ISLAMABAD CORRESPONDANTE
Arrêtées dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur au Pakistan depuis le 3 novembre, 3 496 personnes (politiciens et avocats notamment) ont été libérées, a annoncé mardi 20 novembre le ministère de l’intérieur. Plus de 2 000 autres devraient l’être prochainement, a précisé Javed Iqbal Cheema, le porte-parole du ministère.
Dans le même temps, toutefois, les arrestations se poursuivent. Treize avocats, dont le président du barreau de Karachi, Javaid Iftikhar Qazi, libérés après avoir été détenus pour entrave à l’ordre public, sont de nouveau recherchés, accusés cette fois de « trahison et provocation ». Apparemment, certains de ces avocats, sur ordre du barreau, distribuaient des pamphlets critiquant le général-président Pervez Musharraf et le gouvernement. Cinq politiciens appartenant au Parti national du Baloutchistan sont déjà détenus sous les mêmes accusations. Selon le code pénal pakistanais, les peines pour trahison vont de la détention à vie à la peine de mort.
140 JOURNALISTES INTERPELLÉS
La police a d’autre part, à Karachi, arrêté plus de 140 journalistes qui manifestaient contre les restrictions aux libertés de la presse et la fermeture de deux stations de télévisions très populaires, Geo et ARY, qui émettaient à partir de Dubaï. Les policiers ont violemment chargé à coup de bâtons les journalistes, blessant sérieusement à la tête au moins deux d’entre eux. Depuis l’instauration de l’état d’urgence, les journalistes pakistanais manifestent quasiment tous les jours dans les différentes villes du pays.
L’état d’urgence prévoit des peines très lourdes contre quiconque publie, ou profère dans un média audiovisuel, des propos « diffamant » le président, le gouvernement ou l’armée. Mais aucune définition n’est donnée à cette « diffamation », ouvrant ainsi la voie à toutes les interprétations. Deux stations de télévisions privées, Dawn News et Aaj, n’ont été autorisées à reprendre leurs émissions qu’après avoir mis fin aux émissions de deux journalistes de renom qui déplaisaient au pouvoir.
Les libérations de détenus ont été sélectives et les opposants les plus actifs ou les plus menaçants sont toujours en prison. Aucun des chefs du mouvement des avocats, qui s’était mobilisé contre M. Musharraf depuis le printemps, n’a été libéré.
Président du barreau de la Cour suprême qui avait défendu avec succès son président Mohammad Iftikhar Chaudhry, l’avocat Aitzaz Ahsan est toujours en prison à Rawalpindi. Son prédécesseur à la tête du barreau Munir Malik est détenu au fort d’Attock, « c’est-à-dire dans une prison militaire », précise l’avocat Iftikhar Gilani.
Aucun des dirigeants du parti de l’ex-premier ministre Nawaz Sharif, le plus visé par les forces de sécurité, n’a été libéré. « Dans les partis politiques, ce sont les organisateurs qui sont visés pour paralyser les activités », souligne un observateur. Les juges, qui ont été démis d’office ou pour avoir refusé de prêter serment sur le nouvel ordre constitutionnel provisoire, sont eux aussi toujours en résidence surveillée.
* Article paru dans le Monde, édition du 22.11.07. LE MONDE | 21.11.07 | 14h49 • Mis à jour le 21.11.07 | 17h10.
La Cour suprême du Pakistan valide la réélection de Pervez Musharraf
La Cour suprême du Pakistan, complètement remaniée par Pervez Musharraf sous l’état d’urgence, a rejeté, jeudi 22 novembre, un ultime recours de l’opposition, ouvrant la voie à la proclamation officielle du deuxième mandat du chef de l’Etat.
Dès que la commission électorale aura annoncé officiellement la victoire de M. Musharraf à la présidentielle du 6 octobre dernier, ce qui n’est qu’une formalité, la cérémonie d’investiture pourra avoir lieu, probablement en début de semaine prochaine, selon l’entourage du président. Auparavant, ce dernier aura sans doute démissionné de son poste de chef des armées, ce qu’il a promis de faire à de nombreuses reprises, mais dès qu’il serait officiellement réélu.
BENAZIR BHUTTO HÉSITE À APPELER AU BOYCOTT DES LÉGISLATIVES
Il a cédé en cela aux intenses pressions de la communauté internationale, en particulier de Washington, qui souhaitait un « retour à la démocratie » avec un « président en civil ». Toutefois il n’a pas accédé aux doléances de l’opposition, qui réclame toujours la levée de l’état d’urgence décrété par M. Musharraf il y a près de trois semaines, afin de garantir que les législatives annoncées pour le 8 janvier seront réellement « libres et équitables ».
Toujours divisée, l’opposition ne parvient pas à se fédérer en faveur d’un boycottage du scrutin. Deux de ses principaux piliers doivent se décider dans la journée : l’alliance des principaux partis islamistes et, surtout, l’ex-premier ministre Benazir Bhutto, qui hésite après avoir longtemps tenté de négocier un accord de partage du pouvoir avec le général Musharraf.
Pervez Musharraf, au pouvoir depuis un coup d’Etat il y a huit ans, a été confirmé dans les fonctions de président en 2002 par le Parlement. Il a été réélu triomphalement le 6 octobre au suffrage indirect des Assemblées nationale et provinciales sortantes, qui lui étaient tout acquises.
* LEMONDE.FR avec AFP | 22.11.07 | 13h03 • Mis à jour le 22.11.07 | 13h21.