TRANSPORTS : Le droit de grève attaqué
Avec la loi sur le service minimum dans les transports, le gouvernement remet en cause le droit de grève, sans arrêter sa politique de dégradation de ces services.
La loi du 21 août 2007 sur le service minimum devait entrer en application le 1er janvier. Elle oblige chaque salarié à se déclarer gréviste 48 heures avant le début du conflit, impose une consultation à bulletin secret au bout de huit jours de grève et un « service minimum » pendant les heures de pointe. La loi rend également obligatoire un accord par branche sur la prévention des conflits. Ce type d’accords existe déjà à la RATP et à la SNCF, mais le gouvernement veut aller plus loin dans la restriction du droit de grève.
Pour les transports urbains des voyageurs de province, un accord a été signé, le 20 décembre, entre l’Union des transports publics (UTP, organisation patronale), la CFDT et la CFTC. Il impose une période de « concertation » de seize jours minimum, où toute grève est interdite. Si les raisons du conflit demeurent et que la grève a lieu, les entreprises peuvent réaffecter le personnel pour maintenir un service de desserte « garanti ». Un accord du même type est proposé à la SNCF et à la RATP, où les « discussions » se poursuivent encore.
Dans toutes ces branches de transport, nous assistons à une offensive importante contre le droit de grève. Les projets d’accord sur le « dialogue social » comportent systématiquement deux exigences : l’allongement important du délai pour déposer un préavis de grève (actuellement de cinq jours) et une liste des priorités de desserte à maintenir en cas de grève, en remplaçant le personnel gréviste.
Les associations d’usagers sont en train de se rendre compte que le gouvernement les utilise et ne se préoccupe pas des conditions de transport des usagers. La Fédération des usagers des transports et des services publics (FUTSP) comme la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) multiplient les contacts avec les organisations syndicales (notamment SUD-Rail) afin de travailler ensemble à l’amélioration du service public ferroviaire.
En effet, avec la course à la productivité, on assiste à des dégradations importantes du réseau et des trains, dont l’entretien est revu à la baisse. Les incidents de circulation se multiplient, notamment en région parisienne. Les gares ferment ou sont souvent vidées de tout personnel, ce dernier étant remplacé par des machines. Les correspondances sont de plus en plus difficilement assurées, en raison de la gestion séparée entre les réseaux régionaux et le réseau grandes lignes.
Quand les salariés se mettaient en grève pour les effectifs, contre la fermeture de gares ou contre la course effrénée à la productivité, en défense du service public, tout le monde y gagnait, salariés comme usagers. Avec Sarkozy et son gouvernement, ces luttes sont rendues plus difficiles et tout le monde va y perdre. Les cheminots doivent refuser le prétendu dialogue social et empêcher que les organisations syndicales s’y fassent piéger.
Correspondant
* Paru dans Rouge n° 2233, 03/01/2008.
SALAIRES : L’heure des comptes
La grève des personnels au sol d’Air France, au début des vacances de fin d’année, et celle des urgentistes hospitaliers rappellent, avec audace et détermination, au gouvernement des patrons qu’il a un rendez-vous incontournable avec l’ensemble des travailleurs : celui des salaires.
La situation des personnels d’exploitation au sol d’Air France, les « rampants », est significative. La plupart d’entre eux gagnent 1 190 euros brut à l’embauche et environ 2 000 euros après 30 ans de carrière. Pendant ce temps, Air France réalise de plantureux profits et vient de réussir son opération financière de prise de contrôle d’Alitalia. Salaires de misère et profits florissants destinés à arroser les actionnaires et à restructurer, voilà les deux pôles de la politique du patronat et du gouvernement. Sarkozy déploie ses talents d’illusionniste pour tenter de désamorcer le mécontentement en prétendant augmenter le pouvoir d’achat sans augmenter les salaires.
La grève des urgentistes et des anesthésistes dénonce le scandale des hôpitaux, où 23 millions d’heures supplémentaires sont impayées, et où 3,5 millions de journées de RTT sont stockées sous forme de comptes épargne temps, les salariés n’ayant la possibilité ni de les prendre, ni de les « monétiser ». La proposition de concertation faite aux urgentistes par la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, ne les a pas convaincus. Augmenter le pouvoir d’achat par les heures supplémentaires est un leurre : cela fait dépendre le salaire du bon vouloir des patrons, et cela occulte le fait que l’État et les patrons n’ont pas commencé à payer les heures supplémentaires dues.
La deuxième loi sur le pouvoir d’achat, votée par le Parlement avant les congés de fin d’année, dit vouloir obliger l’administration à le faire. Elle prétend être une réponse à l’échec de la première loi, mais c’est la même mise en musique du « travailler plus pour gagner plus » qui est jouée. L’objectif est de pousser aux heures supplémentaires ou au travail le dimanche, en fonction des seuls besoins des patrons. C’est une entourloupe, qui vise à liquider les accords collectifs pour généraliser l’individualisation du salaire. C’est la même politique que celle du ministre de la Fonction publique, Éric Woerth, qui veut mettre en place « un principe individuel de garantie du pouvoir d’achat ». C’est le salaire « au mérite », le règne de l’arbitraire, le salarié seul devant les patrons et l’État.
C’est dire si l’enjeu de la lutte qui s’engage sur les salaires est important. D’autant que la politique de baisse des coûts du travail s’accompagne d’une hausse généralisée des prix. Selon une étude réalisée par Le Nouvel Observateur, la hausse moyenne de 250 produits de grandes marques, parmi les plus vendus dans les grandes surfaces de distribution, atteint, depuis trois ans, 11,5 %. Et, depuis le passage à l’euro en 2000, 29 %.
Face à cette hausse des prix et à la baisse du pouvoir d’achat, la seule réponse est l’augmentation générale des salaires, des minima sociaux et des retraites. Les urgentistes ont imposé au gouvernement de commencer à négocier. Les fonctionnaires et le personnel de l’Éducation nationale seront en grève le 24 janvier. Force ouvrière a même annoncé qu’elle souhaitait que cette journée devienne une journée de grève du public et du privé. Le besoin d’un mouvement d’ensemble pour imposer une autre répartition des richesses fait ainsi son chemin. Les militants de la LCR, en engageant une campagne sur les salaires, veulent agir en ce sens. Nous voulons défendre l’exigence de 300 euros pour tous et celle de ne pas avoir de salaires inférieurs à 1500 euros. Nous encourageons chacun à les populariser, à les porter dans les sections syndicales, dans les associations, partout où cela est possible. Imposer une revalorisation générale des salaires sera l’affaire de tous.
Yvan Lemaitre
* Paru dans Rouge n° 2233, 03/01/2008.
Krivine donnerait « 20 sur 20 » à Sarkozy si le critère est « hausse de son salaire »...
PARIS, 4 jan 2008 (AFP) - Alain Krivine, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), donnerait « 20 sur 20 » à Nicolas Sarkozy si le critère d’évaluation était « l’augmentation personnelle de salaire », a-t-il ironisé vendredi. M. Krivine a jugé sur RFI que le système d’évaluation des ministres annoncé la veille par le gouvernement était « grotesque ». « C’est du guignol, c’est une vraie méthode patronale de gestion, moi je lui donne 20 sur 20 si on prend comme critère l’augmentation personnelle de salaire », a lancé M. Krivine. « C’est se moquer des gens, c’est totalement apolitique, anti-démocratique et c’est à rejeter », a-t-il ajouté. Le 30 octobre, lors de l’examen des crédits « Pouvoirs publics » dans le budget 2008, un amendement gouvernemental avait aligné le traitement du chef de l’Etat sur celui du Premier ministre, à environ 19.000 euros. Cette augmentation avait été chiffrée à 172% de source UMP, tandis que le PS parlait de 206%, soit un triplement de salaire.
TEMPS DE TRAVAIL. Alors que le gouvernement ne cesse de nous bassiner sur le fait qu’il faut travailler plus, que la présidente du Medef, Laurence Parisot, veut remettre en cause la notion même de durée légale du temps de travail, tout cela au nom de la compétitivité, il apparaît que le nombre d’heures effectivement travaillées par semaine, tous emplois confondus, est plus élevé en France qu’en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas...
Le père Noël, c’est pour les riches
Les statistiques officielles sont bien obligées de l’admettre, les prix s’emballent. Les prix du pétrole ou des matières premières alimentaires, la surchauffe de l’économie mondiale, la course au profit alors que les places financières spéculent à la baisse, provoquent une spirale de la hausse. Les capitalistes, petits et grands, se bousculent pour s’approprier la part la plus grande possible de profit, et ce sont les salariés, la population, qui payent l’addition. Les gouvernements sont confrontés à un double problème : faire face au mécontentement et tenter d’entretenir la consommation, dans le cadre d’une concurrence de plus en plus vive. Et donc, faire pression à la baisse sur les salaires !
Aberration et folie d’un système où les gouvernements jouent en permanence le père Noël pour les riches, les rentiers petits et grands, pour le plus grand bonheur de l’industrie du luxe dont la publicité étale au regard des pauvres, à l’occasion des fêtes, son insolente santé. Il faut bien, cependant, distribuer quelques miettes du festin au peuple. Sarkozy, le prétendu candidat du pouvoir d’achat, ne l’avait-il pas promis ? Ces miettes sont pires qu’une provocation, elles se voudraient un piège.
Le gouvernement redistribue, certes, un peu de pouvoir d’achat, tellement peu mais, surtout, il veut battre en brèche les accords collectifs, dénoncer toute augmentation globale des salaires afin d’imposer les augmentations individualisées, au « mérite ». Des miettes pour inciter à travailler plus et accentuer la concurrence entre les salariés eux-mêmes. C’est le sens du projet de loi sur le pouvoir d’achat qui se discute à l’Assemblée nationale. C’est le sens aussi de la politique du ministre de la Fonction publique, Éric Woerth, qui prétend mettre en place « un principe individuel de garantie du pouvoir d’achat ». L’imposture du candidat du pouvoir d’achat se révèle, et le sentiment d’avoir été dupé exacerbe le mécontentement. Yoplait, Carrefour, Géant Casino, Conforama, Darty…, les grèves se multiplient dans le privé, la convergence privé-public se pose… Refuser les miettes empoisonnées et exiger son dû est une nécessité. C’est une question de dignité aussi.
Yvan Lemaitre
* Rouge n° 2232, 20/12/2007.
Les voeux de Serge Dassault dans le Figaro
C’est fou comme ceux qui, hier encore, stigmatisaient les oligarques du Kremlin pour mieux louer la liberté prêtée à l’économie capitaliste, n’éprouvent même plus le besoin de dissimuler à quel point ils sont les hérauts d’une autre tyrannie, celle du marché omnipotent. Le Figaro a aujourd’hui pour trait distinctif d’être tout à la fois le porte-voix de la droite aux affaires, d’un fleuron du lobby militaro-industriel tricolore et, ce faisant, de la haute finance. C’est dire si les vœux de son PDG, Serge Dassault, à la « une » de l’édition du 1er janvier, revêtent une portée symbolique.
Notre avionneur et marchand d’armes présente, ne riez pas, « tous [ses] vœux à la France, qui a choisi un président dynamique et courageux ». À ses yeux, ce pays aurait en effet des « habitudes » qui « ont besoin d’être changées ». Et d’énumérer les plaies de cette spécificité honnie des possédants : « Une grande partie de nos concitoyens ne voit pas que le monde bouge et ne s’en inquiète pas suffisamment. La France est encore paralysée par une lutte des classes toujours vivace qui épuise notre économie, et des lois archaïques et pénalisantes qui font partir nos meilleurs éléments dans des pays voisins, amis mais concurrents, qui ne connaissent pas les mêmes contraintes financières, fiscales ou sociales... » La conclusion prend la forme d’un appel « à la mobilisation et à l’effort pour engager, sans attendre, les réformes indispensables ».
Le problème ne réside pas tant dans le style inimitable et les opinions (plus que convenues) de cette figure d’une droite et d’un patronat paternalistes. Mais, à travers cette intervention d’un magnat de la presse, qui est aussi capitaine d’industrie et sénateur-maire UMP de Corbeil-Essonne, une tendance se dessine à l’étouffement insidieux de toute pensée critique. En tout cas, dans la presse à grande diffusion. L’alliance est en effet inédite, du moins à pareille échelle, de ces trois puissances que constituent le pouvoir politique, le monde de l’argent et un univers médiatique en voie de normalisation totale.
Le Figaro est loin de constituer une exception, et il ne devrait plus tarder à retirer de son logo la célèbre devise de Beaumarchais : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. »
Christian Picquet
* Paru dans Rouge n° 2233, 03/01/2008.
POUR 2008 : Quels vœux !
Voici venue l’heure des vœux... Ouvrant le bal, Nicolas Sarkozy n’aura pas manqué de donner aux siens du contenu. S’il aura fait preuve d’une inhabituelle modestie – « j’ai pu commettre des erreurs » –, et s’il se sera prétendu le héraut d’une « moralisation » du capitalisme financier, c’est probablement pour effacer les dépenses somptuaires de ses vacances égyptiennes. Pour le reste, nous aurons été prévenus : « Avec 2008, une deuxième étape s’ouvre » et elle va « toucher davantage encore à l’essentiel, à notre façon d’être dans la société et dans le monde, à notre rapport aux autres… »
La présidente du Medef, Laurence Parisot, s’était auparavant chargée d’expliciter le propos, en manifestant sa volonté de mettre à l’ordre du jour la fin de la durée légale du travail et en revendiquant que les employeurs n’aient plus à payer les majorations d’heures supplémentaires à partir de la 35e heure. C’est près d’un siècle et demi de combat social pour limiter l’arbitraire patronal qu’elle veut éradiquer. Voilà sans doute ce que Sarkozy voulait signifier en disant que l’enjeu portait sur « tout ce qui fait une civilisation ».
En comparaison de déclarations de guerre aussi « décomplexées », les vœux des dirigeants du Parti socialiste paraissent tout simplement… pitoyables. Sur Internet, François Hollande n’aura ainsi pas craint d’annoncer, pour 2008, l’espoir que ressusciterait… la victoire des démocrates outre-Atlantique. Quant à Ségolène Royal, égale à elle-même et toujours sur la Toile, elle aura souhaité « l’année de la morale, des comportements et des résultats ». Oui, des résultats ! Non seulement cette gauche de renoncement a définitivement banni de son vocabulaire tout ce qui évoque la lutte de classe, mais elle demande des résultats d’une politique qui vise à porter la régression sur tous les fronts !
Nos vœux se situeront sur un autre registre : 2008 doit voir la droite et le grand patronat échouer devant la mobilisation sociale…
Christian Picquet
* Paru dans Rouge n° 2233, 03/01/2008.