C’est le 13e plan depuis 1977… Une très grosse dose de sécuritaire, un ton moralisateur à l’ancienne, la politique des quotas pour l’immigration et la promesse faite au Medef de subventions et d’une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci donnent le ton de la communication présidentielle. La seule annonce concrète de Nicolas Sarkozy est la confirmation, déjà annoncée par la ministre de l’Intérieur, de 4 000 policiers supplémentaires au sein de 200 « unités territoriales de quartier » menant « une guerre sans merci à l’endroit des trafics et des trafiquants », réduisant ainsi les quartiers à cette image de délinquance.
Le seul financement annoncé est un transfert, sur cinq ans, de 500 millions d’euros du Grenelle de l’environnement vers les transports en commun pour les quartiers sensibles. Quand on sait que le coût du seul désenclavement de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, est estimé, au minimum, à 150 millions d’euros, cela fait peu. Pour le reste, il y a beaucoup de toc dans ce prétendu plan banlieues. Le « contrat d’autonomie », pour accompagner vers l’emploi les jeunes en difficultés, n’est que la resucée de dispositifs déjà existants, comme le contrat d’insertion dans la vie sociale (Civis), dont on ne peut pas dire qu’ils soient efficaces. Ce type de dispositifs se heurte au manque de créations d’emplois et aux persistantes discriminations à l’embauche subies par les habitants des quartiers populaires. Ce n’est pas la présence d’un représentant de l’État dans 350 quartiers qui fera revenir les services publics que les gouvernements successifs ont fait disparaître. Affirmer que l’on veut attirer dans les quartiers les fonctionnaires « les plus expérimentés et les plus motivés », et créer des recrutements spécifiques de fonctionnaires pour les quartiers (c’est-à-dire sans concours), relève de l’esbroufe, alors que le gouvernement a annoncé, en septembre, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
La création d’« internats d’excellence », sans financement, et d’« écoles de la deuxième chance », subventionnées par la taxe d’apprentissage, n’est qu’effet d’annonce puisque, dans le même temps, le gouvernement supprime, à la rentrée 2008, 11 200 postes dans l’Éducation nationale, et qu’il prévoit de diminuer, pendant quatre ans, le nombre d’enseignants de 20 000 par an. Il y a beaucoup d’hypocrisie à proposer l’école de la deuxième chance, alors que le même Nicolas Sarkozy déclarait, il n’y a pas si longtemps, que les jeunes suivaient trop d’heures de cours. Parmi les 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification, nombreux se sont vus refuser leur inscription en lycée professionnel faute de places. De plus, à la prochaine rentrée scolaire, la réforme, voulue par le ministre de l’Éducation nationale, qui ramène la durée de préparation du bac professionnel de quatre à trois ans, supprimant au passage le diplôme du BEP, va laisser sur le carreau des jeunes qui, en quatre ans, avaient le temps de se préparer, d’abord au BEP, puis au bac pro. La dualité scolaire va se trouver renforcée avec l’appel, aux écoles privées pour qu’elles viennent s’installer dans les quartiers. On ne saurait mieux initier une politique de renoncement en matière de développement de l’enseignement public. Ce plan banlieue est un non-événement.
Anne Leclerc
OCCUPATION DE LA HALDE : Le bon plan, c’est tous ensemble
La riposte au plan « Espoir Banlieues » de Sarkozy ne s’est pas fait attendre. Rendez-vous avait été pris, le jour même de son annonce, vendredi 8 février, à 13 heures, au ministère de la Crise du logement, rue de la Banque à Paris. Une cinquantaine de militants de différents collectifs et associations, dont le MIB, AClefeu, le Collectif antidémolitions, Droit au logement, Agir contre le chômage, le Réseau éducation sans frontières, Devoirs de mémoires et le Forum social des quartiers (FSQ) étaient présents. Un départ a ensuite eu lieu vers une destination inconnue initialement, qui s’est avérée être le très luxueux bâtiment abritant les bureaux de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), dans le 9e arrondissement de Paris.
Pour Tarek Kawtari, du FSQ, donner une conférence de presse en ce lieu est symbolique : la vacuité de ce énième plan banlieues fait écho à l’inefficacité de la Halde pour changer les choses en matière de discrimination. Pour Kaïssa Titous, du Collectif antidémolitions, « les habitants des quartiers populaires ne demandent pas d’en avoir plus, mais d’être traités avec égalité ». Tous estiment qu’il ne faut pas aujourd’hui un plan spécifique aux banlieues, a fortiori quand l’objectif de ce plan est de discriminer davantage ceux et celles qui y vivent. L’urgence, pour Mohamed Mechmache, d’AClefeu, c’est « un plan national et global pour l’ensemble des gens qui vivent en France, sans oublier donc les ruraux et ceux et celles qui vivent en Outre-mer », pour répondre aux besoins en matière d’emploi, de logement et de services publics. Pour Kaïssa Titous, il est inadmissible de faire croire, comme tente de le faire Sarkozy, que ce plan est centré sur l’humain, contrairement aux précédents qui étaient centrés sur l’urbain.
Les comptes sont vite faits : 500 millions d’euros pour ce plan au nom cynique d’« Espoir banlieues » et 35 milliards pour l’Agence nationale de rénovation urbaine qui, pour l’essentiel, démolit des appartements, laissant les expulsés sans espoir d’être relogés avec le même loyer, les mêmes charges, dans la même ville, épuration sociale et ethnique oblige.
Tous l’auront compris, n’en déplaise à Sarkozy, la France n’est pas divisée entre ceux qui se « lèveraient tôt » et les autres, mais bien entre ceux qui gagnent de l’argent, même en dormant, et l’écrasante majorité, dont le pouvoir d’achat diminue.
Homar Slaouti