Islamabad, correspondante
Dans la plus pure tradition dynastique largement pratiquée par les politiciens en Asie du Sud, le Parti du peuple pakistanais (PPP), que dirigeait jusqu’à son assassinat, le 27 décembre 2007, l’ex-premier ministre Benazir Bhutto, a choisi dimanche 30 décembre son fils, Bilawal, 19 ans, pour lui succéder. Le père de Bilawal, Asif Zardari, qui a annoncé qu’à compter de dimanche son fils s’appellerait « Bilawal Bhutto-Zardari » a été nommé coprésident.
Le jeune Bilawal, qui est encore étudiant en sciences politiques à Oxford comme sa mère l’avait été avant lui, poursuivra ses études, et dans les faits c’est son père qui s’occupera des affaires du parti alors que le vice-président, Makhdoom Amin Fahim, sera le candidat du parti au poste de premier ministre en cas de victoire aux élections législatives. Amin Fahim avait dirigé sous la conduite de Benazir Bhutto le PPP durant les huit années d’exil de cette dernière.
Protégé par son père, qui a vite interrompu les questions des journalistes, le jeune Bilawal s’est contenté de dire au cours de la conférence de presse tenue à l’issue de la réunion du parti : « Ma mère a toujours dit que la démocratie était la meilleure vengeance. La longue et historique lutte du PPP en faveur de la démocratie se poursuivra. »
A 19 ans, Bilawal est encore loin des 25 ans minimum requis pour être élu au Parlement, et jusqu’à maintenant il était plus connu pour sa ceinture noire au taekwondo et son amour du cheval hérité de son père. Interrogé en 2004 sur son éventuel désir de faire de la politique, il avait répondu à l’agence Press Trust of India : « Je ne sais pas. J’aimerais aider les Pakistanais donc je déciderai à la fin de mes études. »
Combatif, Asif Zardari a qualifié le parti présidentiel de « tueur », sans toutefois prononcer le nom du président Pervez Musharraf. Dans un geste visant à profiter à fond de la vague de sympathie créée par l’assassinat de Benazir Bhutto, Asif Zardari a annoncé la participation du PPP aux élections législatives et provinciales initialement prévues le 8 janvier, appelant le parti de l’ex-premier ministre Nawaz Sharif à revenir sur sa décision de boycottage du scrutin, ce que la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) a fait.
M. Zardari, qui avait été libéré fin 2004 après huit ans passés en prison pour des affaires de corruption, n’a pas toujours fait l’unanimité dans le parti et beaucoup lui reprochaient d’être responsable de la dérive du deuxième gouvernement de Benazir Bhutto entre 1993 et 1997. C’est la raison pour laquelle, alors que le testament de Benazir le nommait comme successeur, il a choisi de mettre en avant Bilawal.
PROCESSUS ÉLECTORAL« DÉFAVORABLEMENT AFFECTÉ »
Dimanche il s’est toutefois montré ferme dans sa nouvelle tâche en appelant à la retenue les fidèles du parti qui avaient exprimé leur colère en brûlant des voitures, des trains, en détruisant des banques, des stations-service à la retenue. « Nous vengerons le meurtre de Bhutto à travers le processus démocratique après avoir gagné les élections », a-t-il lancé.
Il a aussi, dans un geste remarqué, appelé les partisans de la province du Sind, fief de la famille Bhutto, à cesser leurs critiques proférées contre la province du Pendjab, soulignant que le PPP était pour la fédération, pour le Pakistan.
Le PPP en ordre de marche pourrait, malgré son refus de tout report des élections, réitéré avec force lundi, devoir attendre la décision de la commission électorale qui devrait se prononcer mardi sur ce point.
Les proches du gouvernement laissaient entendre, lundi, que les élections pourraient être repoussées de plusieurs semaines. Le parti présidentiel, la Ligue musulmane du Pakistan-Qaïd (PML-Q), qui n’est plus pressé dans les conditions actuelles, a annoncé avoir « suspendu sa campagne en raison de la situation ». « Un report de dix à douze semaines » des législatives « est une option réaliste », a affirmé Tariq Azim, porte-parole du parti.
La commission électorale a fait savoir que le processus électoral était « défavorablement affecté » par la mort de Mme Bhutto et les violences et émeutes qui l’ont suivie. Selon un membre de la commission, plus de 40 bureaux électoraux dans la seule province du Sind ont été saccagés et les listes électorales détruites. Le deuil de trois jours qui a paralysé le pays a aussi, selon la commission, ralenti l’impression des bulletins de vote et les agents électoraux n’ont pu être entraînés.
Un report trop long pourrait relancer les violences alors que le Pakistan retrouve petit à petit son activité après trois jours de deuil. Signe de la tension et des craintes qui demeurent, la Bourse de Karachi a ouvert lundi en baisse de 4,4%.