Forts de la mobilisation réussie du 31 janvier, qu’allez-vous dire lundi 4 février, lors de la rencontre avec le Conseil d’Etat ?
Aristides Pedrazza/SUD (A.P.) : Les revendications de base sont claires. Elles ne feront pas l’objet d’un quelconque marchandage. Nous exigeons qu’aucune baisse de salaire (ni sur un mois ni sur une année ni sur la carrière) ne soit faite. Le gouvernement doit garantir les pleins mécanismes salariaux. Il ne peut être question, après que le Conseil d’Etat a extorqué deux milliards de francs sur nos salaires et nos conditions de travail, qu’il tente maintenant d’imposer de nouvelles baisses salariales. Les caisses publiques débordent. Nous, nous avons perdu plus de 140 millions de francs sur nos traitements entre 2005 et 2007. Les revalorisations promises par le Conseil d’Etat sont urgentes. Le gouvernement doit les payer sur sa caisse et non en prenant dans les salaires d’une partie des salariés-e-s du secteur public pour ne pas en revaloriser d’autres. Car il faut rappeler que le DECFO-SYSREM proclame des revalorisations pour une partie du personnel mais en fait réduit les salaires de tous les gens en place par le jeu d’une ancienneté non reconnue et d’annuités plus basses.
Julien Eggenberger/SSP (J.E.) : Nous avons attendu de la part du Conseil d’Etat qu’il prenne la mesure d’une mobilisation massivement suivie (plus de 10 000 grévistes et 16 000 manifestant-e-s). Il devait donc admettre la force de notre mouvement, ouvrir de vraies négociations et faire des concessions. D’autant que le SSP est déterminé à continuer la mobilisation s’il n’obtient pas satisfaction sur quatre points : salaire minimum (4000 francs, 4200 avec CFC), revalorisations immédiates et inconditionnelles des fonctions oubliées, pas d’arbitraire dans la fixation des salaires et pas de perte de salaires pour les gens en place.
Dans les faits, le Conseil d’Etat a décidé unilatéralement de suspendre les négociations pour effectuer un chiffrage de nos revendications (déposées en novembre 2007…) et étudier des modifications de son projet. Il faut interpréter cela comme un clair recul du gouvernement, même si l’on sait que le report a aussi pour fonction de parier sur un essoufflement de la mobilisation.
Lors de la manifestation, on a vu que non seulement les « bastions » traditionnellement combatifs(enseignement et santé, p. ex) s’étaient mobilisés, mais aussi d’autres secteurs de la fonction publique. A quoi attribuez-vous cet élargissement ? Au travail syndical d’explication ou aussi à l’inquiétude créée par la politique de Broulis qui, à chaque fois qu’il formule des chiffres, contredit ses promesses de progrès social ?
J. E. : Le fait que le gouvernement n’ait pas indiqué quel avenir il réservait pour plus de la moitié des fonctions a suscité une grande inquiétude. De plus, personne n’est dupe que l’on ne peut pas revaloriser 90% des gens en augmentant de 1% la masse salariale comme le prétend P. Broulis. Par ailleurs, les chiffres du bénéfice des comptes 2007 qui devraient dépasser les 800 millions de francs rendent particulièrement inacceptables les baisses de salaires et les atermoiements pour le financement des revalorisations. Il faut aussi insister sur le travail très important d’information sur le terrain qui s’est traduit par l’organisation par le SSP de plus de 50 assemblées.
A. P. : Les secteurs de l’administration et du social mais aussi de la logistique entrent en lutte. Parfois précaires, subissant une pression permanente de la hiérarchie, ce sont de plus des collectifs féminins. Il y a une composante, à notre sens décisive, de lutte des femmes salariées pour éviter les baisses de salaire, une dégradation de leurs qualifications, de leur statut et de leurs conditions de travail.
Que prévoyez-vous pour maintenir ce fort degré de mobilisation dans la durée ?
A. P. : Il nous semble que le gouvernement commence à reculer sur le projet de baisse des salaires, sur la répression et le fichage des grévistes, sur la négociation de la compensation des heures de grève. Mais tout cela est très fragile. Cela peut se retourner vite. Donc il faut approfondir l’immense élan d’auto-organisation et de mobilisation à la base lié au 31 janvier. Cela implique de rendre davantage présente l’action syndicale sur les lieux de travail pour offrir des moyens et des ressources à cet élan et, en même temps, de donner une permanence à cette montée de lutte. Le gouvernement a subi de plein fouet le rapport de forces imposé par la grève et la manifestation du 31 janvier. Le démantèlement de DECFO-SYSREM, ou en tout cas de sa version initiale, a commencé. La partie du projet consistant à baisser le salaire des un-e-s pour faire semblant de revaloriser les autres a été mise à mal. Il faut maintenant gagner les revalorisations et élargir la lutte au parapublic.
J. E. : Le SSP a l’intention de continuer son travail syndical de terrain et va continuer à développer son réseau syndical. Sur ce point-là, l’arrogance du Conseil d’Etat nous aura bien servis !
Lors de la reprise des négociations nous devons être prêts à continuer à peser sur le Conseil d’Etat avec un rapport de force qui sera favorable. Le 31 janvier, nous avons apporté la preuve de notre capacité de mobilisation, à nous de la maintenir pour obtenir un accord qui aboutisse à un système salarial plus équitable et plus généreux.