Cela n’échappe ni aux immigrés, ni à la jeunesse des quartiers : les élections approchent. En perte de vitesse auprès de l’opinion populaire, Sarkozy multiplie les opérations susceptibles d’attirer les faveurs de l’électorat lepéniste. Tel est le but de la rafle du foyer d’immigrés de la rue des Terres-au-Curé (Paris), le 12 février. Au petit matin, 400 policiers accompagnés de chiens enfonçaient les portes des chambres à coups de hache et interpellaient 115 immigrés. Objectif officiel relayé par les médias : arrêter des marchands de sommeil. Prétexte fallacieux, puisqu’aucune mise en examen n’a été ordonnée par le juge. En revanche, les centres de rétention sont remplis des sans-papiers du foyer. Moins d’une semaine après, c’est Villiers-le-Bel qui voit intervenir deux armadas : celle des 1 100 policiers et celle des journalistes et photographes, convoqués pour médiatiser les exploits répressifs du président. La manifestation du 23 février, dans le cadre de la Semaine anticoloniale, fournira l’occasion de mettre en accusation le ministère de l’Identité nationale, des rafles et du drapeau.
Les attaques anti-immigrés ne cesseront pas après le verdict des urnes. Sarkozy veut placer au centre de la présidence française de l’Union européenne, qui interviendra en juillet, la répression concertée et accrue de l’immigration, ainsi que l’interdiction des régularisations massives dans tous les pays de l’Union. Il charge la commission Mazeaud d’étudier, d’ici mai, la nécessité de modifier la Constitution française pour mettre en œuvre des quotas professionnels et « selon les grandes régions de provenance », autrement dit des quotas ethniques distincts, selon qu’on vient d’Afrique, d’Asie, d’Europe... Il s’agit aussi de modifier la Constitution pour établir une juridiction unique et spéciale pour les immigrés, fusionnant procédure administrative et juge des libertés et de la détention, bref une justice d’exception. C’est donc en profondeur que Sarkozy veut transformer la société, à travers la stigmatisation des immigrés et de leurs enfants. Les organisations regroupées dans le collectif Uni(e)s contre une immigration jetable préparent une manifestation nationale, le 5 avril, contre ce modèle de société, cette xénophobie d’État qui tue les droits de tous. Dès maintenant, faisons de cette initiative un des grands événements de cette année.
(Editorial)
Emmanuel Sieglmann
Raid sur Villiers-le-Bel
Plus de 1000 policiers, agents du Raid ou du GIPN, casqués, cagoulés et armés comme pour une opération de guerre : sur tous nos écrans de télévision, à la « une » de tous nos quotidiens, l’assaut lancé sur Villiers-le-Bel, le 18 février, était manifestement destiné à frapper les esprits. Déstabilisé par sa chute de popularité, le pouvoir sarkozyen vient de tenter de reconquérir, sur le mode sécuritaire, l’électorat gagné au Front national lors de la dernière présidentielle.
Que Le Figaro retrouve, pour commenter l’événement, les accents de la droite de toujours dès qu’elle trouve l’occasion de s’en prendre aux « classes dangereuses », voilà qui n’étonnera personne. « Hommage aux forces de l’ordre, bienveillance aussi pour la majorité silencieuse qui vit dans les quartiers dits sensibles, écrit ainsi son éditorialiste, avant de se prétendre l’interprète de « ces habitants […] qui s’exaspèrent de voir qu’on plaint davantage les jeunes désœuvrés, “victimes de la société” qu’eux-mêmes… »
Il est toutefois plus révélateur du climat actuel que, l’Humanité exceptée, les titres nationaux ne se hasardent qu’avec prudence à dénoncer la manipulation médiatique dont ils ont pourtant pu juger la réalité, aux premières loges sur le terrain. Patricia Tourancheau, de Libération, se borne, par exemple, à citer « plusieurs journalistes » qui nient avoir été « conviés » au coup de filet pour reconnaître seulement avoir harcelé « leurs contacts flics pour obtenir la date de l’opération ». Qui peut croire cette fable ? À moins d’admettre qu’au même instant, les journalistes de toutes les rubriques « société » ou « faits-divers » de la place de Paris auraient agi d’une manière identique, se retrouvant au même endroit, le bon jour, à l’heure requise pour avoir les meilleures images, parfois à proximité des flics à la manœuvre… Bien inquiétant cette propension d’une profession à ne plus vraiment défendre son indépendance !
On reconnaîtra, au moins, au Parisien, d’avoir soulevé l’une des bonnes questions de ce petit matin glauque, en donnant la parole à la sœur d’un des deux jeunes dont la mort avait été à l’origine des affrontements de novembre 2007 : « On fait tout ça pour des blessés, rien pour les morts. » Il était bon que cela fût dit…
(La gazette des gazettes)
Christian Picquet