Notre dernier numéro relatait la grève de la faim menée à Lausanne par des travailleurs coréens de la multinationale Tetrapak, dont le siège est en Suisse, en lutte pour défendre leurs emplois et leurs droits élémentaires sur les plans syndical et humain. Et en effet, les multinationales basées en Suisse sont à la pointe de tous les combats, contre les travailleurs-euses et les peuples, aux quatre coins du monde.
Nestlé est en première ligne de la répression anti-syndicale aux Philippines par exemple, nous en avons parlé dans nos colonnes. Novartis a déclaré la guerre à la santé du Tiers-Monde en menant sa guerre contre les autorités indiennes en matière de brevets pour faire passer les intérêts de ses actionnaires avant la santé et la vie de millions de personnes. Les exemples criants sont trop nombreux pour les recenser tous ici.
Aujourd’hui, c’est le groupe Syngenta, qui tue des paysans sans terre au Brésil. Cette multinationale de l’agrobusiness a son siège à Bâle et plusieurs sites de production en suisse, dont l’un en Suisse romande à Monthey. Elle déclarait en 2006 un bénéfice net avoisinant les 900 millions de dollars. Elle est connue, notamment, pour sa commercialisation dans plus de 100 pays d’un herbicide extrêmement toxique, le Paraquat, vendu et promu dans une centaine de pays, en violation permanente du code conduite de la FAO en la matière et qui aurait fait des milliers de morts de par le monde. Une campagne internationale, relayée en suisse par la Déclaration de Berne, exige l’interdiction de ce produit mortel.
Par ailleurs, Syngenta est à la pointe aussi, en ce qui concerne les semences stériles, dites « Terminator », qui n’ont d’autre objet que de dominer et de contrôler sans partage le marché des semences, d’asservir les paysans à l’agrobusiness. Ces semences sont une machine de guerre effroyable contre le droit à l’alimentation et la biodiversité à l’échelle mondiale.
Or le 21 octobre dernier, des tueurs à gage, à la solde de cette multinationale, ont envahi un campement de paysans du Mouvement des Sans Terre dans l’Etat du Paraná au Brésil et y ont froidement assassiné un leader paysan. En page suivante, nous reproduisons le compte-rendu de ce crime et des conditions dans lequel il s’est produit, émanant du secrétariat du MST au Brésil, ainsi que les exigences du mouvement.
Dans un appel du 1er novembre, c’est le mouvement paysan international Via Campesina qui a pris le relais, en appelant à mener des actions de protestation devant les bureaux de Syngenta dans tous les pays et à interpeller les ambassades de Suisse et du Brésil dans tous les pays du monde. Via Campesina appelle dans ce sens à mettre en avant les exigences suivantes :
« 1. Châtiment pour les acteurs matériels et intellectuels de ce crime.
2. Expropriation des terres de Syngenta pour la production de semences créoles afin qu’elles soient administrées par les paysannes et les paysans.
3. Expulsion de Syngenta du Brésil.
4. Que le gouvernement du Brésil adopte des mesures pour assurer l’intégrité physique des paysannes et des paysans qui sont menacés par les tueurs engagés par Syngenta.
5. Soutien aux initiatives d’Amnesty International pour répudier et pour condamner Syngenta.
6. Que les organisations de Via Campesina dans tous les pays organisent des journées de protestation devant les Ambassades de Suisse, du Brésil et devant les bureaux de Syngenta... »
Une première journée de protestation dans ce sens a été annoncée pour le 8 novembre avec une deuxième date de mobilisation pour le 10 décembre. En Suisse, nous avons évidemment une responsabilité particulière en la matière et il serait inacceptable que, pour Syngenta et les autorités helvétiques, interpellées aux quatre coins de la planète, la Suisse reste un îlot épargné et que le busines as usual puisse se poursuivre sans une ride en Helvétie.
Du côté de solidaritéS, nous entendons prendre les initiatives et les contacts nécessaires, pour aller dans ce sens. Cette solidarité internationaliste à construire, ne découle pas d’un simple devoir moral. En effet, si le règne du profit et la loi des actionnaires, qui sont les dogmes absolus du capitalisme mondialisé, font couler le sang des travailleurs-euses sur tous les continents, dans ce pays, ce sont les mêmes diktats qui s’imposent à longueur d’années contre les intérêts et les droits de tous les travailleurs-euses et de la majorité de la population. Or nos luttes propres de résistance sont condamnées – à terme – si nous n’arrivons pas à les lier à celles qui s’engagent et doivent s’engager à l’échelle continentale et mondiale.