Depuis quelques années se développe ce qu’il est convenu d’appeler l’« écologie industrielle ». Le terme semble impliquer l’émergence d’une nouvelle discipline scientifique, qui serait une branche de l’écologie. Sans préjuger des développements futurs, force est de constater que l’on est aujourd’hui éloigné de cet objectif. Bien plus, le terme « écologie industrielle » correspond aujourd’hui à un projet fortement idéologique, qui mêle écologie, économie industrielle et ingénieries diverses. Ce projet se greffe sur les apports déjà anciens de l’écologie concernant l’analyse des écosystèmes en termes de flux d’énergie et de matière mais aussi les nombreuses études visant à déterminer l’impact de l’homme sur ces flux.
Le point de départ de l’écologie industrielle est souvent fixé à la parution d’un article dans la revue Scientific American de septembre 1989 de Robert Frosch, vice-président de la recherche, et Nicolas Gallopoulos, responsable de la recherche sur les moteurs, tous deux chez General Motors intitulé « Strategies for manufacturing ». Voici ce qu’ils écrivent : « Dans le système industriel traditionnel, chaque opération de transformation, indépendamment des autres, consomme des matières premières, fournit des produits que l’on vend et des déchets que l’on stocke ; on doit remplacer cette méthode simpliste par un modèle plus intégré : un écosystème industriel. » (1)
Il s’agit de s’efforcer de reproduire le schéma naturel où les déchets des uns sont la nourriture des autres assurant ainsi le bouclage de l’écosystème sur lui-même. Auteur d’u ouvrage synthétique sur le sujet qui fait référence, Suren Erkman présente ainsi le projet de l’écologie industrielle : « il est possible d’envisager le système industriel comme un cas particulier d’écosystème. Après tout, on peut décrire le système industriel comme une certaine configuration de flux et de stocks de matière, d’énergie et d’information, tout comme les écosystèmes biologiques. De plus, le système industriel tout entier repose sur les ressources et les services fournis par la Biosphère, dont il constitue en quelque sorte une excroissance » (2).
Ce projet qui émane de responsables en charge de la recherche au sein d’une des principales multinationales mondiales est le signe du poids croissant financier mais aussi d’image des coûts écologiques induits par la production industrielle pour les firmes elles-mêmes, et ceci en dépit des stratégies d’externalisation des coûts vers la collectivité ou des efforts de communication et de marketing « verts ». Un des objectifs est ce qui sera appelé « l’éco-efficacité », c’est-à-dire la volonté de restructurer le process productif de façon à ce que les mesures écologiques soient génératrices de gains de productivité et non de coûts supplémentaires. Suren Erkman résume ainsi la stratégie de l’écologie industrielle a quatre axes dont la mise au point et la mise en œuvre permettrait d’aboutir à l’émergence d’un écosystème industriel : « valoriser les déchets comme des ressources ; boucler les cycles de matière et minimiser les émissions dissipatives ; dématérialiser les produits et les activités économiques ; décarboniser l’énergie. » (3) Quelle est la faisabilité et le réalisme d’un tel projet, à bien des égards séduisant ? Au-delà des objectifs précis (qui ne voudrait supprimer les déchets en les transformant en ressources ?), l’écologie industrielle soulève plusieurs interrogations.
En premier lieu, peut-on parler d’écosystème industriel ? (4) Notons d’abord l’incertitude sur l’emploi du terme. Les écosystèmes industriels tantôt existent (« Il existe ainsi un large spectre d’écosystèmes industriels en interaction plus ou moins directe avec la Biosphère, depuis certains écosystèmes agricoles, presque « naturels », jusqu’aux écosystèmes les plus artificiels, comme les vaisseaux spatiaux » (5) ), tantôt restent à créer, ce à quoi l’écologie industrielle doit servir (« un écosystème industriel pourrait fonctionner comme un écosystème biologique », proposent ainsi Frosch et Gallopoulos dans l’article précité). Cette difficulté est résolue par Erkman en distinguant trois types d’écosystèmes, dont seul le dernier serait comparable à un écosystème biologique actuel. En même temps, ces auteurs nous indiquent qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre ce qui n’est qu’une analogie, précaution qu’il s’empressent d’oublier eux-mêmes. Ainsi Erkman après avoir repris à son compte la citation suivante de Frosch et Gallopoulos : « L’analogie entre le concept d’écosystème industriel et d’écosystème biologique n’est pas parfaite, mais on aurait beaucoup à gagner si le système industriel venait à imiter les meilleurs aspects de son homologue biologique », évoque quelques lignes plus loin « le plus ancien et le plus étudié des écosystèmes industriels fonctionnant aujourd’hui : la symbiose de Kalundborg » (6)
Tout le projet est bâti sur la nécessité de construire des écosystèmes industriels, mais on précise à l’occasion que ce concept n’a qu’une valeur analogique sans jamais nous détailler ce qui permet de différencier un prétendu écosystème industriel d’un écosystème biologique (7). Le livre d’Erkman est ainsi muet sur ce dernier point. Or il est tout à fait essentiel de s’interroger sur ce point, et il n’est pas fortuit que cette analyse soit escamotée dans la littérature en question. En effet au-delà de la comparabilité des échanges dans un écosystème et dans un système industriel en terme de flux de matière et d’énergie, il existe une différence clé que l’on pourrait appeler de principe de régulation. S’il ne peut échapper aux lois physiques, un système industriel n’est pas conditionné par la recherche optimale d’une économie de matière et d’énergie mais par sa capacité à produire aux moindres coûts des biens vendables sur un marché de manière à générer un profit maximal.
On ne peut donc abstraire un système industriel de l’économie capitaliste où il se déploie, économie où une bonne partie des coûts environnementaux ne sont pas et ne peuvent d’ailleurs être comptabilisés et où les coûts sociaux entrent en compte sous forme de salaires direct et socialisé et d’impôts. En pratique, les flux monétaires, étrangers à l’écosystème biologique, sont tout aussi caractéristiques d’un système industriel que les flux de matière et d’énergie, ces derniers ne peuvent d’ailleurs être compris indépendamment des premiers. Un système économe en matière et en énergie peut donc être non viable dans l’économie réelle si cette économie de coûts ne compense pas des coûts plus élevés en terme de salaires ou d’impôts par exemple. Ainsi donc vouloir comparer système industriel et écosystème indépendamment du fonctionnement de l’économie dans son ensemble ne peut qu’entretenir des illusions dans un réformisme industriel fondé sur des mesures organisationnelles et techniques, dont la seule pertinence ne saurait garantir la mise en œuvre ou la pérennité. Le fait que l’homme par son activité propre puisse modifier et même détruire des écosystèmes n’implique pas que toute activité humaine puisse être considérée comme un écosystème. Si l’homme n’échappe ni aux lois de la physique ni à celles de la biologie, s’il fait bien partie de la biosphère et ne saurait s’en affranchir, il n’en reste pas moins que les activités qu’il déploie ne peuvent être comprises sans faire appel à des catégories d’analyse propres au mode de fonctionnement des sociétés humaines, non réductibles à des principes biologiques ou physiques.
La sphère humaine, incluse dans la biosphère dont elle dépend, n’en a pas moins des principes d’organisation et de régulation non présents dans le reste de celle-ci, principes par ailleurs historiquement produits et en constante évolution. Les agroécosystèmes que semble évoquer Erkman (comme catégorie d’écosystème industriel, ce qui ne manque pas de sel...) sont des écosystèmes profondément modifiés par l’homme au cours du temps, qui ont intégré une activité humaine qui a appris à calibrer son mode d’intervention de façon à respecter l’autonomie de la régulation biologique. S’il s’agit d’un cas limite, ce n’est absolument pas un contre-exemple, en ce sens que les deux sphères conservent leur autonomie et leurs principes d’organisation et de régulation propres.
D’autre part, il faut souligner que l’analogie entre écosystèmes industriel et biologique est permise par une vision réductionniste de l’écosystème biologique, résumé à un flux de matière et d’énergie. Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la fécondité des analyses écologiques s’appuyant sur une compréhension et une quantification de ces flux, mais d’insister sur le fait qu’un écosystème ne saurait y être réduit. En effet, l’interaction entre êtres vivants, consubstantielle à tout écosystème, met en œuvre bien d’autres éléments que la seule logique d’économie de matière et d’énergie. D’autre part, un écosystème industriel ne saurait être décrit comme un système d’interaction entre êtres vivants, d’une part parce que l’homme y est souvent le seul être vivant, et d’autre part parce que celui-ci est un être vivant très particulier, doté d’une conscience développée, vivant en société et produisant une culture. Il lui manque donc un des éléments clés permettant de caractériser tout écosystème. L’analogie n’est donc rendue possible que par l’opération de réduction : cette opération permet de décrire l’écosystème comme un système bouclé de circulation de matière et d’énergie, ce qu’il n’est en réalité jamais (8). On peut alors à bon compte réformer le système industriel comme si le capitalisme n’existait pas, sans parler de le remettre en cause.
Autant bâtir des châteaux en Espagne ? Mais non semblent répliquer les écologues industriels en mettant en avant l’exemple déjà cité de Kalundborg, qualifié sans guillemet de symbiose industrielle par Erkman. Dans cette petite ville danoise, la centrale électrique au charbon utilise l’eau usée d’une raffinerie de pétrole pour son refroidissement et fournit de la vapeur à une grande usine de biotechnologie, qui produit des boues utilisées comme engrais. Une unité de désulfuration lui permet de synthétiser du gypse à partir du soufre normalement rejeté, gypse vendu à une société de construction. Etc... Il s’agirait « d’un processus spontané, qui s’est progressivement mis en place sur des bases commerciales, où toutes les entreprises y trouvent leur compte » (9). On apprend cependant « (qu’) on peut relever des distorsions économiques. Par exemple, Kalundborg n’est pas desservie par un gazoduc, afin de prévenir une concurrence qui serait fatale au chauffage à distance. En effet la chaleur fournie par le réseau transportant la vapeur (de la centrael électrique) revient nettement plus cher aux particuliers que ne le serait le chauffage au gaz. » (10)
Le spontanéisme du marché semble avoir ses limites, et sans doute faudrait-il regarder d’un peu plus près la genèse de cet exemple publicitaire. Si Kalundborg montre que les « déchets » produits par certaines industries peuvent être les matières premières d’autres processus de production, on est loin du bouclage écologique : le cycle de l’eau n’est pas bouclé, des boues d’épuration sont rejetées comme engrais, et bien sûr la centrale électrique produit du CO2, gaz à effet de serre qui se dissipe dans l’atmosphère. On est donc loin de l’écosystème industriel souhaité, contrairement à ce qu’on veut parfois nous laisser croire. Et tout indique que cette symbiose n’a pu s’établir ni se maintenir par les seuls mécanismes marchands. On voit bien par exemple que ce bel édifice est menacé en permanence par la délocalisation d’un de ses chaînons.
L’écologie industrielle joue par ailleurs d’une autre ambiguïté, celle du périmètre de délimitation de l’écosystème : est-ce une usine, un réseau d’usines reliées entre elles fonctionnellement et non seulement économiquement, une branche dans son ensemble ou la totalité du système industriel ? L’écosystème comme en écologie peut être sans doute défini à différents niveaux, mais encore faut-il tenter de les articuler. Or coexistent un discours général sur le système industriel comme écosystème et des exemples micro-économiques d’écosystèmes industriels, comme celui de Kalundborg. L’analyse ne devient précise que dans ces derniers cas où elle tend à se réduire à un discours technique. Les flux financiers sont réduits à la notion de coûts, et l’angle de vue microéconomique permet d’escamoter les facteurs liés à la société et à l’économie dans son ensemble dans la compréhension du fonctionnement du prétendu « écosystème industriel ». Il n’y a donc guère de danger que l’on s’interroge sur les déterminants sociaux du coût bas de telle matière, donc par exemple sur l’existence d’un marché dominé par de grandes firmes transnationales opérant dans tel pays du Sud ; etc...
Il est frappant de constater combien le discours de l’écologie industrielle est un discours d’ingénieur faisant abstraction de l’économie réelle comme système capitaliste. Celui-ci n’est pratiquement jamais évoqué sinon sous le vocable flou et mystificateur de « marché » (11). Les différents textes rassemblés dans le livre de Dominique Bourg, Le nouvel âge de l’écologie (12), où il défend le projet d’écologie industrielle, sont tout à fait symptomatiques de ce fait. Voici ce que cet auteur écrit : « J’en viens à un autre lieu commun de la littérature écologique, l’opposition entre le marché et l’industrie d’un côté et le respect de la Biosphère de l’autre. Concernant le marché, si l’on veut bien dépasser la vulgate qui tient lieu de libéralisme aujourd’hui, on peut aisément s’entendre. Le marché n’est ni une fin en soi, pas plus que la richesse matérielle d’ailleurs, ni un opérateur magique. Les récents incidents et accidents (...) suffisent à nous rappeler l’importance d’un encadrement juridique et politique du marché (...). Mais le marché n’en reste pas moins le seul outil économique efficace que nous connaissions.(...) Il n’est plus possible non plus de se satisfaire d’une opposition frontale entre industrie et environnement ; l’écologie industrielle ouvre la possibilité de repenser de fond en comble et plus encore de transformer, les relations industrie/société/nature. » (13)
Défense (mesurée) du marché comme si le capitalisme mondialisé n’existait pas, comme si le choix portait sur un instrument technique ayant avantages et inconvénients, le marché, et d’autre part affirmation de la conciliation possible entre industrie et environnement là encore en faisant abstraction de qui détient et dirige cette industrie. Voilà donc le programme du réformisme écologique : encadrement du marché et réforme industrielle. Et ceci alors que « nous avons au mieux une trentaine d’années pour réduire des dégradations irréversibles » (14). Comment mettre en place les solutions prônées par l’écologie industrielle alors que les grandes firmes procèdent à un arbitrage entre les localisations possibles de leurs investissements d’après un comparatif global des coûts entre pays, entre régions et même entre communes, profitant du dumping fiscal, social et environnemental qu’elles renforcent par là même ? Comment mettre en place ces solutions alors que les grands moyens de production et d’échange sont entre les mains d’une petite minorité qui entend les diriger de façon à maximiser ses profits et donc à réduire ses coûts ? Comment construire des synergies entre activités alors qu’aucun instrument de planification efficace n’existe ? Autant de questions que l’on évite de se poser pour éviter d’y avoir à y répondre.
On peut alors se bercer d’illusions sur la perspective d’une économie de fonctionnalité où l’on vendrait des services plutôt que des biens. Le constructeur de voitures louerait des véhicules plutôt que de les vendre, ce qui l’obligerait à concevoir des véhicules faciles à maintenir, durables mais aussi évolutifs, l’optimisation des coûts allant de pair avec la minimisation des flux de matière et de pollution induite (15). Pourquoi donc les capitalistes n’utilisent-ils pas cette voie apparemment beaucoup plus rationnelle semblent se demander nos auteurs sans vraiment y répondre ? C’est sans doute que le point de basculement où telle industrie aurait plus intérêt à vendre un service plutôt qu’un bien est loin d’être atteint dans bien des cas, ce qui ne signifie pas qu’il ne peut pas l’être dans certains secteurs particuliers. Des facteurs lourds s’y opposent, parmi lesquels : le bas niveau actuel des cours de beaucoup de matières premières n’incitant guère à minimiser les flux de matière ; un mode de réalisation des profits, facilité par une consommation active conditionnée par l’obsolescence programmée des produits susceptible d’être directement mis en cause par la production de biens pouvant évoluer de manière modulaire ; enfin, un niveau de qualification et de rémunération de la main d’œuvre susceptible de s’accroître de manière significative avec la montée en puissance de la maintenance au détriment de la fabrication. La solution environnementale du problème industriel n’est pas un simple problème technique et organisationnel interne.
Prétendant à l’objectivité, les écologues industriels réfutent toute perspective politique : « contrairement à la plupart des discussions actuelles sur les questions d’environnement, l’écologie industrielle ne s’aventure pas sur le terrain de l’écologisme politique » déclare Erkman. On a vu pourtant que l’écologie industrielle loin d’être à l’heure actuelle une branche d’une discipline scientifique se fait souvent rattraper par une politique dont elle prétend se tenir à l’écart, ce dont témoigne notamment son parti pris « marchand ». Il serait toutefois injuste de dénier à ces auteurs l’intérêt de leurs apports. Le livre d’Erkman contient ainsi des analyses utiles et intéressantes sur les limites des techniques de dépollution agissant en fin de process (« end of the pipe ») ou encore sur les limites de la dématérialisation vantée par certains. Les études de « métabolisme industriel » sont ainsi particulièrement utiles, mais elles sont apparues bien avant l’émergence de l’écologie industrielle telle qu’elle se définit aujourd’hui.
On ne saurait donc sous prétexte de remettre en cause le capitalisme reporter ces études à plus tard. Au contraire, l’étude des flux de matière et d’énergie permet d’illustrer de manière à la fois simple et puissante l’irrationalité sociale et écologique du système. Sa gourmandise irresponsable en eau, en pétrole ou en pesticide par exemple. Erkman rappelle ainsi l’exemple du jus d’orange. 80% du jus d’orange consommé en Europe provient du Brésil. Pour chaque tonne de jus d’orange consommé, il a fallu cent kilos de pétrole (procédé de concentration du jus et transport), et pour chaque verre de jus d’orange consommé il a fallu vingt deux verres d’eau, le jus étant d’abord concentré pour le transport puis dilué à l’arrivée. En tout on estime que 25 kilos de matière sont nécessaires à la fabrication d’un litre de jus d’orange consommé en Europe. Aux Etats-Unis, le jus d’orange est fabriqué sur place mais il faut irriguer et chauffer contre le gel de printemps : résultat, il faut en moyenne 1000 litres d’eau et deux litres de pétrole pour produire un litre de jus d’orange (16).
Quelle conclusion tirer de ces chiffres ? Au-delà du caractère anecdotique de l’exemple, des arbitrages sont à l’évidence nécessaires sur le type de bien à produire, à transporter, sur la localisation de telle ou telle production, etc... Aujourd’hui, il sont laissés au marché, c’est-à-dire en réalité aux dirigeants des grandes firmes capitalistes. Ce type de décision échappe ainsi à tout contrôle démocratique : ce qui signifie que nous vivons dans une démocratie singulièrement atrophiée où nous sommes dépossédés de notre part de souveraineté sur une partie essentielle du fonctionnement de la vie sociale, qui concerne par ailleurs la vie concrète de chacun quotidiennement.
Au-delà de l’enjeu démocratique, il y a donc nécessité d’une « écologie politique du développement industriel » pour reprendre l’expression employée par Jean Paul Deléage (17). Dans la perspective écosocialiste ici défendue, un changement de société ne saurait se concevoir sans bouleversement de l’appareil productif dans son ensemble pour des raisons tant sociales qu’écologiques. Si il n’y a pas de solution immédiatement simple et de toute façon unique à cette question, qu’en outre cette solution ne saurait être esquissée en dehors d’un débat démocratique à une large échelle, nationale et internationale, il est essentiel de développer une critique actuelle de l’irrationalité du système productif . La sous valorisation des coûts écologiques et sociaux des transport aérien, maritime et routier ou encore les cours dérisoirement bas des matières premières de base pour ne prendre que ces deux exemples permettent de façonner une structure productive spécifique, profondément irrationnelle eu égard à une humanité soucieuse de préserver durablement la biosphère qui conditionne son existence, structure dont il est nécessaire de contester la gestion, l’organisation, la délimitation et la localisation. Loin d’être en contradiction, même si leur conciliation peut être source de difficultés, les critiques sociale et écologique viennent alors en renfort l’une de l’autre et appèlent à la formulation d’un programme unifié (18).
Notes
(1) Publié en français dans Pour la science, n°145, novembre 1989, pp. 106-115
(2) Suren Erkman, Vers une écologie industrielle, comment mettre en pratique le développement durable dans une société hyper-industrielle, Charles Léopold Mayer, 1998, p. 9
(3) op.cit., p. 39
(4) Un écosystème est l’ensemble formé par un milieu et les organismes vivants, animaux, végétaux et bactériens qui l’occupent et leurs interactions
(5) op. cit., p. 9
(6) op. cit., p. 23
(7) Le fait de parler d’écosystème biologique ne signifie nullement que l’homme n’y prenne pas part. Il n’y a d’ailleurs aujourd’hui aucun écosystème auquel l’homme ne prenne part de manière plus ou moins importante. L’homme n’est cependant qu’un élément de ce système, même si son action peut être destructrice.
(8) Rappelons par exemple que l’énergie du système vivant provient du soleil , mais qu’elle n’y retourne pas. Plus de soleil, plus de vie sur terre. Par ailleurs, les écosystèmes communiquent entre eux par des flux de matière, aucun d’eux n’est donc bouclé.
(8) Erkman, op. cit. , p. 26
(9) op. cit., p. 28
(10) Voir sur ce point, Henri Jorda et Franck-Dominique Vivien, « L’écologie industrielle : une stratégie pour le développement durable ? », dans, Jean-Paul Maréchal et Béatrice Quenault (Direction), Le développement durable, une perspective pour le XXIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, 2005, pp. 296s
(11) Dominique Bourg, Le nouvel âge de l’écologie, Charles Léopold Mayer et Descartes et Compagnie, 2003
(12) op. cit., pp. 184 et 186
(13) op. cit., p. 196
(14) Voir, Erkman, op. cit., pp. 127-137, et Bourg, op. cit., pp. 192-193 et 196-197.
(15) Erkman, op. cit., pp. 63-64
(16) Jean Paul Deléage, « L’écologie scientifique de la nature à l’industrie ? », Ecologie et politique, n° 25, 2002, pp. 62s
(17) Voir à ce sujet, Christine Poupin et Laurent Garrouste, « A propos d’AZF : l’urgence d’un programme social et écologique », Ecologie et politique, n° 29, 2004, pp. 135-151