La conférence sur l’égalité professionnelle et salariale hommes/femmes fait partie des trois conférences organisées par le gouvernement, avec celle sur les salaires et le pouvoir d’achat, et celle sur les conditions de travail. Le gouvernement annonce, comme objectif de cette conférence, « de mettre fin, dans les deux ans, aux inégalités, que ce soient les écarts salariaux, la promotion interne plus lente, le temps partiel subi, ou les congés maternité pénalisant ». Intention complètement contredite par la politique ultralibérale du gouvernement en matière sociale et économique, qui remet en cause les acquis sociaux. Destruction à terme du CDI, en le remplaçant par un contrat de travail unique, séparabilité « consentie » entre le patron et l’employé, pénalisation des chômeurs – mise en fin de droits de ceux et celles qui refuseraient « un emploi valable » – vont évidemment renforcer la précarisation du travail des femmes et leur place dans l’emploi.
Les écarts salariaux sont en moyenne de 25 % et ils montent à 37 % si on intègre le temps partiel. De nombreuses lois, censées favoriser l’égalité professionnelle sans dispositifs contraignants pour les employeurs, ont été votées : en 1972, en 1983, en 2001, un accord professionnel en 2004 et la loi sur l’égalité professionnelle adoptée le 23 mars 2006 prévoyant l’égalité professionnelle en 2010. Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, dit vouloir réduire les écarts salariaux avant le 31 décembre 2009 et non plus fin 2010.
Précarité, pénibilité
La féminisation de la population active n’a pas débouché sur une plus grande mixité du monde du travail. La ségrégation du marché du travail entre les hommes et les femmes repose sur la division sexuelle du travail, ce qui se traduit par des choix stéréotypés concernant les filières d’éducation, de formation et d’orientation professionnelle. Si les filles réussissent mieux à l’école, elles s’orientent, ou sont orientées, toujours vers des filières scolaires et professionnelles moins valorisées. À cela, s’ajoutent, dans certaines entreprises, les discriminations à l’embauche.
La réalité du marché du travail, pour les femmes, c’est le travail en petite entreprise, là où il est difficile de faire respecter le droit syndical et de mettre en œuvre les plans d’égalité salariale. Les femmes sont concentrées dans six des vingt catégories professionnelles existantes (restauration, commerce et grande distribution, ménage, aide à la personne, soin et éducation). Les femmes se retrouvent dans des emplois peu qualifiés et précaires du tertiaire ; les vendeuses, les caissières, les aides à domicile, les employées de ménage, les serveuses travaillent majoritairement à temps partiel, avec des statuts extrêmement précaires, des horaires de travail éclatés et des rémunérations faibles.
Mobilisation
Les femmes représentent 80 % des 3,4 millions de travailleurs pauvres. Il y a 2,5 fois plus de femmes au Smic que d’hommes. Le salaire mensuel des femmes (toutes catégories et tous temps de travail confondus) est en moyenne de 920 euros, contre 1261 euros pour les hommes, du fait de l’inégalité des carrières, mais aussi de stricte discrimination. Il existe une véritable tolérance sociale vis-à-vis du chômage féminin : la majorité des chômeurs non indemnisés sont des femmes. Même en travaillant jusqu’à 65 ans, les femmes n’arriveront pas à une retraite complète. Leur pension mensuelle est d’environ 606 euros, contre 1 372 euros pour les hommes. 34 % des femmes qui travaillent la nuit sont assujetties à des horaires variables, contre 31,7 % pour celles qui travaillent de jour.
Alors que les femmes représentent 47 % de la population active, 83 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Le temps partiel signifie retraite et allocations chômage partielles. En général, ce temps partiel est contraint, les embauches dans des secteurs très féminisées, comme la grande distribution, se faisant systématiquement en contrat à temps partiel. Lorsque le temps partiel est présenté comme « choisi », c’est parce qu’il permet aux femmes de concilier vie professionnelle et familiale : c’est principalement sur elles que reposent les tâches d’éducation et les corvées domestiques. Le manque d’équipement collectif amplifie cette situation. La création d’un service public gratuit d’accueil de la petite enfance, regroupant crèches, haltes-garderies et écoles maternelles, doté d’un personnel mixte et qualifié, est une revendication centrale.
La seule façon d’arriver à l’égalité salariale, c’est un rattrapage immédiat des salaires. Il faut exiger l’augmentation de tous les salaires de 300 euros, ainsi qu’un Smic à 1 500 euros net, la suppression du temps partiel imposé, en garantissant le passage à plein-temps sur simple demande de la salariée, la reconnaissance dans le code du travail de la précarité du temps partiel, l’obligation pour les employeurs de payer les mêmes cotisations sociales que pour les plein-temps.
De même, il faut exiger l’interdiction des horaires flexibles, la réduction du travail de nuit aux stricts besoins sociaux, pour les femmes comme pour les hommes. Sa pénibilité doit être compensée par une durée de travail inférieure et un départ anticipé en retraite. La LCR est partie prenante de la mobilisation initiée par le Collectif national pour les droits des femmes, concernant la conférence sur l’égalité professionnelle et salariale hommes/femmes du gouvernement.
Anne Leclerc
Accords et limites
INÉGALITÉS PROFESSIONNELLES HOMMES FEMMES
La loi Ameline, que la droite avait promulguée en 2006, affirmait déjà l’intention d’arriver à l’égalité salariale à la fin 2010. Entre-temps, quelques accords d’entreprise ont été signés ou revus en fonction des nouvelles dispositions. Trop peu, sans beaucoup de moyens, et dans un contexte globalement défavorable.
es lois Génisson et Ameline se sont succédé en proposant aux partenaires sociaux de s’engager dans la voie de négociations, dans les entreprises et dans les branches professionnelles, pour fixer en commun des mesures susceptibles de lutter contre les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. La loi Ameline a été plus exigeante, imposant la présence, dans ces accords, de mesures de rattrapage des inégalités constatées. Environ 400 accords avaient été signés à la suite de la loi Génisson (en 2003) ; 111 accords ont été signés dans le cadre de la loi Ameline, la plupart des entreprises qui avaient négocié et signé un accord en 2003 ayant fait progresser l’accord en 2007. Mais il s’agit, le plus souvent, de grandes entreprises, performantes, de haute technologie, ayant un personnel cadre important. Ainsi, sur les 40 entreprises du CAC 40, 22 ont signé des accords. Or, 60 % des femmes travaillent dans les secteurs les plus mal payés : grande distribution, nettoyage, voire sous-traitance des grands groupes en question, avec une faible mobilisation des organisations syndicales.
Outre le fait que très peu d’accords aient été réellement négociés, beaucoup restent, eux aussi, dans le domaine de la pétition de principe avec bien peu de contraintes. Force est de constater que les réticences du patronat ne sont sans doute pas seules en cause : les organisations syndicales elles-mêmes n’y ont généralement pas vu une priorité… Or, sans une bataille conjointe des organisations syndicales, appuyée par une réelle mobilisation des salariés, il y a fort peu de chance que le patronat se sente obligé d’ouvrir de telles négociations, qui pourraient aboutir à augmenter globalement sa masse salariale, et donc les fameux coûts de personnel.
Pourtant, la démarche de la négociation sur l’égalité professionnelle, surtout quand les organisations syndicales décident de l’accompagner d’une mobilisation dans l’entreprise, a généralement des effets positifs : il s’agit d’abord d’établir les faits, puis de chercher les causes de ces inégalités, ce qui conduit à des débats avec prise de conscience, de tous côtés, des préjugés, des méconnaissances, des difficultés réelles créées dans le travail pour les femmes.
Les accords les plus évolués, tels que celui signé à France Télécom par toutes les organisations syndicales et largement élaboré par une démarche offensive des responsables syndicaux (majoritairement femmes), s’appuient sur les possibilités légales et les poussent jusqu’au bout. On y retrouve ainsi, généralement, la « neutralisation » ou la « dépénalisation » du congé maternité et congé parental dans la carrière des femmes : pas de perte de la part variable du salaire pendant cette période, rattrapage de point ou de niveau de carrière, etc.
Un certain nombre de garanties sont également données pour un rattrapage des salaires sur le principe « à travail égal, salaire égal », suite à des constatations et des analyses concrètes de situations individuelles ou collectives prouvant des inégalités importantes. Enfin, des budgets spécifiques sont votés par certaines entreprises pour garantir ce rattrapage. Les accords reconnaissent aussi explicitement qu’il faut combattre les causes qui ont conduit à une telle situation – notamment les préjugés et les stéréotypes, qui facilitent le confinement des femmes à un certain niveau de responsabilité, qu’elles ne parviennent jamais à franchir.
Ainsi, insiste-t-on généralement sur l’importance de la formation professionnelle ou sur le fait qu’il faut s’efforcer de ne pas tenir les réunions après 18 heures. L’accord France Télécom souligne l’effort particulier qui devra être fait pour corriger la distorsion importante entre hommes et femmes dans les métiers techniques, en recrutant prioritairement des femmes.
Malgré les limites des mesures législatives, malgré l’incontestable difficulté à voir ces accords contraindre les entreprises, et surtout corriger réellement l’inégalité pour la grande majorité des femmes, il faut s’emparer réellement des possibilités ouvertes pour créer un rapport de force dans l’entreprise et faire adopter les mesures de correction possibles. Même limitées, elles permettent au moins d’ouvrir la discussion et de faire reconnaître l’inégalité réelle, en déculpabilisant les femmes travailleuses qui vivent particulièrement mal les pressions à leur égard, dans cette période où la productivité et l’employabilité sont les maîtres mots dans les entreprises.
Hélène Viken
La grande distribution
UN EXEMPLE DE SUREXPLOITATION DES FEMMES
Dans les secteurs de la grande distribution, les salariées à temps partiel sont en moyenne moins qualifiées que les salariées à plein-temps. Elles subissent des horaires de travail difficiles (morcellement du temps de travail, amplitude horaire importante, horaires décalés). Ce secteur est composé à 80 % de femmes, employées 20 heures par semaine en moyenne.
Les types de contrat varient, en fonction des hypermarchés et des personnes concernées : de 10 (surtout pour les étudiants) à 15, 22, 26 ou 30 heures hebdomadaires. Le commerce est un secteur économique connu pour la grande flexibilité des emplois, les salaires bas et stagnants, les dérogations préfectorales afin de passer outre la législation en vigueur (travail du dimanche, par exemple). L’utilisation du CDD et de contrats intérimaires est répandue. Les personnes concernées par ce genre de contrats sont généralement des étudiants et des jeunes de moins de 25 ans, majoritairement des femmes (en caisse, à la mise en rayon ou dans l’administration).
Cette situation a plusieurs avantages pour le patronat : limiter au maximum l’ancienneté des employées, ce qui réduit un certain nombre d’acquis – par exemple, le treizième mois est souvent supprimé pour les nouveaux embauchés et sous condition suivant l’entreprise –, et la mise en concurrence constante entre les salariés précaires et les salariés en contrat à durée indéterminée.
Sophie Berjou