BANGKOK CORRESPONDANT
La Cour suprême de Djakarta a condamné, vendredi 25 janvier, à vingt ans de réclusion, un pilote accusé du meurtre, en 2004, de Munir Thalib, éminent défenseur des droits de l’homme indonésien.
La justice indonésienne a considéré que Pollycarpus Priyantoon, ex-pilote de la compagnie aérienne nationale Garuda Indonesia, était l’auteur du meurtre prémédité, par empoisonnement à l’arsenic, de l’activiste Munir Thalib.
Il aurait commis son acte à bord d’un avion effectuant la liaison Djakarta-Amsterdam. Il aurait offert son siège à la victime en classe affaires de l’appareil et l’aurait invité à consommer un verre à l’escale de Singapour.
SYSTÈME AUTOCRATIQUE
Pollycarpus Priyantoon avait déjà été condamné, le 20 décembre 2005, à 14 ans de réclusion pour meurtre mais cette décision avait été annulée en 2006, de façon très controversée, par la Cour suprême. Le procureur avait fait appel. Les juges ont justifié l’aggravation de la peine par la présence de « nouveaux éléments ».
Si Suharto, déposé voici dix ans, n’est pas directement mêlé à cette affaire qui nourrit les débats publics sur l’instauration de l’Etat de droit en Indonésie, les vestiges de son système autocratique le sont dans les soupçons qui pèsent sur l’implication des services secrets dans ce meurtre.
Diverses révélations obtenues grâce à l’opiniâtreté de militants des droits de l’homme et de journalistes de plus en plus incisifs ont montré que l’Agence nationale de renseignement (BIN), un repaire d’agents anciennement inféodés au dictateur, pourrait avoir commandité l’assassinat.
Munir Thalib s’était fait connaître en dénonçant les violences perpétrées par l’armée indonésienne dans l’ancienne colonie portugaise du Timor-Oriental, annexée par Djakarta en 1976. Il avait fondé l’association Kontras, Commission des disparus et des victimes de la violence, qui s’efforçait d’ouvrir les dossiers des exécutions extrajudiciaires commises sous Suharto durant un règne brutal de 32 ans (1966-1998).
La veuve de Munir Thalib, Suciwati, a déclaré à l’Agence France-Presse que si l’ex-pilote de ligne avait eu « ce qu’il mérite, le plus important est de poursuivre les personnes (des milieux) du renseignement qui étaient derrière lui ».
Le jugement est d’autant plus remarqué qu’il est rendu alors que de nombreuses personnalités ont appelé à un pardon de fait, sinon de jure, à l’égard de l’ancien chef d’Etat, âgé de 86 ans, qui est hospitalisé dans un état semi-comateux depuis le 4 janvier. Les forces de sécurité qu’il commandait sont communément accusées de la mort de centaines de milliers de sympathisants communistes, d’Indonésiens de souche chinoise et d’indépendantistes dans plusieurs îles de l’archipel sous l’autorité de Suharto.