La mort de Redouane Osmane, survenue brutalement, le samedi 15 décembre, crée un grand vide pour tous ceux qui se sont battus à ses côtés depuis près de 30 ans. Ce que toute la presse algérienne a dû reconnaître, le ministre de l’Éducation et la direction de l’Union générale des travailleurs algériens étant obligés de se fendre de messages de condoléances… En 1979, Redouane Osmane a rejoint l’organisation trotskyste Groupe révolution socialiste (GRS), devenu par la suite le Parti socialiste des travailleurs (PST, organisation solidaire de la IVe Internationale), avant de devenir un militant de tous les combats contre l’oppression. D’une énergie qui semblait inépuisable, Redouane a été, partout où il passait, un organisateur des luttes et de la résistance : dans des grèves ouvrières, comme à Rouiba et Beni Mered dans les années 1980 ; fondateur et animateur du Syndicat national des étudiants algériens autonome et démocratique, qui a déclenché une grève générale en 1987 et animé les mobilisations contre la répression et la torture après 1988, luttant pied à pied contre la dictature. Pendant toutes ses années, il a contribué à former des centaines de jeunes, notamment à travers les campings d’été du PST.
Après un séjour à Oran pour y développer le PST, il est revenu à Alger en 1993, enseignant au lycée Émir-Abdelkader, au cœur de Bab-el-Oued, fief des intégristes, où lui, le trotskyste, athée, a vécu sans jamais être menacé tant son engagement social dans le camp des opprimés forçait le respect. S’il avait quitté la direction du PST depuis la fin des années 1990, il était de toutes les initiatives de l’organisation. Il a consacré son énergie aux mobilisations enseignantes – presque continues de 2003 à 2006 –, créant un syndicat en rupture avec l’UGTA, le Conseil des lycées d’Alger. Il s’est efforcé d’aider à l’émergence et à la convergence des syndicats autonomes de l’UGTA dans différents secteurs.
Dimanche 16 décembre, Redouane a eu un enterrement à l’image de ce qu’a été sa vie : ils étaient des milliers de lycéens, d’enseignants, d’Alger et de tout le pays, de syndicalistes, de militants politiques indépendants du pouvoir, mais aussi de gens du quartier – y compris de nombreuses femmes, fait exceptionnel pour des obsèques en Algérie – qui connaissaient tous Redouane et son mégaphone. Quand ils ont voulu se rendre au lycée Emir-Abdelkader, ils en ont été empêchés physiquement par trois camions des brigades anti-émeutes et cinq véhicules de police, placés à 300 mètres du lycée. Le cortège avait traversé tout Bab-el-Oued, avec une foule immense reprenant des chants révolutionnaires, lançant des youyous, applaudissant. « Même mort, il dérange le pouvoir », scandait alors l’immense foule, transformant ainsi la cérémonie en manifestation. Un hommage militant au « rebelle de Bab-el-Oued », dont le cercueil était porté par ses élèves, qui l’avaient vu mourir en classe.