Introduction
*Difficulté du rapport : absence de discussion dans l’organisation [la LCR] et dans sa direction sur ces questions. Donc, cela relève des « figures libres ».
7 questions :
1) La démarche transitoire
2) Le Front unique
3) La grève générale
4) L’auto-organisation
5) La dualité de pouvoir
6) Démocratie et auto-organisation
7) Le gouvernement ouvrier ou gouvernement des
travailleurs
Et deux exemples :
1) Le Chili et les problèmes de conquête du pouvoir
2) Le Brésil et les questions de construction d’un parti des travailleurs.
Remarques sur l’histoire de nos débats sur les questions stratégiques
· Cette absence de discussion tient à l’histoire de ces débats dans la LCR et à un certain balancement :
a) Après mai 68 jusqu’à la fin des années 70 : intensité de ces débats à la chaleur des situations pré-révolutionnaires de l’Europe du Sud ; retour aux années 20 et pas
seulement Mai 68 comme une « répétition générale » à l’instar
de 1905/1917. Nous avons ainsi organisé des stages de cadres sur l’Allemagne,
l’Italie, l’Espagne, le Chili. Avec une analyse de la période
marquée par une nouvelle actualité conjoncturelle de la
révolution : thème de la « Révolution dans les 4/5 ans en Europe » ; lutte
armée en Amérique latine ; formule utilisée : « L’histoire nous mord la
nuque ».
b) Après le retournement de période de la fin des années 70, début des années 80, il y a un éloignement des perspectives révolutionnaires au sens de « situations prérévolutionnaires« ou »crises révolutionnaires ». Il n’ y a
plus de discussion sur ces questions, sauf quelques incursions
lors des stages de cadres des années 86/87 sur les
questions de la « crise » et de la stratégie ou de la
construction du parti en 1991, et ensuite quelques discussions
ici ou là.
Mais globalement, il n’y a pas eu de discussion
stratégique, et toute la discussion, par exemple du
« Manifeste » de l’année 92, fait l’impasse sur ces questions. Voir la différence entre le « Manifeste » de l’année 1992 et la discussion sur le « Manifeste » actuel, où on reprend,
même de manière modeste, quelques pistes stratégiques. Pistes indispensables, car nécessaires dans les débats avec une série de forces politiques, qui posent à leur manière les problèmes stratégiques, des Zapatistes (problèmes
de mobilisation, démocratie, et conquête du pouvoir) à
Chavez sur ce qu’est le socialisme en Amérique latine ; les
question du gouvernement et des institutions face aux PCs
en Europe ; les réponses aux questions que pose le mouvement
altermondialiste : un autre monde est possible ? D’accord mais lequel !
c) L’explication de cette non-discussion est liée à
l’éloignement des perspectives révolutionnaires et aux
rapports de forces mondiaux : il y a une série de contradictions
internes au capitalisme, des résistances sociales voire
même des situations de type pré-révolutionnaire en
Amérique latine, mais il faut aussi souligner que dans trois
des plus grands pays du monde (les USA, la Russie, la
Chine) il n’ y a même pas de mouvement ouvrier indépendant.
Cela pèse sur nos discussions.
d) Néanmoins cela justifie-t-il de faire de la stratégie
un point aveugle de nos réflexions, discussions, et d’un
cadre pour notre intervention ? Je ne le crois pas.
Pour deux raisons
LA PREMIERE RENVOIE A LA NOTION D’ACTUALITE DE LA REVOLUTION
* Il y a une longue période sans révolutions en Europe
capitaliste - il y a eu 23 ans entre la montée révolutionnaire
de 44-45, après la résistance, et Mai 68 - il y a déjà
37 ans entre 68 et nos jours. Mais ces délais remettent-ils
en cause ce que nous avons appelé « l’actualité de la révolution
» ?
Au sens conjoncturel, évidemment. Au sens historique,
comme résultant de la période ouverte par la révolution
russe, période qui s’est écoulée durant tout le cours du siècle jusqu’à la
fin des années 80 et au début des années 90 aussi. Mais lorsque l’on se replonge dans certains textes de Marx ou certains documents de Trotsky, après la période révolutionnaire des années 20, la question des perspectives révolutionnaires
est présentée de manière plus ample :
Rappelons ce passage de Marx dans les Grundrisse :
« A un certain stade de leur développement les forces
productives matérielles de la société entrent en contradiction
avec les rapports de production existants ou, ce qui
n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de
propriété au sein des quels elles s’étaient mues jusqu’à alors. Des formes de développement des forces productives
qu’ils étaient, ces rapports deviennent des entraves.
Alors s’ouvre une période de révolution sociale ».
* Ernest Mandel donne l’explication suivante dans ce passage
du Troisième age du capitalisme : « Lorsqu’on évoque l’époque des révolutions cela ne
signifie pas du tout qu’aucun développement ultérieur des
forces productives ne serait plus possible sans la chute de
ce mode de production, cela signifie seulement, que de ce
point de vue, les forces productives qui continuent à se
développer entrent en rébellion de plus en plus ouverte
avec le mode de production existant et concourent à sa
perte ».
L’horizon ou les perspectives révolutionnaires sont
liées au caractère réactionnaire du capitalisme, ses contradictions
internes, le coût social du système de propriété
capitaliste, l’écart entre les possibilités de développement
technologique, culturel, social de la société et les obstacles
dressés par la course au profit capitaliste.
C’est aussi pour cette raison, que l’époque de l’actualité
des révolutions ou du socialisme sont mis en relation
avec la phase impérialiste du capitalisme.
Et Mandel rejette tout catastrophisme qu’il met en rapport
avec les interprétations mécaniques de ces formules
de Marx, à la suite de la révolution d’octobre.
Ce que Trotsky, reprenant Lénine, allait développer
dans l’IC après Lénine en 1926 : « La bourgeoisie peut-elle s’assurer une nouvelle époque de croissance capitaliste ? Nier une telle possibilité,
compter sur une « situation sans issue » du capitalisme
serait simplement du verbalisme révolutionnaire »
* Et, il précise aussi qu’il faut mettre en rapport les
développements de l’économie capitaliste et les cycles de
la luttes de classes, " les reculs ou les défaites permettent
aussi de nouvelles phases de stabilisation ou de relance du
capitalisme » avec de profondes oscillations et changements
socio-économiques..
* Les « périodes de révolution sociale » résultent avant
tout « d’un temps marqué par les contradictions fondamentales
du Capital ». C’est pourquoi nos perspectives de
transformation révolutionnaire renvoient à ces contradictions
fondamentales plus qu’à l’existence ou non de situations
révolutionnaires, même si lorsque ces situations
explosent, il y a accélération des confrontations et donc
des impératifs stratégiques.
LA DEUXIEME RAISON RENVOIE A CE QU’EST LA STRATEGIE REVOLUTIONNAIRE
La question centrale de toute stratégie révolutionnaire
reste la conquête du pouvoir politique, mais si nous avons
abordé les questions stratégiques au travers de l’étude des
crises révolutionnaires -ce qui était correct- nous n’avons,
peut être éclairé ces questions stratégiques que par ces crises
révolutionnaires, voire par les modalités politico-militaires
de conquête de pouvoir, en particulier par l’étude
des divers modèles -insurrection, guerre prolongée- etc.
Entendons-nous bien, il était correct de travailler ces questions,
mais du coup nous n’avons plus occupé ce terrain de
réflexion. « Il n’ y avait plus de révolution en vue, alors à
quoi bon discuter stratégie ». Non, la discussion stratégique
est fonctionnelle au-delà de la crise révolutionnaire.
Elle est surtout fondamentale pour mettre en rapport le
lien entre l’intervention quotidienne et l’horizon révolutionnaire.
Nous devons tenir fermement les deux bouts de la
chaîne.
C’est ce que Léon Trotsky (LT) explique dans la critique du projet de
programme du VIe congrès de l’IC : « Avant la guerre, nous ne parlions que de la tactique du parti prolétarien, et cette conception correspondait
exactement aux méthodes parlementaires et syndicales qui
prédominaient alors et qui ne dépassaient pas le cadre des
revendications et des tâches courantes. La tactique se
limite à un problème particulier. La stratégie révolutionnaire
couvre tout un système combiné d’actions qui dans
leur liaison et leur succession, comme dans le développement
doivent amener le prolétariat à la conquête du pouvoir.
»
Un « système combiné d’actions » et la « conquête du
pouvoir ». C’est cette tension qui fait la stratégie révolutionnaire.
Nous ne travaillons pas assez ce « système combiné
d’actions » et son rapport aux questions gouvernementales.
Nous devons tenir les deux bouts de la chaîne : les
modalités concrètes de formation d’une conscience anticapitaliste,
d’une conscience socialiste à partir des expériences
clé de la lutte de classe et de l’autre une tension
permanente vers le but final, le programme et la stratégie
pour l’atteindre.
IL FAUT UNE REFLEXION D’ENSEMBLE
* Nous ne connaissons pas les formes des révolutions
du XXIe siècle, mais nous sommes toujours confrontés
à cette particularité de la révolution prolétarienne.
Comment de « rien » devenir « tout » ? Par quelles pratiques,
organisations, expériences modifier les rapports de
forces, conquérir des positions, profondément modifier la
conscience.
Sachant qu’à la différence des révolutions
bourgeoises où la bourgeoisie était devenue classe dominante
avant la révolution, le prolétariat ne peut devenir
classe dominante qu’après la conquête du pouvoir politique.
D’où la place stratégique centrale des moments où les
crises révolutionnaires modifient pour les travailleurs
durablement et le rapport de forces et la conscience.
Nous ne savons pas ce que seront les révolutions futures.
* Il peut y avoir quelques indications, comme celle
d’E. Mandel dans le Troisième Age du capitalisme :
« La typologie future des révolutions socialistes dans
les Etats fortement industrialisés se rapprochera vraisemblablement
plus de celles des crises révolutionnaires
d’Espagne des années 30, de France de 36 et 68, d’Italie
en 48 et 66-70, de Belgique en 60-61 que des crises d’effondrement
après la 1re guerre mondiale ». Avec une nouvelle
dimension des révolutions futures, ce sont les
connexions beaucoup plus fortes sur le plan continental et
international.
Les rapports entre un processus révolutionnaire
qui commence sur le terrain national et sa
projection sur l’arène mondiale sont beaucoup plus
forts. Le contenu international -du moins dans les pays
capitalistes avancés- des révolutions est plus marqué
en Europe. Cela pose la question d’une stratégie ou au
moins d’un programme européen. Cette dimension
régionale ou continentale est aussi posée par les esquisses
de projets de la « révolution bolivarienne » face aux
multinationales et à l’ ALCA dominée par l’impérialisme
américain.
* Deuxième indication donnée, à l’époque, par
Lénine : les fameuses « 4 conditions » qui caractérisent une crise révolutionnaire : ceux d’en haut ne peuvent plus, ceux d’en bas ne veulent plus, les couches ou classes du
milieu basculent du coté de ceux d’en bas, et il y a une direction révolutionnaire -au sens direction, parti, et conscience de la classe, ajouterions nous- pour conduire le
processus et il ajoutait, avec LT et les dirigeants de l’IC
dans les pays capitalistes d’Europe : « Il sera beaucoup
plus difficile de conquérir le pouvoir- par rapport à la
Russie- et plus facile de le garder ». Ce qu’il faut retenir,
c’est ce qui est difficile !
* Troisième indication, liée à l’histoire et à l’évolution
sociale et politique, nous travaillons pour des révolutions
« majoritaires » et « conscientes ».
Majoritaires ce qui implique des processus « révolutionnaires
démocratiques », donc avec fortes tensions
entre le chaos révolutionnaire et « les mécanismes de décisions
démocratiques » et des révolutions conscientes, donc
une rupture révolutionnaire qui est préparée par une série
de confrontations où les masses font l’expérience de la
supériorité -même partielle- des solutions socialistes par
rapport au capitalisme.
Mais ces indications sont limitées.
* Dans une discussion sur le programme de transition
avec les dirigeants du SWP américain en 1938, Léon Trotsky explique
qu’il y a trois conditions pour une nouvelle société :
a) que les forces productives soient suffisamment
développées et qu’elles entrent en contradiction avec les
Rapports de production -nous venons de le dévellopper
b) « une classe progressive suffisamment forte
socialement“ -le salariat.
c) « la troisième condition, c’est la conscience politique
».
Nous sommes confrontés a un problème sur les
deux dernières conditions.
De ce point de vue nous sommes confrontés à une double
difficulté, objective et subjective :
– objective, c’est la situation des travailleurs -au sens
large, ceux qui sont contraints de vendre leur force de travail-.
Il y a extension et différenciations internes, statutaires,
corporatives, de genre.
– deuxième difficulté, en rapport avec la première, mais
pas seulement, c’est le problème de la conscience de
classe, percutée par les nouvelles différenciations du salariat,
mais aussi par le bilan du siècle, les effets du stalinisme,
mais plus généralement le bilan des révolutions.
Il faut reconstruire de plus loin...
* La question à laquelle nous sommes confrontés
n’est pas seulement « la crise de direction », comme le
présentait Léon Trotski dans le Programme de transition, mais une crise d’ensemble de direction, d’organisation,
de conscience, d’où la nécessité de réorganiser,
reconstruire le mouvement ouvrier.
Il ne s’agit pas, comme dans les années 20 et 30, de
substituer à la direction réformiste, centriste, ou stalinienne,
une direction révolutionnaire.
Le facteur subjectif ne se réduit pas à la construction
d’une direction révolutionnaire, voire le parti révolutionnaire,
il y a des problèmes de conscience, d’expériences.
Toutes ces substitutions étaient possibles parce que
cela se faisait dans le cadre d’une même culture, un climat
marqué par la dynamique révolutionnaire.
Pas de modèle, quelques pistes et points de repère qui
s’appuient sur l’histoire, mais en sachant que bien de tous
ces débats sont frappés de relativité historique.
Aujourd’hui sans repartir de zéro, il faut reconstruire,
pratique, conscience et organisation, et le processus risque
d’être plus long.
1) La démarche transitoire
* C’est un point faible dans l’histoire de la LCR et du
mouvement ouvrier français. Peut être aussi liée à une
approche trop centrée sur les problèmes de la crise révolutionnaire.
Mais c’est le cadre pour le redéploiement du mouvement
ouvrier.
Elle intègre toute l’histoire stratégique du mouvement
ouvrier et permet son actualisation, sa modernisation.
Elle intègre les revendications immédiates -compatibles
avec la logique capitaliste- et revendications intermédiaires
– contradictoire avec cette logique ; formes de lutte
quotidienne-qui respectent la légalité bourgeoise et
actions de masses révolutionnaire qui transgressent la
légalité. Elle rejette la séparation entre programme minimum
et programme maximum. Une stratégie révolutionnaire
est simultanément stratégie d’usure et d’affrontement.
Elle comporte des périodes offensives et défensives,
des phases de repli et d’assaut, en fonction de la lutte de
classes.
Comment LT définit la problématique transitoire :
« Il faut aider les masses dans le processus de leur lutte quotidienne à trouver le pont entre leurs revendications
actuelles et le programme de révolution socialiste.
Ce pont doit consister en un système de revendications
transitoires partant des conditions actuelles et de la
conscience actuelle de larges couches de la classe
ouvrière et conduisant invariablement à une seule et
même conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat
» .
Tous les mots ont leur importance :
* « quotidienne » » revendications actuelles »,
« conscience actuelle », C’est le point de départ : les
revendications immédiates des classes populaires.
* « système de revendications transitoires » : revendications
ou système spécifique.
* « conquête du pouvoir politique »
* Les actions de masse ont en général pour objectif la
satisfaction immédiate des besoins, il est donc important
que la stratégie révolutionnaire lie à ces besoins des revendications
qui ne puissent être intégrées à l’ordre socioéconomique
capitaliste et déclenchent une dynamique
anti-capitaliste, qui conduise à l’épreuve de force entre les
deux classes déterminantes de la société. La conscience
des masses ne peut se développer dans un sens révolutionnaire
que ci celles-ci accumulent des expériences de lutte
qui ne se limitent pas aux revendications partielles réalisables
dans le cadre du système capitalistes. En général des
revendications qui partent de besoins immédiats et posent
la question du pouvoir ou de la propriété .
EXEMPLES
– La question de l’eau et du gaz dans une série de pays
d’Amérique latine, ou du pétrole au Venezuela, qui pose
la question de la souveraineté nationale, du contrôle et de
la souveraineté populaire.
– La question des occupations de terre dans les pays où
la question de la réforme agraire est centrale, par exemple
au Brésil. Possible dans le cadre du système mais
aujourd’hui - dans le cadre de l’économie capitaliste mondialiséee
– point de déséquilibre, point de rupture
– La remise en marche de certaines entreprises
condamnées à la faillite par leurs patrons -ce sont des
expériences partielles, mais elles indiquent qu’un autre
fonctionnement de l’économie est possible, qu’une gestion
ouvrière ou sociale est possible. Bien sûr, en général,
c’est lié à des expériences de crise sociale et politique : les
usines abandonnées ou fermées au Venezuela avec des
expériences de co-gestion ; l’usine de marbrerie à
Neuquen en Argentine et une série d’autres. Le problème
s’est posé de manière très limitée à Nestlé ou dans la
chaussure à Romans.
Des exemples plus directs dans notre intervention quotidienne
: toutes mesures réelles, sérieuses de redistribution
des richesses qui implique des réorganisations de
l’économie en fonction des besoins sociaux et non de
l’économie capitaliste.
– La question de l’interdiction des licenciements, sous
une forme de loi, qui remet en cause le pouvoir, l’arbitraire
patronal. Revendication immédiate mais qui implique
des incursions dans la propriété capitaliste
– La question des services publics où le refus des privatisations
impliquent une réorganisation de l’appropriation
publique de secteurs clé de l’économie.
Ces questions doivent avoir un prolongement européen,
notamment sur le plan de la formulation des revendications
: harmonisation par le haut des revendications,
extension des processus de mobilisation, rupture institutionnelle
et processus constituant, protection d’un processus
des conquêtes révolutionnaire.
Le point de départ de ces revendications se situe dans
le refus de la contre réforme libérale et de ses mesures.
Leur débouché et efficacité impliquent l’affrontement
avec les classes dominantes et le système capitaliste. Il y a
un lien organique entre anti-libéralisme et anticapitalisme.
Et quand on sépare anti-libéralisme de l’anticapitalisme,
alors on rabote même la perspective antilibérale, on l’autolimite,
parce que pour être anti-libéral conséquent il faut
s’attaquer à la propriété capitaliste et poser les problèmes
d’appropriation publique et sociale (Polémique Artous
– Coutrot dans la revue Critique Communiste).
* Derrière le système des revendications transitoires,
l’enjeu, c’est l’accumulation d’expériences sociales qui
déstabilisent le système, indiquent une organisation économique
et sociale, et montrent les capacités du salariat
dans cette perspective. Ce problème est aussi abordé par
Gramsci avec son « concept d’hégémonie politico-éthique
» que doit conquérir une classe opprimée au sein de la
société avant de pouvoir conquérir le pouvoir politique.
Conquête de l’hégémonie qui prépare le terrain de la
conquête du pouvoir et des affrontements centraux, pas
l’illusion d’une conquête de l’hégémonie qui fasse l’économie
de la rupture et de l’affrontement central avec les
classes dominantes. Bien entendu, tant que nous sommes
dans une situation normale, c’est de la propagande et des
expériences à portée limitée. Dans une situation d’accélération
sociale, cela s’intègre dans toute une période préparatoire
à la conquête du pouvoir politique.
2) Le front unique
La politique de front unique a une double dimension,
stratégique et tactique.
2.1 Stratégique, car si la révolution est un processus
majoritaire et « l’émancipation des travailleurs, l’œuvre
des travailleurs, eux-mêmes », les classes populaires doivent
surmonter leurs différenciations et divisions internes,
et rechercher leur unification sociale et politique.
Différenciations sociales liées à la place spécifique dans le
processus de production et plus généralement dans la vie
sociale, mais aussi divisions politiques liées à l’histoire du
mouvement ouvrier, à la cristallisation de courants et d’organisations.
* Trotski indique, d’ailleurs, les racines de la politique
de front unique dans ce passage sur l’Allemagne (La révolution
allemande et la bureaucratie stalinienne,1932) :
« Mais le prolétariat accède à la prise de conscience
révolutionnaire non par une démarche scolaire mais à travers
la lutte de classes qui ne souffre pas d’interruptions.
Pour lutter, le prolétariat a besoin de l’unité de ses rangs.
Cela est vrai aussi bien pour les conflits économiques partiels,
dans les murs d’une entreprise que pour des combats
politiques « nationaux » telle que la lutte contre le fascisme.
Par conséquent, la tactique de front unique n’est
pas quelque chose d’occasionnel et d’artificiel, ni une
manœuvre habile-, non elle découle complètement et
entièrement des conditions objectives du développement
du prolétariat ».
*Ainsi, loin de se réduire à telle ou telle manœuvre pour
démasquer les appareils, le front unique répond à l’objectif
stratégique suivant : unifier le prolétariat -la classe
ouvrière au sens large, ceux qui sont contraints de vendre
leur force de travail- au cours d’un processus révolutionnaire,
pour le transformer de classe dominée en classe
dominante de la société. Pour stimuler ce développement,
ce mouvement doit créer les conditions de « l’indépendance
de classe » des travailleurs vis-à-vis de la bourgeoisie,
et viser à l’auto-émancipation et l’auto-organisation
des classes populaires, condition fondamentale pour la
transformation révolutionnaire de la société. La dimension
stratégique du front unique, c’est la préparation de l’unité
révolutionnaire des travailleurs. Ainsi, pour créer les
conditions de cet objectif stratégique, les révolutionnaires
doivent préciser à chaque étape de la lutte de classes, le
contenu et les formes de l’unité des travailleurs et de leurs
organisations.
2.2 La politique de front unique est aussi une tactique
politique, qui dépend des objectifs généraux d’une
politique révolutionnaire.
D’abord, rappelons qu’une politique
révolutionnaire ne se réduit pas à la tactique de front
unique. Bien d’autres aspects liés à la lutte politique, la
définition des objectifs, la délimitation entre courants et
organisations, la construction d’organisation sont des
maillons indispensables de l’activité des révolutionnaires.
*Ensuite la tactique reste subordonnée à la stratégie :
« Le problème historique n’est pas d’unir mécaniquement
toutes les organisations qui subsistent des différentes
étapes de la lutte de classes mais de rassembler le prolétariat
dans la lutte et pour la lutte. Ce sont des problèmes
absolument différents, parfois même contradictoires »
(Trotski, Comment vaincre le fascisme ?).
Les formes et le contenu d’une tactique de Front unique
peuvent, effectivement, brusquement changer, notamment
en situation de crise.
* La question du front unique a un contenu :
« La campagne du front unique doit s’appuyer sur un
programme de transition bien élaboré, c’est à dire un système
de revendications transitoires-avec un gouvernement
ouvrier et paysan- qui doit assurer la transitions au socialisme
».
Cela ne nous conduit pas à faire de tout notre programme
un préalable à l’unité Mais cela doit nous mettre
en garde sur l’unité en soi, l’unité sans contenu.
* Dans la politique de rassemblement des travailleurs
pour la lutte, les conflits avec les réformistes peuvent
atteindre des points de rupture :
« Si les réformistes sabotent la lutte, contrecarrent les
dispositions de masse, nous nous réservons le droit de
soutenir l’action jusqu’à la fin, sans nos demi-alliés temporaires,
à titre d’organisation indépendante. Ce sont les
masses qui décident. A partir du moment où les masses se
séparent de la direction réformiste, les accords perdent
tout leur sens. Perpétuer le front unique signifierait ne pas
comprendre la dialectique de la lutte révolutionnaire et
transformer le front unique de tremplin en barrière. Pour
les marxistes, le front unique est seulement une des méthodes
de la lutte de classes. Dans ces conditions données, la
méthode est complètement inutilisable : il serait insensé
de vouloir construire un accord avec les réformistes pour
l’accomplissement de la révolution socialiste ».(Trotsky, Comment
vaincre le fascisme ?).
En effet, comme l’explique Daniel Bensaid, « Le front
unique a toujours un aspect tactique. Les organisations
réformistes ne le sont pas par confusion, inconséquence
ou manque de volonté. Elles expriment des cristallisations
sociales et matérielles. Les directions réformistes peuvent
donc être des alliés politiques tactiques pour contribuer à
unifier la classe. Mais elles demeurent stratégiquement
des ennemis en puissance. Le front unique vise donc à
créer les conditions permettant de rompre dans le meilleur
rapport de forces possible avec ces directions, au moment
de choix décisifs, et d’en détacher les plus larges masses
possibles. » (Crise et stratégie, 1986)
* Les conditions d’application dépendent, aussi, des
rapports de forces sociaux et politiques globaux, et en particulier
des rapports de forces au sein du mouvement
ouvrier. C’est un problème que Trotski pose, d’ailleurs,
dans la discussion avec les communistes français en 1922 :
« Si le Parti communiste ne représente qu’une minorité
insignifiante, son attitude à l’égard du front de classe n’a
pas une importance décisive. Le problème du front unique
ne se pose pas lorsque le PC, comme en Bulgarie, représente
la seule force politique. Mais là, où le PC constitue
une force politique sans avoir encore une valeur décisive,
là où il embrasse, soit le quart, soit le tiers de l’avant
garde prolétarienne, la question du front unique se pose
dans toute son acuité ». La question du front unique ne se
pose pas dans les mêmes termes, avant 68, après 68 ou
aujourd’hui avec l’évolution sociale libérale du mouvement
ouvrier, la crise des PCs et les nouveaux espaces
pour une politique anti-capitaliste.
3) La grève générale
* Une des questions clé pour notre orientation stratégique
et tactique consiste à créer les conditions pour l’intervention
directe des salariés, des classes populaires sur la
scène politique et sociale. Pour réaliser cet objectif, il y a
une figure centrale dans notre stratégie, celle de la grève
générale.
La grève générale apparaît comme l’hypothèse de renversement
du capitalisme dès la fin du XIXéme siècle.
D’abord, comme jaillissement de l’énergie ouvrière,
opposée par les anarchistes à la vielle tactique éprouvée de
la social-démocratie, tactique liée à la conquête graduelle
de positions parlementaires. Il s’agit pour les anarchistes
d’opposer le mouvement de masse extra-parlementaire à
la tactique parlementaire de la social-démocratie.
* Rosa Luxembourg reprendra la perspective de grève
générale, comme nouvelle forme d’émergence du mouvement
ouvrier : « La grève de masse, telle que nous la montre
la révolution russe, n’est pas un moyen ingénieux
inventé pour donner plus de force à la lutte prolétarienne.
Elle est le mode du mouvement de la masse prolétarienne,
la forme de la lutte prolétarienne dans la révolution ».
Depuis, l’hypothèse stratégique de la grève générale
active - « grève générale révolutionnaire » disaient nos
camarades espagnols dans les années 70- est la variante la
plus probable du déchaînement des masses contre l’ordre
établi.
* La grève générale a plusieurs dimensions : ce n’est
pas une « grosse journée d’action », elle est le cadre d’un
mouvement politique de la classe ouvrière, elle permet son
expression indépendante, elle a ses organisations -les
comités de grève ou le comité central de grève-, elle a une
fonctionnalité dans l’affrontement avec l’Etat -la paralysie de l’économie, des axes de circulation stratégique-, elle
crée le cadre d’une remise en marche de la production...
C’est dans les métropoles capitalistes, à forte composition
du salariat, la forme par excellence de l’intervention
directe de la classe ouvrière.
* On peut lui ajouter la succession de grandes manifestations
de masse qui paralysent un pays, mais le problème
c’est de trouver les formes qui expriment la force du mouvement
de masse, sa radicalité et son efficacité pour paralyser
l’Etat bourgeois..
Mais la « grève générale » seule ne résout pas en soi la
question d’une stratégie de conquête du pouvoir. « Elle
pose la question du pouvoir, elle ne le résout pas » dira
Lénine. Pour cela, il faut l’accompagner, de formes d’organisation
et d’une perspective de pouvoir gouvernemental.
4) L’auto-organisation
* Dans la reconstruction d’une pratique auto-émacipatrice,
l’auto-organisation a aussi un caractère stratégique.
Ces structures peuvent apparaître lors d’une lutte ou
d’une grève sous la forme de comités de lutte ou de comités
de grèves élus par les assemblées générales.
Dans toutes les périodes de type pré-révolutionnaires
ou révolutionnaires apparaissent ce type de structure.
Elles émergent, en général, à partir de problèmes
concrets ou dans des situations où le peuple tente de se
doter de nouveaux instruments pour prendre en
charge l’organisation de la vie dans l’entreprise ou
dans la cité.
* Elles ont toute une série d’appellations :
« Soviets » ou « comités d’usine » en Russie, « commissions
internes » en Italie, élections de délégués d’entreprise
en Allemagne, Comités et milices en Espagne,
commissions de travailleurs, shops stewards en
Angleterre, Jap (juntes d’approvisionnement) commandos
communaux, cordons industriels (union locale des syndicats
de la CUT), commissions de travailleurs, de moradores
au Portugal. Elles peuvent aussi démarrer à partir de
formes ou d’institutions légales prévues après les institutions
en place : élections de délégués, mise en place de
structures d’approvisionnement.
Bref, le point de départ et les formes de l’autoorganisation
peuvent être multiples et donc, pas d’approche
formelle. Ce qui compte, c’est le mouvement pratique.
Attention de ne pas opposer la vraie auto-organisation
virtuelle, le « vrai comité de grève », le « vrai
conseil » qui n’existe pas, à des formes plus hybrides, des
formes qui ne sont pas de l’auto-organisation chimiquement
pure, mais qui existent vraiment !!
* Mais il y a nécessité de mettre en place des mécanismes
de représentation les plus directes du mouvement
de masses. Au début, cela peut prendre une forme
combinée, un front unique des organisations ouvrières,
mais, dans le feu de la lutte, il faut des structures qui représentent
le plus fidèlement possible la réalité du mouvement
de masse. De ce point de vue, si A. NIN, dirigeant du
POUM en Espagne, a raison de mettre en avant
l’« Alliance ouvrière », dans les années 34-36, à cette
étape, comme forme du front unique ouvrier, il a tort de
vouloir remplacer les milices ou comités produit de l’insurrection
de juillet 36 par le front unique des organisations
où l’aile marchante de la révolution redevient en
position subordonnée, et là, c’est un retour en arrière.
* Un des problèmes auquel on peut être confronté
dans la situation actuelle, c’est l’éclatement, et la division
de ce type de structures : cela a été un problème
majeur en Argentine entre « les association ou comités de
vecinos » et « le mouvement piquetero », les rapports
entre syndicats et « piqueteros » -plus de 2336 barrages au
point le plus fort en 2002, plusieurs centaines de milliers
de personnes engagées- ou les divisions entre partis.
Chaque parti a son mouvement de masse. C’est
aujourd’hui un problème clé en Bolivie, entre la COB, les
assemblées de Lo Alto, les mouvements indigènes.
Lié au problème de l’unité, il y a les problèmes de centralisation
: lorsqu’il y a division, fragmentation, corporatifs
ou sociaux, il ne peut y avoir de centralisation..
Derrière, il y a un problème clé à toutes ces expériences,
c’est leur explosivité sociale, mais leur déficit de
conscience pour une transformation radicale de la société,
et les problèmes d’organisation et de direction.
Le problème, c’est la mobilisation de masse, leur
représentativité, le contenu de ces structures, leur coordination
et centralisation.
* Cela condamne-t-il ces structures à n’être que des
structures de mobilisation de masse mais incapable de
prendre le pouvoir et de réorganiser la société ?
Déjà, les austro-marxistes, au delà d’une série de positions
– comités au pouvoir économique, commission de
socialisation pour les institutionnaliser- voulaient les reléguer
à des structures « socio-économiques » tout en laissant
le pouvoir à une assemblée nationale parlementaire.
Salesse reprend à sa manière cette position en expliquant
que « les formes d’auto-organisation devront trouver
leur place, sans être institutionnalisées, mais surtout
sans prendre le pouvoir ».
Les limites d’une situation révolutionnaire et les faiblesses
d’organisation et de direction n’ont pas permis
– sauf en Russie, avec les limites que l’on connaît- des phases
durables de pouvoir d’auto-organisation. Mais, dans
toutes les crises révolutionnaires de nouvelles structures
apparaissent qui donnent des premières formes à l’autoémancipation.
Notre rôle doit être de pousser à les créer,
de les centraliser comme forme de la représentation
populaire.
5) Dualité de pouvoirs
* Lorsque ce processus s’approfondit, le développement
de structures d’auto-organisation, crée de nouvelles
légitimités contre l’appareil d’Etat central : comités, mais
aussi structures communales ou locales du types « municipalités
rouges » ou « zones libérées », tout un processus
de confrontation et de dualité de pouvoirs se développe .
Comme lors de la « Commune de Paris », où la vieille
commune sera régénérée avec la sève de l’explosion
populaire qui la constituera en organe du pouvoir populaire.
Comme au Chili avec les commandos communaux
et les cordons industriels qui constitueront des embryons
de dualité de pouvoir. Et là, il y a une question capitale qui
se pose : les nouvelles structures doivent être plus efficaces
dans l’organisation de la lutte, mais aussi dans la solution
de problèmes quotidiens, plus démocratiques, plus
représentatives. Elles doivent démontrer leur supériorité.
* Et c’est là que se pose le problème de l’Etat, de sa
destruction. En se généralisant, ce processus se heurte au
droit de propriété, aux institutions et à l’Etat capitaliste.
« Le droit à l’existence prend le pas sur le droit à la propriété
» (Convention de 1793), la démocratie des nouvelles
structures représentant le peuple -assemblées d’usines
ou de communes- prennent le pas sur les anciennes structures.
Il y a, à ce moment, contradiction et lutte entre l’ancien
et le nouveau.
– Depuis l’expérience de la commune de Paris, qui fait
évoluer Marx sur la question de l’Etat, il ne s’agit plus
de le transformer mais de le briser.
– Les leçons de toutes les expériences révolutionnaires
socialistes ou nationalistes révolutionnaires -quelque
soient leurs limites- confirment la nécessité de détruire
l’appareil de répression des classes dominantes. Et nous
entendons dans ce sens, le noyau dur de l’Etat -armée,
police, justice, appareil administratif central.
– Dans une telle situation, comme le montre l’histoire,
ce processus déclenche l’opposition et la répression des
classes dominantes. Il y a alors des moments stratégiques
où les forces fondamentales en lutte s’entrechoquent, s’affrontent,
se déchirent. Ce sont les moments de crise révolutionnaire,
où se noue l’affrontement de classes, où les
choses basculent, où tout se joue. Il faut préparer ce ou ces
moments là. Ce sont des moments exceptionnels où il faut
concentrer les forces du mouvement d’en bas contre l’appareil
d’Etat d’en haut, des moments où la question du
pouvoir se pose, où une ou des dualités de pouvoirs doivent
se dénouer d’un coté ou de l’autre.
* L’objectif, alors, est de défendre le processus révolutionnaire.
Nous ne sommes pas putschistes, -”l’émancipation
des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs euxmêmes”-
mais nous ne sommes pas naïfs. Mais cela implique
de préparer les classes populaires à la confrontation
avec l’appareil de répression.
* De l’histoire de ce siècle, et des quelques révolutions,
on retiendra donc l’importance de tout le processus préparatoire,
mais le caractère décisif de la crise révolutionnaire,
du « moment » ou des « moments » où tout se joue,
où certaines heures détermineront le cours d’une histoire
pendant plusieurs décennies.
La question clé reste le pouvoir politique. Première
spécificité de la révolution prolétarienne, les travailleurs
ne peuvent instaurer de nouvelles relations sociales, ne
peuvent conquérir durablement des positions sans changement
de toute la structure sociale et politique. Les contre
pouvoirs sont utiles. La lutte pour les réformes est indispensable.
Des expériences partielles de contrôle, d’autogestion
dans les entreprises ou dans des communes sont
décisives, mais pas assez fortes pour commencer un processus
de transformation des rapports sociaux. Il faut
conquérir le pouvoir.
* D’où les débats avec Holloway, et tous les courants
dans l’altermondialisation qui évoque la possibilité de
changer le monde sans prendre le pouvoir. Holloway,
surtout, car il semble que les zapatistes évoluent sur cette
question et ne font plus de nécessité vertu, en expliquant
que leur lutte ne doit pas avoir de débouché politique.
En effet, dans toute l’histoire des luttes sociales, nombre
de réformes, de nouveaux droits, de conquêtes sociales
ont été obtenues sous la pression de rapports de forces
et de mobilisations sociales, sans prendre le pouvoir.
Les révolutionnaires sont partisans de toutes les réformes
qui améliorent les conditions de vie et de travail de la
population. Ils sont attentifs ou partie prenante de toutes
les expériences qui desserrent l’étau de la domination
capitaliste. Ces mouvements sont décisifs, mais ils ne suffisent
pas, ni pour consolider les gains acquis sur le long
terme -les classes dominantes reprennent souvent d’une
main ce qu’elles ont concédé de l’autre- ni pour changer
de logique fondamentale et substituer une logique des
besoins sociaux à celle du profit.
Dans la construction d’une alternative, ces expériences
peuvent s’avérer des points d’appui indispensables, mais,
là aussi, leurs accumulations graduelles ne peuvent suffire
pour bouleverser les données fondamentales de la société.
Elles se heurtent au pouvoir central.
Pour empêcher des modifications structurelles de la
société, les classes dominantes opèrent un double verrouillage
central de l’Etat et de la propriété capitaliste. La
guerre en Irak, montre, d‘ailleurs, une nouvelle fois, le
rôle clé des Etats, et précisément de l’impérialisme américain,
comme le pouvoir des multinationales démontre
l’importance de la propriété des capitaux et des grands
moyens de production dans l’économie mondiale. Le pouvoir
économique, militaire paraît plus disséminé que
jamais, mais il est aussi plus concentré que jamais.
Pour ouvrir la voie au changement, il faut opérer ce
double déverrouillage : l’Etat et la propriété. Sans une
mobilisation sociale révolutionnaire qui brise la colonne
vertébrale de la domination capitaliste - l’Etat - et qui
substitue à la propriété capitaliste l’appropriation publique
et sociale, les mécanismes de production et de reproduction
du capital continuent à dominer.
6) Auto-organisation, démocratie
* Les rapports entre les institutions parlementaires, les
assemblées constituantes et le pouvoir des structures
d’auto-organisation constitue un des problèmes clé d’une
stratégie révolutionnaire, surtout dans les métropoles
impérialistes.
L’axe, c’est l’auto-organisation, l’émergence, la structuration
et la centralisation des structures de démocratie
directe, au sens large, pas seulement les « conseils
d’usine » au sens « opéraiste » -c’est à dire une démocratie
réduite au pouvoir des conseils d’entreprise ou dans
l’entreprise- mais l’auto-gestion sociale et politique
constituée en pouvoir politique. Le document adopté par
le XIe congrès de la IVe Internationale élargit la
notion de pouvoir aux travailleurs ou de démocratie socialiste
aux organismes de pouvoirs au-delà des entreprises :
les communes, les écoles, les mouvements sociaux, voire
une représentation des minorités nationales sur un certain
champ de compétences.
Il faut distinguer, même si c’est complexe, les situation
d’avant, pendant et après.
* Avant, lorsque la situation n’ a pas encore mis à l’ordre
du jour le pouvoir des comités, il y a alors place pour
une logique de démocratie radicale appuyée sur des propositions
de transformation des assemblées parlementaires
: assemblée constituante unique, champ de compétences,
proportionnelle, contrôle des élus, création de structure
de démocratie directe, subsidiarité du local à l’échelle
européenne dans le cadre de processus constituant.
Bref, la généralisation d’une démocratie radicale - cf.
programme d’action de Léon Trotski pour la France de
1934- où à partir d’une transformation radicale de l’assemblée,
il ouvre la perspective de création de nouvelles
structures pour un nouveau pouvoir.
Ce processus constituant doit être utilisé pour stimuler
un nouveau pouvoir de démocratie directe. Mais dans une
situation révolutionnaire, l’efficacité démocratique de
l’auto-organisation se heurte à l’appareil d’Etat.
* Pendant, divers cas de figure se sont déjà présentés :
soit l’assemblée constituante est emportée dans le tourbillon
révolutionnaire et transmet ses pouvoirs aux nouvelles
structures révolutionnaires, ou se met en veilleuse, soit
elle s’oppose et là il y a conflit. N’oublions que dans une
série de crises révolutionnaires, Allemagne en 18-19 ou au
Portugal en 74-75, les « assemblées constituantes » ont
servi d’instrument contre-révolutionnaire. L’objectif, tout
en respectant les progressions des niveaux de conscience
de la masse des travailleurs, c’est de combattre les illusions
sur les structures parlementaires, de prouver la supériorité
démocratique des structures d’auto-organisation, de
tout faire pour donner le pouvoir aux structures d’autoorganisation.
Et se préparer à la confrontation avec la
vielle machine d’Etat.
* Autre chose est après la prise du pouvoir, la possibilité
de plusieurs assemblées élues au suffrage universel,
des assemblées territoriales et des assemblées issues
d’élections dans les entreprises, même des assemblées
représentant des minorités nationales. Assemblées qui
auront le pouvoir, assemblées élues au suffrage universel.
Cette combinaison a été tentée de manière éphémère sous
la commune de Paris. C’est la position de Rosa
Luxembourg sur la dissolution de la Constituante en
Russie. Elle se prononce pour la dissolution d’une AC qui
ne correspond plus à l’Etat réel du pays, mais elle
demande une nouvelle Constituante, c’est à dire, à coté du
pouvoir des soviets, une assemblée élue au suffrage universel
:
« Sans élections générales, sans une liberté de presse
et de réunion illimitée, sans une lutte d’opinion libre, la
vie s’étiole dans toutes les institutions publiques, végète et
la bureaucratie demeure le seul élément actif ».
Lorsqu’il y a conflit, c’est au peuple que le dernier mot
revient.
7) Gouvernement ouvrier ou des travailleurs
* La revendication du « gouvernement ouvrier » ou
« gouvernement des travailleurs » ou des « classes populaires
» est un mot d’ordre transitoire, dans une situation
révolutionnaire, les années 20, les formules autour du programme
de transition, lorsque LT envisageait la 2e
guerre mondiale comme la répétition de la 1re. Et en général,
ces questions prennent une grande importance dans
des situations de crise sociale et politique aigues. Les
débats que nous avons sur la ou les formules de gouvernements
sont souvent, pour le moins éloignées de ce
contexte
* Pour rappeler toutes les formules d’agitation concrète
qui reprennent le programme d’un gouvernement
ouvrier ou des travailleurs, il y a une série de revendications
immédiates, mais aussi, en général, le contrôle
ouvrier, l’expropriation des capitalistes et surtout l’armement
du prolétariat.
Ce qui pose un problème sur toutes les formules présentant
« le gouvernement ouvrier comme le couronnement
d’une politique de front unique » . Dans une situation
où les questions du pouvoir sont posées dans une
situation révolutionnaire ou dans des situations de crise
aigue ou de montée du mouvement de masse, il y a une
cohérence interne entre le programme du front unique et
du gouvernement. Mais dans des situations non révolutionnaires,
nous pouvons réaliser le front unique sur une
série de questions immédiates. Mais nous voyons bien
qu’il n’est pas possible de faire un gouvernement de rupture
avec la bourgeoisie avec les forces qui sont parties
intégrantes du front unique. La question de gouvernement
de rupture avec la bourgeoisie s’est toujours posée dans le
cadre de coalition avec des forces révolutionnaires, réformistes
de gauche, centristes ou nationalistes révolutionnaires,
appuyé sur la mobilisation de masse ou des organisations
ou comité populaires, et dans le cadre de situation
pré-révolutionnaire ou révolutionnaire ou de crise aigue,
pas dans le cadre de gouvernements dominés par les partis
réformistes et appuyés sur les institutions parlementaires.
* Dans de nombreux documents, notamment sur
l’Allemagne ou la France en 1922, LT parle de « début
parlementaire de la révolution prolétarienne ».
Mais toutes ces expériences, même si elles peuvent
avoir comme point de départ une majorité parlementaire,
doivent très vite trouver comme centre de gravité les organismes
de dualité de pouvoir, sinon ces gouvernements
s’enlisent ou deviennent les otages des institutions bourgeoises.
C’est ce que LT a dénoncé comme « l’interprétation
parlementaire » du gouvernement ouvrier.
Cf expérience de Saxe Thuringe, où les décisions
dépendaient du gouvernement du Land et pas d’un conseil
des comités mais aussi en Catalogne en juillet et septembre
36, où le POUM accepta la dissolution du comité central
des milices pour entrer dans le gouvernement de la
Généralitat catalane.
* Le gouvernement ouvrier est une formule transitoire
de gouvernement, dans une situation de crise où les institutions
du vieil appareil d’Etat ne sont pas encore détruites.
Ce n’est pas encore le pouvoir des organismes populaires
ou de la « dictature du prolétariat », mais ce n’est
plus le fonctionnement normal des institutions bourgeoises.
Ce n’est donc pas le synonyme de la dictature du
prolétariat. C’est une possibilité de gouvernement
intermédiaire. Mais de gouvernement intermédiaire dans
des situations de crise aigue et de gouvernement appuyé
sur la mobilisation de masse. C’est dans ces moments-là
que le gouvernement des travailleurs est un mot d’ordre de
« politique actuelle » liée à des revendications d’agitation
qui font le pont entre la mobilisation quotidienne et la
prise du pouvoir. C’est dans ces moments-là que la question
d’un gouvernement des travailleurs est un mot d’ordre
d’agitation, composé arithmétiquement par une coalition
en général dominée par des partis qui cherchent la
rupture avec la bourgeoisie et ses institutions -des forces
d’origine diverses qui ont rompu avec les appareils réformistes
alliées à des forces révolutionnaires, qui elles
mêmes peuvent être plurielles.
Ainsi, dans des périodes de « stabilisation » -sans crise
sociale et politique-, la question d’une perspective gouvernementale
reste un mot d’ordre de propagande générale,
« une formule algébrique », un gouvernement défini par
ses tâches : « Si nous sommes au gouvernement voilà ce
que nous faisons » !, mais pas un mot d’ordre avec des
concrétisations en termes d’agitation immédiate ou de forces
définies.
* Il peut y avoir des cas spécifiques, dans les pays en
voie de développement, des gouvernements nationalistes
révolutionnaires qui rompent avec l’impérialisme, même
si c’est une rupture partielle. C’est le cas de Chavez. Léon
Trotski a donné quelques indications sur le gouvernement
Lazaro Cardénas au Mexique dans les années 30 ou
l’APRA au Pérou. Ces gouvernements qui s’opposent à
l’impérialisme doivent être soutenus, tout en gardant notre
indépendance, contre l’impérialisme. Indépendance, car il
y a bataille politique, lutte dans le camp « anti-impérialiste
» entre révolutionnaires, réformistes, nationalistes,
etc... Lutte politique, mais soutien à un processus. Nous
jugeons les mesures prises pour les classes populaires et
les initiatives d’action et de mobilisation. D’où, par exemple,
un soutien à ce qu’on appelle processus de révolution
bolivarienne.
Nos positions doivent, en général combiner :
a) l’indépendance vis à vis des gouvernements qui
gèrent les institutions et l’économie capitaliste ,
b) le refus de participer à tout gouvernement qui
gère les institutions ou l’économie capitaliste,
c) une position déterminée par le cours du gouvernement
en question -de l’opposition frontale-
d) l’effort sur le développement du mouvement de
masses indépendant.
e) une propagande ou une agitation, cela dépend des
moments -lien à la crise- pour un gouvernement des
travailleurs.
Le Chili des années 70-73
C’est peut être une des expériences révolutionnaires
qui étaient le plus près du but dans un des pays clé
d’Amérique latine dans les années 70. C’est aussi pour
cette raison que la répression fut si brutale.
En effet, la victoire électorale de Salvador Allende et
du gouvernement de l’Unité populaire, le 4 septembre
1970, va ouvrir une nouvelle période historique pour le
Chili. Résultant d’une montée des mouvement de masses
dès les années 66-67, cette victoire électorale des partis
ouvriers va provoquer une acuité des contradictions de
classes sans précédent, qui se dénoueront, malheureusement
pour le peuple chilien, par le coup d’Etat de
Pinochet.
L’unité populaire sous la direction de Salvador Allende
était composée de plusieurs formations de gauche. Le parti
socialiste chilien constituait un parti socialiste d’un type
particulier qui était à l’époque dirigé par des tendances de
gauche et se réclamait d’une politique de « front des travailleurs
». Le parti communiste -un des partis les plus staliniens
d’Amérique latine- incarnait au gouvernement la
pointe avancée de la politique légaliste de l’Unité populaire
vis-à-vis des institutions et des forces armées chiliennes.
L’Unité Populaire comprenait enfin deux autres partis
issus de la gauche chrétienne, le MAPU et la gauche chrétienne.
Mais au-delà de la politique de la direction de ces partis,
l’Unité Populaire représentait une base sociale populaire
majoritaire qui allait polariser la société chilienne.
Après de premières hésitations de secteurs de la
Démocratie Chrétienne, l’ensemble des forces bourgeoises,
vont se déchaîner contre le nouveau pouvoir, et surtout
contre le processus de mobilisation et d’organisation
des travailleurs. En effet, considérant le gouvernement
d’Unité Populaire, comme « leur gouvernement », les
ouvriers et les paysans vont progressivement vouloir
contrôler et gérer leurs entreprises, occuper leurs terres,
bref prendre en charge la marche de l’économie et de la
société. Les ouvriers exigeront l’extension du champ des
nationalisations, et leur contrôle. Les paysans s’engageront
dans un mouvement d’occupation des terres. Ce processus
d’auto, organisation s’approfondira d’autant que la
droite et le patronat multiplieront les sabotages, dans l’administration,
dans les transports, dans l’approvisionnement
des classes populaires. Des juntes d’approvisionnements
(JAP), des coordinations de « commandos communaux
» dans les poblaciones, de syndicats de la CUT au
travers des « cordones industriales » vont se développer.
Les affrontements de classes déboucheront sur un processus
de dualité de pouvoir, entre les travailleurs, leurs organisations
et d’un autre côté la droite et le patronat. Dans
cette confrontation, la politique des directions de l’Unité
Populaire, surtout du Parti Communiste aura été de freiner
ce mouvement, de s’y opposer dans certains cas, pour le
canaliser dans un cadre « constitutionaliste », c’est-à-dire
dans le cadre de la légalité dictée par les classes dominantes
et l’armée. C’est Allende qui intégra des représentants
des forces armées au sein du gouvernement, dès Octobre
1972, et qui, appela Pinochet au gouvernement, le nommant
même, en Juillet 1973-deux mois avant le coup- responsable
des « relations entre la CUT et les forces armées
!! C’est Luis Corvalan, secrétaire général du parti communiste
chilien qui déclarait, en octobre 1972 : "Il ne fait
aucun doute que le cabinet au sein duquel sont représentées
les trois branches des forces armées constitue une
digue contre la sédition » !!
Le MIR, à sa manière, s’opposa
à cette orientation réformiste, en luttant pied à pied
contre les concessions puis les capitulations des directions
de l’Unité populaire face aux forces armées.
Il dénonça toutes les politiques d’alliances avec la
bourgeoisie et les militaires. Il participa et stimula tous les
processus d’auto organisation, joua un rôle clé dans le
développement des « commandos communaux”. Il eut une
responsabilité décisive, dans la naissance de l’assemblée
populaire de Concepcion, en Juillet 1972 : « Tous à l’assemblée
du peuple pour dénoncer le caractère contre-révolutionnaire
du Parlement », tel était l’axe d’un appel au
front unique que signa l’ensemble des organisations sociales
et politiques de gauche.
À la différence du Parti Communiste chilien, le MIR
aura défendu la nécessité d’une alternative politique au
réformisme. Le MIR était une organisation dont la volonté
et la sincérité révolutionnaires ne font pas de doute. Des
milliers de militants révolutionnaires dans le monde, dont
ceux de la LCR des années 70 se sont identifiés aux couleurs
rouges et noires du MIR. Mais ces références doivent
aussi s’accompagner, aujourd’hui, d’un bilan critique sur
les hésitations, faiblesses ou erreurs stratégiques de la
direction miriste.
Moulée dans les conceptions stratégiques de « guerre
prolongée », la direction du MIR est intervenue dans le
processus révolutionnaire, plus pour accumuler des forces
dans la perspective de la « guerre de demain ou d’aprèsdemain
» que dans le dénouement d’une crise révolutionnaire
résultant de la dualité de pouvoir des années 72 et
73.
Du coup, la direction du MIR, a sous estime les délimitations
nécessaires face au gouvernement de l’UP. Son
rôle a surtout été celui d’une force de pression sur le gouvernement.
Alors que le mouvement des masses considérait
que ce gouvernement, surtout après l’entrée des militaires,
en octobre 72, était « de moins en moins leur gouvernement
et de plus en plus un gouvernement de merdes
», le MIR estimait toujours qu’on pouvait « gauchir » la
politique de l’UP. Du coup, tout en jouant un rôle exemplaire
dans les mobilisations contre la droite et les fascistes,
le MIR ne s’orienta pas suffisamment sur la préparation
de grèves générales en vue de paralyser le pays face
aux putschistes.
De même, les militants du MIR eurent
une place décisive dans l’émergence d’organismes de double
pouvoir, mais les initiatives de centralisation de la dualité
de pouvoir manquèrent dans l’affrontement qui se préparait.
Ainsi face à l’appareil de la CUT, contrôlé par le
PC chilien, qui voulait cantonner les « cordones industriales
» comme structure de coordination syndicale le MIR
refusa « le parallélisme » des « cordones », c’est-à-dire
leur transformation en coordination élue des assemblées
de travailleurs.
Ne se situant pas dans une perspective de pouvoir liée
à la conjoncture révolutionnaire des années 70-73, le MIR
n’a pas défendu une perspective de gouvernement des
ouvriers et des paysans, appuyée sur les comités - cordones,
juntas, assemblées-. Il aurait pu, dans la continuité de
l’expérience de l’ »Assemblée de Concepcion », s’adresser
aux partis de l’unité populaire, pour qu’ils rompent
avec les forces armées et un Parlement dominé par la
droite de la démocratie chrétienne et, prennent le pouvoir
en coordonnant les structures d’auto organisation et de
mobilisation populaire. Mais là encore, de quelle légitimité
institutionnelle, un gouvernement de « l’UP sans les
militaires » avec le soutien du MIR pouvait-il se revendiquer
? D’une assemblée nationale dominée par la démocratie
chrétienne ? Sûrement pas. Il n’y avait pas d’autre
voie que de s’appuyer sur les structures d’auto organisation.
L’explosivité de la situation, l’ampleur de la mobilisation
populaire, la radicalisation de secteurs significatifs
de la gauche -au sein du PS, de la gauche chrétienne, des
bases du Parti communiste, et la force du MIR pouvaient
traduire cette politique en force matérielle. Peut-être le
moment le plus favorable pour déployer cette politique
aura été, après le « Tankazo », premier coup d’Etat avorté
des militaires en juin 1973 . Il y a eu un moment favorable,
qui en tout cas, n’a pas été exploité à fond.
Enfin, sur le plan militaire, si le MIR fut l’organisation
qui prit le plus d’initiatives, de la protection de mobilisations
à celle de Salvador Allende, l’activité militaire principale
du MIR n’était pas orientée sur l’autodéfense des
mouvement de masses, sur des initiatives préparant une
insurrection populaire ou à un travail de droits démocratiques
et de subversion dans l’institution militaire -le MIR
commença un travail dans l’armée durant les dernières
semaines avant le coup-, - elle était tournée vers les activités
militaires de parti, ses patrouilles, ses casernes, son
armement. Accumulation de forces qui visait à préparer
les prochaines étapes de la « guerre prolongée ». Rien ne
permet, bien sûr, d’affirmer qu’une autre stratégie aurait
évité la défaite
Résumé et questions en 8 points
1) Pourquoi, le CHILI : parce qu’en termes de mobilisation,
de conscience, d’affrontement avec le pouvoir
d’Etat, c’est une des expériences les plus avancées dans un
pays dépendant, mais proche des pays capitalistes avancés,
en tout cas avec des classes dominantes et un mouvement
ouvrier organisé à « l’Européenne ».
2) La crise chilienne est d’abord le produit d’une
montée du mouvement de masse à partir des années 60.
3) La réponse et la résultante de cette montée, c’est
l’Unité populaire : PS - parti centriste-, PC, un des plus
staliniens et MAPU et gauche chrétienne. Cette coalition
définit un programme réformiste, mais dans le cadre du
respect des institutions, et en particulier l’armée.
4) Il y a une victoire électorale, victoire qui va stimuler
et approfondir la mobilisation de masse.
5) Cela traduira une polarisation :
a) droite / Extrême droite / armée / patronat en
particulier les camionneurs
b) Mouvement de masses, 255 nationalisations +
réforme agraire : exigences nationalisation, contrôle des
entreprises, Jap lors de la crise des camionneurs, commandos
communaux, cordons industriels ;
6) La politique du gouvernement d’Unité populaire
sera d’osciller entre l’application de son programme et le
respect de l’institutionnalisation, et l’accord avec les forces
armées : gouvernement de coalition avec les forces
armées en octobre 1972. Le secrétaire général du PCC
Luis Corvalan déclare que « Ce gouvernement, avec les
trois branches des forces armées, est une digue contre la
sédition ». Pinochet responsable des relations CUT-Forces
armées. !
7) Dans ce cadre, il y aura trois phases de développement
du mouvement de masses, et c’est un peu, un cas
d’école , même si c’est schématique :
a) une montée du mouvement de masse ou celles ci considèrent le gouvernement de l’UP comme leur gouvernement.
b) Une deuxième, lorsqu’elle considère que leur gouvernement, « c’est de la merde mais c’est notre gouvernement ».
c) Et une troisième phase où tout en ne s’opposant
pas frontalement avec le gouvernement, les masses prennent
l’initiative du débordement, automne/hiver 73. A partir
de mars, où les masses, souvent avec ces militants du
MIR, du PS, de la gauche chrétienne, occupent les terres,
coordonnent les entreprises, constituent leurs commandos,
le gouvernement est débordé, il y a un premier coup qui
échappe en juin 73 : le « tankazo » Et c’est là le pic de la
montée des mobilisations de 70 à 73, le moment favorable,
la gauche le laisse passer, et en septembre 73, il y a le coup
d’Etat.
8) Dans cette situation, il y avait une organisation
révolutionnaire, avec laquelle nous -la LCR et la IVe
internationale- avons eu des liens de solidarité et de sym-
pathie politique forte, une organisation liée à la tradition
castro-guévariste, le MIR. Une organisation qui a combattu
le capitalisme chilien et l’impérialisme, de manière
héroique.
a) Les point forts, c’est l’impulsion de mobilisation
de masses, de structures d’auto-organisation à la base,
– l’Assemblée de Concepcion en 71-, d’une opposition
globale au réformisme
b) Mais aussi des points faibles dans la vision de
la révolution ; la vision du MIR était celle d’une guerre
prolongée, guerre commençant après le coup d’Etat qui
était selon le MIR inévitable. Du coup, il sous-estimait la
préparation des affrontements dans la conjoncture de 70-
73, sous estimait l’importance des moments de crise, n’ a
pas appelé à la grève générale dans ces moments de crise,
n’a pas suffisamment délimité ses positions par rapport au
gouvernement. Il faisait pression, mais n’a pas envisagé la
centralisation d’un autre pouvoir. Il n’ a pas pris des initiatives
pour coordonner, centraliser et appeler à un gouvernement
d’UP, sans les généraux, et appuyé sur les structures
d’auto-organisation ou la CUT, appuyé sur les structures
d’auto-organisation, pas sur l’assemblée nationale où
la droite était d’ailleurs majoritaire. Enfin sur le plan militaire,
il avait son « armée », ses « casernes », mais n’ a pas
pu ou su commencer à organiser une résistance au coup
dans l’armée et dans le pays...
c) Toutes ces questions doivent être revisitées
humblement, mais elles sont les maillons indispensables
d’une stratégie révolutionnaire.
L’exemple brésilien
PROBLEMES DANS LA CONSTRUCTION D’UN PARTI DES TRAVAILLEURS
* L’expérience brésilienne est présentée aujourd’hui,
par les libéraux et sociaux libéraux comme le contre
exemple par rapport au Chili.
Le contexte n’est plus le même, les rapports de forces
mondiaux non plus, le développement du mouvement de
masses non plus. Nous étions et nous sommes dans le cas
de figure d’un gouvernement social-libéral. Mais il y avait
et il y a encore une spécificité, c’est le fait que cette politique
se fait avec le PT. Je vais donc aborder toutes ces
questions sous l’angle de la construction d’un parti anticapitaliste,
ce que le PT était à ses origines.
* Il est clair aujourd’hui qu’il ne fallait pas participer
au gouvernement dès le début.
Nous avions indiqué nos réserves voire notre opposition
à cette politique, mais les camarades de la direction de
la DS, à quelques exceptions près -dont les camarades
Joao Machado et Zé Coréa- ayant décidé de participer au
gouvernement, nous avions décidé au Congrès mondial
d’accompagner leur expérience, en souhaitant, d’abord
qu’elle soit la plus brève possible et ensuite, la moins coûteuse
pour notre section. Quelle était l’argumentation de la
DS ?
« Nous sommes partie intégrante de l’histoire, de la
construction, de la direction du PT. Le PT accède au pouvoir,
les militants du parti et les masses ne comprendraient
pas que nous ne participions pas au gouvernement ».
C’était un vrai problème. Mais il fallait, dès le début de
l’expérience essayer de dissocier la question du gouvernement
et celle du parti. Tout en soutenant de manière critique,
le gouvernement, dans les premières semaines, il fallait
résister à la pression du parti et surtout à celle de la
direction du parti et de Lula lui-même. Nous aurions pu
expliquer que nous n’avions pas partagé les axes de la
campagne présidentielle de Lula, que nous étions en désaccord
avec ses objectifs et la politique fixée par le gouvernement,
et que dans ces conditions, tout en soutenant
tout ce qui serait positif, nous ne participerions pas à
l’exécutif.
Nous nous serions fâchés avec Lula. Nous aurions été,
peut-être, momentanément isolés. Nous aurions perdu des
positions dans le PT, mais nous aurions posé les jalons
d’une alternative à l’orientation social libérale de la direction
du PT. Nous aurions, avec notre groupe parlementaire,
conservé notre liberté de vote et d’action politique.
Nous aurions pu nous opposer plus efficacement à la politique
de Lula sur la réforme des retraites, et ce qu’a fait
Heloisa Helena à ce moment-là, aurait pu devenir la politique
d’une gauche socialiste dans le PT. Nous étions dans
le PT, nous y construisions une tendance de gauche, mais
nous étions indépendants du gouvernement.
La majorité de la DS a fait le choix inverse. Elle a participé
au gouvernement. Elle est devenue solidaire de
toute sa politique. Elle a tû ses critiques et, avec, une
majorité de ses députés, elle a appelé à voter les projets
néo-libéraux de retrait des pensions. Et de concessions en
concessions, de compromission en compromissions, elle a
accepté de soutenir l’essentiel de la politique de Lula.
De même, tous les scénarios échafaudés, de participation
brève ou de « raid gouvernemental » n’ont pas fonctionné
: la direction de la DS avait évoqué plusieurs fois,
dans des discussions informelles, la possibilité de sortir du
gouvernement sous le choc d’évènements qui pouvaient
ébranler le PT. Un échec de la réforme agraire ? L’assassinat de militants
des mouvements sans terre par les milices des propriétaires
terriens ? Un mauvais bilan des élections municipales
? Tout cela est arrivé. Et nos camarades sont restés
au gouvernement. La logique interne d’une position, la
participation gouvernementale et le poids de centaines
d’élus ou de permanents du PT ou de la CUT ont pesé plus
que ces évènements.
Comment expliquer, alors, la politique
de la majorité de la DS ? Comment comprendre que
des camarades aguerris, fort d’une expérience d’une trentaine
d’années dans le mouvement révolutionnaire, aient
commis cette erreur historique majeure ? Cela remonte à
loin.
Il était correct de construire le PT comme parti ouvrier
de masse, dans un pays, sans histoire de partis ouvriers de
masse indépendants. Mais ce parti a connu une évolution
progressive qui s’est accentuée dans les dernières années
pour connaître un tournant qualitatif au milieu des années
90. De parti ouvrier basé sur les syndicats -le fameux
triangle ABC de Sao Paulo- le PT a connu un « processus
d’institutionnalisation » qui l’a conduit à une intégration
progressive dans la vie politique bourgeoise brésilienne. À
l’approche de la victoire électorale présidentielle, les positions
municipales, notamment dans les grandes villes se
sont transformées de conquêtes partielles pour le PT et des
mouvements sociaux en « lieux d’intégration institutionnelle
» de la majorité des cadres du PT.
De ce point de vue, les « expériences de démocratie
participative », tout en favorisant la mobilisation de secteurs
importants de la population, n’ont pas été suffisamment
fortes et généralisées pour constituer un contrepoids
suffisant à cette pression. Ce sont des expériences partielles
pour favoriser l’intervention politique des salariés et
citoyens, mais cela ne peut être le chemin d’une conquête
graduelle du pouvoir. Il y a eu ici et là quelques formules
et illusions sur ce point.
Aussi, les derniers congrès du PT étaient très largement
dominés par les élus et les permanents politiques et syndicaux.
La direction Lula loin de résister à ce processus l’a
approfondi. Et nous avons été entraîné dans ce processus.
Aujourd’hui, Raul Pont a obtenu 48% des voix pour
l’élection du président du PT -les adhérents se sont saisis
de sa candidature pour manifester leur mécontentement,
mais Raul a endossé le soutien au gouvernement de
Lula. Et là les problèmes vont s’aiguiser. Aux prochaines
élections il y aura plusieurs candidats avec un affrontement
à gauche entre Lula et Heloisa. Comment défendre
une politique anti-capitalsite honnête et soutenir Lula
contre Héloisa ? C’est une position intenable.
Les coordonnées de la situation internationale ont sûrement
favorisé ce processus, mais il y avait les ressources,
dans ce parti, pour contenir ou refouler ces tendances,
mais nous n’avons pas pris la mesure de la profondeur du
tournant que connaissait le parti, et surtout sa direction.
C’est dans ces années-là que nous avons commis une
erreur d’appréciation sur la situation du PT.
A ce moment-là, il fallait marquer, plus, nos différences
et passer, sur le plan de l’organisation dans le PT, d’un
courant idéologique à une tendance plus structurée, avec
une politique d’opposition nette au « processus d’institutionnalisation
» que connaissait le PT.
Cela n’aurait peut- être pas suffit, mais cela nous aurait
situé plus clairement face à la fraction Lula. Cela repose
une nouvelle fois, la question de la construction d’un parti
des travailleurs. Dans le cadre d’une radicalisation des
masses, un parti de ce type peut correspondre à une phase
de radicalisation du mouvement de masse. Cela pose deux
questions :
– l’une portant sur l’orientation,
– l’autre sur l’intervention et la base sociopolitique du
parti à construire.
Sur le plan programmatique et stratégique, les références
« classistes » et la perspective d’une « démocratie
socialiste » comme les thèmes d’autodéfinition du PT du
type « Un parti sans patrons, un parti sans généraux », ont
pu constituer, durant toute une phase, celle des années 80-
début des années 90 des références suffisantes, mais dès
que la question du pouvoir se rapprochait, les questions de
rapports vis-à-vis du gouvernement, des institutions, de
l’Etat, de la rupture avec le capitalisme, deviennent centrales.
Et, là il fallait des réponses. Les délimitations stratégiques
restent inachevées dans le sens où les expériences
historiques actuelles ne donnent pas les moyens de préciser
comment et par quelles voies conquérir le pouvoir,
mais elles indiquent des boussoles indispensables, la lutte
de classes, l’unité et l’indépendance de classe, des positions
clairement identifiées sur les questions gouvernementales,
une pratique démocratique, un combat pour le
socialisme démocratique.
Sans porter de jugement sur toute la politique du
PSOL, nouveau parti résultant de la crise du PT, ce parti
se définit comme un parti anticapitaliste, écologiste, féministe,
renouant avec les meilleures traditions du PT. Il se
revendique même d’une alliance allant des révolutionnaires-
ex-courants morénistes et un secteur de plus en plus
important de la DS- à des réformistes authentiques, mais
pour ne pas refaire les mêmes erreurs que le PT, il a ajouté,
dans ses délimitations, une série de réponses par rapport
aux questions de la participation dans les institutions et
surtout par rapport à la question gouvernementale. Il a
aussi introduit, comme nous le faisons un lien organique
entre le combat anti-libéral et la lutte anticapitaliste.
Car, en Amérique latine, la gauche radicale a été
confrontée dans bien des pays, à des anti-libéraux qui, en
refusant de situer leur combat dans une perspective anticapitaliste,
ont couvert, de fait, des orientations qui n’ont
pas résisté au libéralisme. C’est le cas, avec des spécificités
dans chaque pays, des gouvernements Lagos au Chili,
Kirchner en Argentine, Lucio Gutierrez en Equateur,
Tabares Vasquez en Uruguay. Il y a tout un dégradé de
politiques mais là aussi, les références à l’anti-libéralisme
ne suffisent pas, il faut les mettre en rapport aux revendications
des classes populaires, à la mobilisation des masses,
et aux questions du pouvoir.
Sur le plan de l’intervention et de la base sociale et
politique, il faut assurer dans la construction d’un parti des
travailleurs ou d’un parti anticapitaliste, un certain équilibre
entre l’intervention dans les mouvements sociaux, les
expériences de lutte de secteurs de masses et les positions
électorales.
Il faut conquérir des positions institutionnelles, mais
toujours tendre à ce que le centre de gravité du parti soit
lié au mouvement de masse ou à des expériences d’intervention
dans les syndicats, associations. Et tout en ayant
des positions dans les appareils syndicaux ou associatifs,
le plus important dans l’intervention de masse du parti doit
être liée à des expériences sociales directes dans les entreprises,
les communes ou les quartiers.
Pour des raisons historiques particulières liées à l’évolution
social-libérale du mouvement ouvrier ou à la crise
des partis communistes nous pouvons avoir une place
politique ou obtenons des résultats électoraux qui dépassent
notre implantation et réalité sociale. Il faut donc, êtres
conscients de ces « distorsions » et mettre toujours l’accent
sur l’intervention dans la lutte de classes directes.
Enfin, il faut accorder une attention toute particulière à
tous les mécanismes de lutte contre l’institutionnalisation
ou bureaucratisation des organisations : contrôle des élus,
salaires et revenus des permanents, limites des temps de
permanents, rotations des responsables etc.
Résumé et questions en 13 points
1) Comment le PT et la DS ont été conduits à participer
à un gouvernement social libéral et quelles leçons en
tirer
2) Je prendrai la question sous l’angle du parti, car je
crois que sur la question de l’analyse de la politique gouvernementale,
toute l’internationale -sauf les cdes de la majo de la DS- analyse ce gouvernement comme un gouvernement
« social-libéral ». Le Pb de notre participation
s’est posé parce que nous étions au PT, sans cela je crois
que cela ne se serait pas posé.
3) Comment le PT en est arrivé là ? Le PT est le produit
organique du mouvement ouvrier brésilien de toute
une phase de la lutte de classes à la sortie de la dictature
dans les années 80, première forme de parti ouvrier indépendant,
convergence des syndicalistes Luttes de classes
du triangle ABC, courants révolutionnaires, trotskystes,
pro-cubains, Chrétiens de la théologie de la libération. Ce
parti s’est construit comme un parti de classe « sans
patrons et sans généraux » et un parti pour la démocratie
socialiste, mais avec des faiblesses sur une série de questions
stratégiques notamment la question du pouvoir et du
gouvernement. Et c’est une leçon pour toutes les perspectives
de parti large anti-capitaliste : il faut clarifier la question
du gouvernement et du pouvoir.
4) Je ne sais si ces clarifications auraient été nécessaires
pour résister aux évolutions futures, mais, au milieu
des années 90, il y a eu un changement qualitatif pour le
PT : un processus d’institutionnalisation. Les congrès du
PT se sont peuplés de majorité de permanents politiques et
syndicaux. La conquête de métropoles a accéléré un processus
d’institutionnalisation et de bureaucratisation,
notamment Sao Paulo.
5) La démocratie participative a été une expérience
positive dans le fait de stimuler la participation du mouvement
de masses aux affaires de la cité, mais avec des limites
:
a) sur la pratique des équipes municipales - différence
Porto Alegre et Sao Paulo
b) sur les compétences du budget participatif
c) sur le niveau de participation
d) sur le niveau de responsabilité : contraints par les
décisions budgétaires nationales, le budget s’est progressivement
vidé de sa substance -échec aux municipales d’octobre
2004.
Ainsi la démocratie participative a une fonctionnalité
partielle -elle permet l’association de secteurs du mouvement
de masses à l’exercice démocratique.. mais dans un
cadre qui reste marqué par l’économie et les institutions
capitalistes- Elle ne peut être une forme graduelle de
conquête du pouvoir. Ces expériences-positives n’ont pu,
même, renverser les tendance lourdes de l’institutionnalisation.
6) Il y a eu donc un tournant du PT dans ces années
90, et là il devait y avoir aussi un tournant de notre courant
/ passer de courant idéologique à un courant organisé,
plus séparé du parti. C’est d’ailleurs le problème qui se
pose à nos camarades italiens aujourd’hui avec le tournant
de Bertinotti.
7) Et lorsqu’il y a eu accès au gouvernement, une
relative extériorité aux institutions du PT aurait donné plus
de marge pour résister à la pression de la participation au
gouvernement. Nous aurions dû, à l’époque, dissocier la
question du parti, de la construction d’une tendance à gauche
et la participation au gouvernement. Nous aurions
ainsi préservé l’indépendance de nos positions, nous
aurions voté contre les réformes libérales, et évité que des
députés révolutionnaires votent « des contre réformes
libérales »
8) Aujourd’hui, nous avons un grand parti des travailleurs
sous le coup d’une transformation sociale libérale
et « maffieuse » et d’autre part des résistances importantes
: les 48 % de Raul Pont. Les militants se sont emparés
de la candidature de Raul, mais cette candidature s’est
inscrite dans le soutien critique au gouvernement Lula, ce
qui a permis aussi à des secteurs du PT de soutenir Raul
contre la dégénérescence du PT.
9) En même temps, il y a eu la construction du
PSOL. De l’auto-défense contre les exclusions à
aujourd’hui, il y a eu tout un mouvement de construction
du parti, convergence de courants, fonctionnement au
consensus, les 450.000 signatures, et aujourd’hui sur la
base de la dégénérescence du PT, 6 députés, des dizaines
de conseillers et deux à trois mille nouveaux militants.
10) Avec une échéance centrale : à la prochaine présidentielle,
il faudra choisir Lula ou Heloisa. C’est ce qui
rend très difficile un combat interne dans le PT, car les
oppositionnels, et malheureusement nos camarades de la
majorité de la DS -Raul Pont est, maintenant, secrétaire
général du PT- ont décidé, à cette étape, de soutenir Lula
contre Héloisa. Alors que sur le plan politique, il n’y a pas
photo entre une candidate anti-capitaliste et le représentant
du social-libéralisme brésilien.
11) L’analogie serait fausse, mais nous pouvons avoir
affaire à une situation comparable aux divisions entre
spartakistes allemands et courants de l’USPD. En
Allemagne la pression et la référence russe avaient permis
de fusionner tout cela dans un KPD. Au Brésil, il n’y a pas
la révolution russe, d’où le danger de difficultés et divisions
durables.
12) Le PSOL se présente aujourd’hui comme un parti
rassemblant, des révolutionnaires, essentiellement d’origine
trotskiste, des réformistes radicaux, des chrétiens
progressistes liés à la théologie de la libération. C’est une
convergence de divers courants ; il assume la continuité du
PT, s’ouvre à sa crise, et intègre les leçons des expériences
récentes, notamment le rapport à la question du gouvernement
; sans avoir de délimitations achevées, c’est un
parti anticapitaliste, féministe, écologiste, il défend néanmoins,
une politique d’indépendance de classes : au cœur
il y a la lutte de classes et l’indépendance vis-à-vis du gouvernement
et des principales institutions capitalistes. C’est
un parti large mais avec des courants révolutionnaires et
sans ces courants révolutionnaires, il n’aurait pas eu de
parti large anti-capitaliste. D’où, une leçon : la nécessité
d’accumuler des forces sur un programme révolutionnaire
dans un processus large et de maintenir la vivacité de
l’élan, de l’éducation et donc de l’organisation de courants
révolutionnaires.
13) Et ensuite parce que nous sommes matérialistes,
la nécessité de donner un centre de gravité social et politique
de ce parti lié aux expériences du mouvement de masses..
nous devons avoir des élus.. des responsables syndicaux
.. mais il faut que le parti soit organiquement lié à la
« démocratie de masses », à des expériences du mouvement
de masse. Et donc, que les responsables du parti
soient contrôlés, qu’il y ait des rotations dans les mandats
de permanents et les postes de direction, que les revenus
soient limités et contrôlés. Bref, qu’il y ait une lutte pratique
contre tous les phénomènes de bureaucratisation et
d’institutionnalisation.