De notre correspondant à Rome,
Œil pour œil, mobilisation papale pour manifestation anticléricale. Cinq jours après avoir renoncé à participer à l’inauguration de l’année académique de l’université romaine La Sapienza sous la pression d’étudiants et de professeurs laïques, Benoît XVI s’est livré, hier, à une contre-attaque en règle lors de la prière de l’Angelus. A cette occasion, le cardinal Camill Ruini, vicaire de Rome, avait demandé aux Italiens de venir en masse témoigner leur « affection » et leur soutien au souverain pontife. Ils étaient ainsi plusieurs dizaines de milliers (200 000 personnes selon le Vatican) à avoir fait le déplacement : des groupes traditionalistes, de simples fidèles attachés à la figure du pape, mais aussi les états majors des partis de droite et plusieurs représentants de la majorité de centre gauche, dont le vice-président du Conseil Francesco Rutelli. « En tant que professeur ayant rencontré beaucoup d’étudiants dans ma vie, je vous encourage tous, chers universitaires, à être toujours respectueux des opinions des autres », a lancé, combatif, Benoît XVI. « Malheureusement le climat qui s’était instauré [à l’université, ndlr] a rendu ma présence inopportune, j’ai dû surseoir malgré moi. »
Gages. Depuis plusieurs jours, l’incident de La Sapienza a pris d’énormes proportions dans un pays où la présence de l’Eglise catholique demeure prépondérante. La protestation contre la visite papale avait été déclenchée en novembre par le physicien Marcello Cini qui dénonçait « l’incroyable violation de la tradition d’autonomie des universités ». Une soixantaine de ses collègues, puis des collectifs d’étudiants, l’avaient rejoint reprochant à l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, son jugement sur le procès ( « raisonnable et juste ») contre Galilée. Si les jeunes anti-papistes célèbrent aujourd’hui leur « grandissime » victoire, le président (ex-communiste) de la République, Giorgio Napolitano, s’est, à l’inverse, déclaré « blessé » et « amer ». Les principaux responsables de la majorité de centre gauche lui ont emboîté le pas.« L’annulation est inacceptable pour un démocrate »,a déclaré le maire de Rome, Walter Veltroni, qui est aussi le chef du parti démocrate, la nouvelle formation de centre gauche née de la volonté de dépasser les vieilles fractures entre catholiques et laïques.
De manière générale, les anciens communistes ont, depuis 1989, cherché à se rapprocher de la hiérarchie ecclésiastique. L’ancien démocrate-chrétien Romano Prodi, au pouvoir depuis 2006, n’a cessé de donner des gages à l’Eglise, notamment en repoussant sine die l’adoption de son projet d’union civile pour les homosexuels. Alors que le très conservateur Benoît XVI redouble d’attaques, en particulier contre l’avortement, nombre de laïques italiens se sentent abandonnés par leurs représentants politiques.
Antenne. Une situation qui a ouvert la voie à des protestations de grande ampleur, comme celle de La Sapienza. Ou comme le leader radical, Marco Pannella, qui s’est posté samedi place Saint-Pierre pour rappeler que, depuis son élection en avril 2005, Benoît XVI et les responsables de l’Eglise catholique ont cumulé sur la principale chaîne publique italienne, pas moins de 26 heures 35 de temps d’antenne, contre seulement 18 heures 32 pour le chef du gouvernement.