Depuis le 23 novembre, le Liban n’a plus de président, mais le processus de mise en place de l’élection présidentielle, entamé à la fin septembre, n’est pas pour autant terminé, le président du Parlement, Nabih Berri ayant de nouveau reporté le scrutin au 30 novembre. Le Liban est aujourd’hui au bord de la partition politique, voire de la guerre civile. Le gouvernement pro-américain de Fouad Siniora est considéré comme illégitime par l’opposition nationale libanaise, que dirigent le Hezbollah et le général Michel Aoun. Sans gouvernement nationalement reconnu, désormais sans président, le Liban est l’enjeu d’une bataille nationale et régionale, qui déterminera, dans les prochaines semaines, s’il doit tomber sous la coupe des États-Unis ou, au contraire, être l’un des axes de la résistance au projet américain de grand Moyen-Orient.
L’ancien président de la République, le général Émile Lahoud, était connu pour ses connexions étroites avec le régime syrien et pour sa reconnaissance de la légitimité politique du Hezbollah et de la résistance libanaise au sud du Liban. Si le poste présidentiel devait tomber dans les mains du Bloc du 14 mars – bloc parlementaire majoritaire à l’Assemblée nationale, lié aux États-Unis, à la France et à l’Arabie saoudite –, le Hezbollah et ses alliés se retrouveraient isolés. Tenant dans ses mains le gouvernement et la présidence, le camp pro-américain pourrait alors totalement démanteler les services de sécurité et les secteurs de l’armée libanaise encore fidèles au projet politique de la résistance. Le Hezbollah se retrouverait face à un ennemi interne déterminé à le désarmer. Dans ce cas, le Bloc du 14 mars bénéficierait de l’appui de la Finul (forces de l’ONU) au sud du Liban, dont le vrai mandat est de désarmer le Hezbollah. Ce projet politique satisfait en tout point Israël, qui suit de très près les évolutions de la situation politique.
Le Bloc du 14 mars, appuyé par l’ambassade américaine, hésite encore à procéder à l’élection d’un président à la majorité simple, alors que la Constitution stipule qu’il doit être élu par la Chambre des députés avec une majorité des deux tiers. S’il prenait cette décision, cela équivaudrait à un coup d’État anticonstitutionnel, que l’opposition refuserait. D’où les allers-retours entre majorité et opposition pour trouver, ces dernières semaines, un président consensuel qui n’appartienne à aucun camp. Pour le moment, aucun nom ne s’est réellement dégagé. La bataille pour la présidentielle reflète donc deux options politiques antagonistes, celle qui veut insérer le Liban dans son environnement arabe autour d’un projet nationaliste de résistance, et celle qui veut l’arrimer aux desideratas occidentaux.