Le 19 janvier sera un journée européenne d mobilisation contre les centres de rétention et contre la directive européenne de la honte. Cette dernière, soumise à l’examen du Parlement européen, prévoit notamment que la rétention administrative pourra durer jusqu’à dix-huit mois Comme d’habitude, l’Europe libérale nivelle le droits par le bas : dix-huit mois, c’est la durée maximum d’enfermement des sans-papiers à Chypre. En France, la rétention de 32 jours maximum s’apparente déjà à une peine de prison. La directive préconise, en outre, contre tout étranger expulsé d’un pays d’Europe, une interdiction du territoire de tout État de l’Union pendant cinq ans ! Pour faciliter ce genre de bannissement, il faut un traçage des immigrés. C’est dans ce but que le fichier informatisé – appelé « Eloi », comme éloignement – a été institué par un décret du 26 décembre 2007, cadeau de Noël d’Hortefeux
En France, la mobilisation du 19 janvier revêtira un sens particulier, à quelques mois de la présidence française de l’Union européenne, alors que Sarkozy se fixe l’objectif d’interdire aux autres gouvernements toute régularisation massive. Elle prend aussi une dimension politique nationale, alors que Fillon réaffirme, pour 2008, l’objectif criminel des 25 000 expulsions annuelles, annonce faite à Marseille par un Premier ministre venu soutenir Jean-Claude Gaudin pour les municipales. Aucun rapport, bien sûr avec une vulgaire tentative de séduction des électeurs du Front national...
Enfin, cette mobilisation vient après les révoltes des centres de Vincennes et du Mesnil-Amelot. Devant plusieurs centres de rétention, les manifestants hurleront leur colère contre l’enfermement des sans-papiers, et ils adresseront leur sympathie aux retenus. « Que le privilège de vivre dans un pays riche soit réservé à ceux qui y sont nés ou dont les parents ont les bons papiers semblera un jour tout aussi absurde que les privilèges de la noblesse de l’Ancien Régime », déclare le Réseau éducation sans-frontières (RESF). Derrière le refus de l’enfermement des étrangers et de l’Europe forteresse, grandit la conscience que l’avenir est dans la liberté de circulation et d’installation.
RÉGULARISATION PAR LE TRAVAIL
France : de l’espoir au piège
Le gouvernement français a publié deux circulaires sur les conditions de régularisation des salariés sans papiers. Au-delà du tapage médiatique dont elles ont bénéficié, quelle est la portée réelle de ces dispositions ?
La loi Hortefeux intègre un amendement du député UMP Lefebvre, prévoyant l’admission exceptionnelle et conditionnelle au séjour d’un travailleur sans papiers. À bon compte, le gouvernement s’offre ainsi une posture d’ouverture censée équilibrer l’image que renvoient ses rafles à répétition. À y regarder d plus près, les circulaires d’application du 2 décembre 2007 et du 7 janvier 2008 restent dans la logique du travail jetable et de l’immigration « choisie » par le patronat.
Celle du 20 décembre est fondée sur une discrimination : elle ouvre une liste de 150 métiers « sous tension » aux seuls travailleurs originaires des nouveaux pays entrant dans l’Union européenne. Pour les ressortissants des pays tiers, une liste beaucoup plus limitée est établie par métiers (une trentaine), mais aussi par zone géographique. Les non-Européens ne sont désirables que s’ils sont très qualifiés : « Cadre de l’audit et du contrôle comptable, informaticien d’études, informaticien expert, chargé d’études techniques du bâtiment, géomètre... »
La circulaire du 7 janvier est présentée par Le Monde comme « un espoir pour les sans-papiers ». Pourtant, elle met d’emblée les pendules à l’heure. Elle concerne « par définition, un nombre très limité de bénéficiaires », récuse une « opération générale de régularisation », confirme que « la priorité » reste « la lutte contre l’emploi illégal des étrangers », c’est-à-dire les rafles aux abords ou dans les entreprises.
Elle précise les conditions cumulatives. D’une part, l’activité doit relever de la liste limitative des métiers énumérés et des zones géographiques concernées. D’autre part, c’est la demande du patron, et de lui seul, qui est examinée « avec une particulière diligence ». Le titre de séjour sera revêtu de la mention « salarié », mais dans une profession et une zone géographique déterminées. La carte « salarié » ne sera renouvelée que « circonscrite à un métier sous tension ». En dehors des listes limitatives, « à titre exceptionnel », les demandes patronales pourront être examinées pour un métier qui « connaît des difficultés de recrutement particulièrement aiguës dans le bassin d’emploi concerné ». Au total, l’attribution et le renouvellement d’un titre de séjour lient étroitement le sort de l’étranger à son patron et à l’opportunité économique du moment. L’immigré reste choisi et jetable.
Le risque est grand que des sans-papiers, abusés par le tapage médiatique autour de ces circulaires, se précipitent seuls vers les préfectures. Un quatre-pages réalisé par des syndicats et des collectifs de sans-papiers dans le cadre de l’UCIJ les met en garde et recommande l’action collective. À l’initiative notamment de Droits-Devant ! et de l’union locale de la CGT de Massy, des manifestations de travailleurs sans papiers ont eu lieu devant plusieurs ministères et Matignon. La prochaine ciblera le Medef, le 1er février après-midi.