Depuis jeudi 31 janvier, les mouvements rebelles tchadiens ont lancé une nouvelle offensive dans le but de renverser Idriss Déby. Il ne s’agit pas d’une guerre de libération contre la dictature : ceux qui dirigent l’offensive, armés par le Soudan, sont des anciens fidèles de Déby qui convoitent seulement la rente pétrolière. Depuis la période coloniale, le pays n’a cessé d’être le bac à sable de l’armée française, qui y fait et défait les régimes. Ainsi, Déby fut installé en 1990 et soutenu inconditionnellement, malgré de nombreux crimes. En avril 2006, les rebelles étaient encore accueillis aux portes de N’Djamena par des Mirage français et Déby de nouveau frauduleusement réélu, deux semaines plus tard, avec les félicitations de Chirac.
Cette fois, l’aide militaire semble avoir été moins directe, ou plus discrète : renseignement, aide logistique et sanitaire uniquement, selon la version officielle contestée par les rebelles, qui parlent de bombardements français. Difficile, pour l’instant, de décrypter les arrière-pensées de l’Élysée. Dans un premier temps, la France a proposé à Déby de l’exfiltrer, ce qui sonnait comme un lâchage. Une fois la position militaire de ce dernier consolidée, Sarkozy a obtenu une caution de l’ONU pour une éventuelle intervention militaire. Sauf qu’une intervention unilatérale pourrait compromettre le déploiement d’Eufor, la force européenne exigée par la France et obtenue in extremis.
En tout cas, une chose est sûre : la situation actuelle est la conséquence directe de la politique néocoloniale de la France. Jusqu’au bout, elle n’a cessé de pousser le régime, armé par ses soins, dans une logique de guerre, sabotant les efforts de la société civile pour la mise en place d’un « dialogue national inclusif » et d’un processus de démocratisation. Quand la bombe à retardement finit par exploser, la France se contente d’extrader ses ressortissants, laissant la population civile tchadienne prise en otage, et les militants progressistes à la merci de leurs bourreaux. Ne doutons pas qu’elle reviendra encadrer le vainqueur, quel qu’il soit.
* Paru en éditorial dans Rouge n° 2238, 07/02/2008.
France, hors du Tchad !
* Rouge n° 2226, 08/11/2007
L’ « affaire » de la tentative d’enlèvement de 103 enfants tchadiens par l’association française l’Arche de Zoé a mis à nu les ressorts pervers de l’humanitarisme néocolonial qui prétend sauver les Africains envers et malgré eux. L’association affirmait vouloir « sauver les enfants du Darfour ». Pourtant, les enfants qu’elle a tenté d’embarquer vers la France étaient en majorité tchadiens, avec des parents tchadiens, et non des orphelins soudanais. L’association aurait même bénéficié de l’aide de l’armée française pour le transport des enfants de N’Djamena à Abéché, deux villes faisant partie du dispositif militaire français permanent dans ce pays pilier de la Françafrique.
Une armée française épinglée récemment par des ONG pour sa complaisance à l’égard des forces de sécurité tchadiennes, soupçonnées d’exactions contre les civils. D’où l’opposition à ce qu’elle participe au déploiement prévu, depuis le Tchad notamment, de la force onusienne censée « protéger » les personnes réfugiées et déplacées par les conflits dans la région. La France est bien la dernière à pouvoir jouer un quelconque rôle positif sur le continent. Son attitude y a toujours été emprunt d’un profond mépris, racisme et paternalisme néocolonial. Les Africains ne sont jamais traités dans les médias que comme de pauvres diables, tantôt fous sanguinaires, tantôt victimes misérables, toujours irresponsables.
Ne laissons plus prospérer l’instrumentalisation de la misère et de la souffrance des peuples, même quand elle se pare de « bonnes intentions ». Aider les Africains et Africaines et leurs enfants, c’est soutenir leurs luttes pour vivre dans la dignité et le respect de leurs droits, ici et là-bas.