contre aucun individu mis en cause pour ces crimes !
Keno et deux autres membres du MST, Celso Ribeiro Barboso et Célia Lourenço, avaient déjà été menacés de mort, comme en atteste une plainte à la police du 28 mars 2006. A plusieurs occasions, le personnel de « sécurité » de Syngenta a tiré des coups de feu dans le campement Olga Benário, situé juste à côté d’une ferme utilisée pour expérimenter des OGM, afin d’intimider les familles qui y vivaient.
Dans toutes les région de l’Etat du Paraná, des groupes de propriétaires terriens se sont organisés contre toute tentative de réforme agraire. Dans la région du Nord-Ouest du Paraná, l’Union démocratique rurale (UDR), présente aussi dans d’autres Etats brésiliens, est l’acteur principal dans ce sens. Dans la région du Centre-Ouest s’est créé le Premier Commandement Rural (PCR).
Dans la région Ouest, sévit la Société Rurale de l’Ouest (SRO), dirigée par le propriétaire terrien Alessandro Meneghel, qui en avril 2007 a aussi créé le Mouvement des producteurs ruraux (MPR). Leur but : organiser des groupes paramilitaires fortement armés pour assassiner des paysans-nes et affaiblir les mouvements sociaux.
Crimes environnementaux de Syngenta
En 2006, la multinationale Syngenta Seeds a cultivé des semences transgéniques expérimentales dans des zones protégées autour du Parc national de Iguaçú. Un acte illégal selon la loi brésilienne sur la biosécurité, qui stipule qu’aucune expérimentation d’OGM ne doit se faire à moins de 10 km de parcs naturels ou de zones protégées. Or les expériences de Syngenta se déroulaient dans des zones à 6 km du parc national. La multinationale a été amendée à hauteur d’un million de reais brésiliens (env. 570 000 $) par l’Agence brésilienne pour l’environnement (IBAMA). Néanmoins, à ce jour, la compagnie n’a rien payé !
Syngenta Seedsutilise aussi la réserve de la « Forêt Atlantique », en y portant atteinte à la biodiversité et en produisant des polluants dangereux pour l’environnement et les humains.
Un rappel historique
En novembre 2006, le domaine en question a été exproprié par le décret N° 7487 du gouverneur de l’Etat Roberto Requião (Parti du mouvement démocratique brésilien) afin d’y construire un Centre de référence en agroécologie pour l’Etat du Paraná, ayant comme but la recherche et la production agroécologiques pour le marché national brésilien.
Cependant, Syngenta a obtenu des tribunaux la suspension du décret d’expropriation et la confirmation de sa propriété de cette zone de 127 hectares. Après cette décision la zone avait été occupée une première fois, le 14 mars 2006 par 70 familles de La Via Campesina.
Nous exigeons la justice sociale, juridique et environnementale
- Nous exigeons le respect de la souveraineté nationale brésilienne. Nous voulons que Syngenta retourne dans son pays d’origine : la Suisse.
- Nous exigeons le respect de la Constitution brésilienne, qui garantit le droit de cultiver la terre pour produire des aliments sains, sans utilisation de produits toxiques ni transgéniques.
- Nous exigeons que soient punis tous ceux qui ont préparé et exécuté l’assassinat de notre camarade Keno et de tous les autres travailleurs-euses assassinés...
- Le désarmement immédiat des fausses « entreprises de sécurité », engagées et payées par Syngenta et liées à l’agrobusiness.
- L’expropriation immédiate de la parcelle du fait des crimes environnementaux et assassinats commis par Syngenta.
- La garantie de sécurité et de protection de la vie de nos dirigeant-e-s Celso et Célia, ainsi que de tous les travailleurseuses de La Via Campesina de la région. Nous ne voulons plus que le sang coule au Brésil.
- Que Syngenta paie sa dette d’un million de reais à l’Etat en compensation des atteintes environnementales au Paraná.
- Que les paysan-ne-s continuent leur lutte pour que le site illégal d’expérimentations de Syngenta devienne un Centre d’agroécologie pour la reproduction de semences appuyant l’agriculture familiale et la réforme agraire au Brésil.
Les autorités locales, l’Etat et le pouvoir judiciaire ont montré leur indifférence quant à la punition des criminels impliqués dans les assassinats des sans-terre. Cela signifie que les assassins de Keno, Sebastião, Elias Meura, Anghinoni, Garibalid et de tant d’autres victimes des massacres de Camarazal (Paraná), Eldorado de Carajás (Pernambuco) et Felisburgo (Minas Gerais) restent libres, impunis et contribuent à répéter une histoire de mort dans les zones rurales du Brésil.
Nous vous remercions de tous les témoignages de solidarité reçus du Brésil et de tous les continents. Notre engagement et notre lutte continuent malgré les souffrances et le sang versé. Pour la réforme agraire, pour la justice sociale et la souveraineté populaire !
Secrétariat national du MST
25 octobre 2007