Le CADTM regrette que ce dictateur corrompu et responsable de crimes
contre l’humanité n’ait jamais été contraint de rendre des comptes. Pour
le CADTM, l’impunité dont il a bénéficié jusqu’à sa mort est inadmissible.
Pourtant, dès les années 1960, le peuple indonésien s’est vu ravir la
possibilité de déterminer son avenir et Suharto y a joué un rôle
essentiel. Avec la conférence de Bandoeng de 1955, l’Indonésie avait
commencé à s’affirmer sur la scène internationale, mais devant la menace
de voir ce pays jouer un rôle clé dans la mise en place d’un nouvel ordre
mondial, les Etats-Unis et les institutions de Bretton Woods ont soutenu
activement le général Suharto.
En 1966, après une répression massive provoquant la mort de plus de 500
000 personnes, Suharto a contraint le président Soekarno à lui transférer
ses pouvoirs. Dès les jours suivants, le gouvernement des Etats-Unis a
ouvert une ligne de crédit à l’Indonésie qui a très vite rejoint la Banque
mondiale et le FMI que Soekarno avait quittés pour mener une politique
indépendante.
Son régime est clairement dictatorial. Suharto a utilisé régulièrement la
terreur et l’élimination physique contre ses opposants. Il a été réélu
tous les cinq ans par une institution parlementaire composée à 60% de
membres nommés directement par Suharto lui-même. En 1975, son armée a
envahi le Timor oriental qui s’était libéré du joug portugais.
Selon les estimations, Suharto aurait détourné entre 15 et 35 milliards de
dollars, devenant le chef d’Etat le plus corrompu du monde. Pourtant,
l’Indonésie était un bon élève pour le FMI et la Banque mondiale qui ont
entretenu pendant plusieurs décennies la vision d’un miracle indonésien
tout en ayant pleinement conscience des pratiques frauduleuses du régime
de Suharto.
En pleine guerre froide, Suharto était un allié stratégique du bloc
occidental et l’argent prêté, largement détourné par le clan Suharto, a
permis de s’assurer de sa docilité. Ce soutien financier des grandes
puissances a permis des politiques contraires aux droits humains et une
captation des ressources naturelles au bénéfice des sociétés
transnationales, avec la complicité active de la classe dominante locale,
de la Banque mondiale et du FMI. La dette extérieure publique de
l’Indonésie a explosé pendant la dictature de Suharto, passant de 3
milliards de dollars à son arrivée au pouvoir pour atteindre 67 milliards
de dollars en 1998. Pendant ce temps, les remboursements ont dépassé 120
milliards de dollars, véritable hémorragie de capitaux au détriment des
conditions de vie du peuple indonésien qui n’a profité en rien de cette
dette.
La crise du sud-est asiatique de 1997 a frappé durement l’Indonésie.
L’ouverture sauvage au capital étranger, à la demande du FMI, avait
contribué à une spéculation effrénée. En mai 1998, dans le cadre des
accords signés avec le FMI, Suharto a éliminé les subventions sur les
produits de base dont les prix ont nettement augmenté. Une immense
mobilisation populaire a provoqué son départ. Mais aujourd’hui encore, les
ravages de la dette se font sentir. Par exemple, pour se procurer les
devises nécessaires au remboursement, des millions d’hectares de forêts
primaires sont brûlés et remplacés par des plantations industrielles de
palmiers à huile pour produire des agrocarburants, faisant de l’Indonésie
le 3e émetteur mondial de gaz à effet de serre.
Le CADTM appelle l’Indonésie et tous les pays du Sud à enclencher une
autre logique économique, respectueuse de l’humain et de l’environnement,
à l’opposé de la logique néolibérale imposée aux forceps par
l’intermédiaire d’une dette odieuse dont il faut revendiquer l’abolition
immédiate.
Contacts :
Damien Millet, porte-parole du CADTM France,
france cadtm.org , 00 33 6 60 54 27 13
Eric Toussaint, président du CADTM Belgique,
international cadtm.org , 00 32 486 74 47 52
Juan Tortosa, porte-parole du CADTM Suisse,
suisse cadtm.org , 00 41 22 733 40 83