Le gouvernement a semblé résister aux demandes de la Commission européenne en déposant un recours devant la Cour de justice. Mais ce n’était qu’une posture puisqu’il confiait, dans le même temps, une mission sur l’évolution du livret A à Michel Camdessus, l’ex-président du FMI. Sarkozy n’a attendu ni le résultat du recours, ni le rapport de Camdessus pour se déclarer favorable à la banalisation de la distribution du livret A à toutes les banques. Les conditions qu’il souhaite en contrepartie ne servent qu’à l’empêcher de paraître le défenseur exclusif des banques. La première est que « cette banalisation ne mette pas en danger la collecte ». Or, il est évident que les banques auront tout intérêt à proposer des produits plus lucratifs que le livret A, et donc à orienter l’épargne vers d’autres produits, comme l’épargne retraite ou l’épargne boursière. Certains ministres appellent d’ailleurs de leurs vœux cette évolution, regrettant aujourd’hui la part de l’épargne administrée.
La deuxième condition est « que cela se traduise par une diminution de la rémunération des réseaux distributeurs pour abaisser le financement du logement social ». Il faut préciser que l’État est pour beaucoup dans l’enchérissement de ce financement par une ponction de 50 milliards d’euros, en contrepartie d’une « garantie de l’État ». De plus, cette condition entrera vite en contradiction avec la première car, si la rémunération des réseaux baisse, cela les incitera encore davantage à orienter l’épargne vers d’autres produits.
Enfin, la banalisation « ne doit pas bouleverser l’équilibre des réseaux qui distribuent aujourd’hui le livret A ». Un nouvel engagement qui ne peut être tenu. Nous recensons aujourd’hui 46 millions de détenteurs du livret A, ce nombre ne peut plus croître. Pour se développer sur ce secteur, les banques devront inévitablement débaucher des usagers à La Poste ou à l’Écureuil. De plus, 12 des 21 millions de livrets gérés par La Poste ont un solde inférieur à 150 euros et, si ces comptes ne représentent que 0,7 % des encours de l’ensemble des livrets de La Poste, ils génèrent la majorité des opérations de guichet, donc des coûts pour l’établissement public. En attirant les comptes les mieux garnis, les banques déstabiliseraient inévitablement La Poste, avec toutes les menaces que comporterait cette évolution pour les plus démunis.
Des syndicats (CGT et SUD), des associations de défense des locataires et de lutte contre l’exclusion, des élus et des acteurs du logement social issus du mouvement HLM discutent de la riposte à ce qui peut être considéré comme une privatisation du financement du logement social. La conférence de presse unitaire organisée le 20 décembre au Sénat devrait aboutir au lancement d’une grande campagne nationale pour la sauvegarde du livret A et de ses missions.