Le devoir est toujours une valeur bien cotée. Et lorsque c’est Christophe de Margerie, depuis peu patron de Total, qui explique en quoi consisti le devoir pour un chef d’entreprise, on pourrait presque être ému. Car c’est au nom d’un tel devoir qu’il a fait appel de la condamnation de Total reconnaissant la responsabilité de la multinationale dans la marée noire qui a suivi le naufrage de l’Érika.
Ce n’est pas tant les 375 000 euros d’amende et les 192 millions d’euros de dommages et intérêts qui gênent M. de Margerie. Il est vrai que, comparés aux 12,6 milliards de bénéfices de 2006, quelques millions ne sont rien. En revanche, le fait de reconnaître la responsabilité juridique de Total quant au naufrage, ainsi que l’existence d’un préjudice écologique est bien plus dangereux pour l’avenir des entreprises qui veulent continuer à mettre en danger l’environnement, quitte à payer quelques indemnités de temps en temps ; il s’agit là d’une interprétation particulière, mais assez courante, du principe « pollueur-payeur ».
Que Total s’estime quasiment insultée parce qu’elle aurait trompé sur l’état réel du navire et que ce n’était pas à elle de procéder aux nécessaires vérifications de sécurité, c’est une chose. Que Total s’empresse de payer des indemnités aux victimes pour éviter qu’elles fassent appel lors d’un second procès, c’est pousser le devoir patronal assez loin. Au spectacle d’un monde où tout s’achète et tout se vend, on ne peut qu’opposer un autre type de devoir, celui des résistances sociales et écologistes.