GRÈVES : Conflits en cascade
Le printemps s’annonce riche en luttes. Serait-ce que Mai 68 n’est pas oublié ? On verra plus tard si les statistiques de grèves explosent mais, tous les jours, des conflits bourgeonnent. Début 2004, la lutte tenace des chercheurs rassemblés dans Sauvons la recherche annonçait la raclée électorale de Raffarin. Eh bien, c’est reparti ! Mardi 4 mars, les chercheurs, ont assiégé leur ministère contre l’absence d’emplois dans le budget 2008.
Le 5 mars, Olivier Besancenot rendait visite aux 160 salariés de Lenoir et Mernier (Ardennes) mobilisés contre un patron voyou, membre de l’UIMM, qui a mis leur usine de boulons en liquidation judiciaire. Ils veulent 50 000 euros d’indemnisation pour « préjudice moral subi », 30 fois moins que Gautier-Sauvagnac ! Lundi 3 mars, les ouvriers avaient bloqué la gare, aussitôt assaillis par les gendarmes. Les salariés de l’Oréal, qui avaient fait une grève historique, le 18 février, obtiennent le principe d’augmentations générales de salaires, pour la première fois depuis quatre ans.
À BNP-Paribas, FO et la CGT appellent à une journée, le 9 avril. Dans la grande distribution, après la grève historique sur 500 sites, le 1er février, la CGT et la CFDT appellent à une nouvelle action unitaire, les 22 et 23 mars, le week-end de Pâques. Certaines enseignes acceptent de revoir les contrats partiels jusqu’à 35 heures par semaine. Chez Prisma presse (Voici, Capital, Téléloisirs, Femmes actuelles), les salariés en grève ont obtenu 1 300 euros par an pour les salaires mensuels inférieurs à 2 300 euros, un peu moins pour les plus élevés. À la Régie des transports marseillais (RTM), les salariés se sont mis en grève pour leurs salaires, après avoir eu la garantie que les lignes futures seraient gérées par le service public.
La Banque centrale européenne (BCE) prétend ne pas vouloir tolérer une « spirale inflation-salaire ». Et pour la spirale profits-inflation, que fait-elle ? Une chose est certaine, ce ne sont pas les salaires qui causent la hausse des prix. Monsieur Danone, vos yaourts ont pris 40 % : à cause du lait peut-être ?
Dominique Mezzi
* Paru dans Rouge n° 2242, 06/03/2008.
SNECMA : Bras de fer sur les salaires
Après deux semaines de grève, les salariés de la Snecma poursuivent leur lutte pour les salaires (lire « Rouge » n°2241). Pour l’instant, la direction cherche la provocation et la répression plutôt que la négociation.
Après deux semaines de grève à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), où la production a été quasiment paralysée, et une semaine de débrayages massifs à Corbeil (Essonne), la direction de la Snecma a enfin fait une proposition aux syndicats et aux grévistes, qui réclament une augmentation de 150 euros mensuels. Elle annonce une prime de transport de…15 euros !
Loin d’être inactive, elle a aussi envoyé à cinq salariés (quatre à Gennevilliers et un à Corbeil) des lettres de convocation à un entretien préalable pour « sanction pouvant aller jusqu’au licenciement ». Ils sont visés pour de prétendus dégâts occasionnés lors de la visite des grévistes au siège social du groupe constructeur de moteurs d’avion à Courcouronnes (Essonne). La direction ose parler de plus de 100 000 euros de dégât pour deux poignées de porte cassées et quelques bananiers renversés. Les salariés convoqués auraient été sélectionnés après visionnage de bandes vidéo par des cadres zélés.
La Snecma semble d’ailleurs spécialiser ses cadres dans le mouchardage. Mercredi 27 février, les grévistes de Gennevilliers et de Corbeil sont allés rencontrer les salariés de Villaroche (Seine-et-Marne). Des cadres de ces usines y ont été dépêchés pour espionner les manifestants. Cela n’a pas empêché le succès de la manifestation, combative et dynamique, qui a regroupé près de 1200 salariés des trois sites et qui restera dans la mémoire des participants.
Le lendemain, deux cars de grévistes de Gennevilliers allaient rencontrer les salariés de Snecma-services, une filiale spécialisée dans la réparation des moteurs à Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines) où, là aussi, les salariés luttent pour des augmentations de salaires alors que les patrons répriment avec des menaces de licenciement. Les salariés ont eu la satisfaction de pouvoir se rencontrer et montrer leur force. La semaine s’est terminée, à Gennevilliers, par un « barbecue de lutte » avec blocage des portes pendant une bonne partie de la journée.
À l’heure où nous écrivions, nous ne savions pas encore comment serait perçue l’aumône de 15 euros de la direction. En tout cas, à Gennevilliers, les menaces de licenciement ont réveillé la combativité de certains, au moment où la lassitude commençait à se faire sentir après deux semaines de grève.
Il faudra que la direction améliore nettement ses propositions salariales et qu’elle abandonne ses prises d’otages, si elle veut que la production reprenne dans de bonnes conditions. Elle devait d’ailleurs en avoir conscience, puisqu’elle avait prévu une nouvelle séance de négociations, le mercredi 5 mars. La veille, un rassemblement des différents sites était prévu à Gennevilliers, dont le succès devait être déterminant pour la suite.
Correspondant
* Paru dans Rouge n° 2242, 06/03/2008.
(Voir aussi ci-dessous)
FORD BLANQUEFORT : La lutte continue
Les salariés de Ford Aquitaine Industries de Blanquefort (Gironde) ont dû lever les barrages qu’ils avaient mis en place pour protester contre la fermeture de leur usine de boîtes de vitesses automatiques. Mais la mobilisation continue .
Après neuf jours et demi, c’est seulement par une décision de justice que la direction de Ford Aquitaine Industries a réussi à stopper le mouvement de blocage des entrées et sorties de marchandises sur le site. Tout ce qu’elle avait tenté auparavant a échoué : courriers d’intimidation, venue de dirigeants de Ford Europe, chômage technique imposé, rien n’y a fait. Elle a sous-estimé la détermination des salariés, chacune de ses tentatives a renforcé la mobilisation. Il y a eu quelques hésitations, dans l’intersyndicale, mais la colère des salariés a permis de faire tenir le mouvement.
Lors de la reprise du travail, après trois jours de chômage technique, les salariés ont appelé à un débrayage, très bien suivi (80 % du personnel). Il s’agissait de montrer à la direction que la détermination était intacte et que la mobilisation allait continuer sous d’autres formes. Des négociations vont peut-être commencer, un médiateur ayant été nommé par le juge, mais il ne faut pas relâcher la pression. Depuis la fin du blocage, les opérations visibles à l’extérieur se multiplient : opération escargot, manifestations devant les concessionnaires Ford, distributions de tracts, prise à partie des candidats Alain Juppé (UMP) et Alain Rousset (PS) pendant leur campagne municipale pour Bordeaux. Les médias sont prévenus à chaque fois et les actions réunissent à chaque fois entre 50 et 100 personnes.
Les salariés maintiennent la pression sur la direction et sur les pouvoirs publics. À chaque fois, il est rappelé que Ford emploie près de 2 000 salariés, que l’entreprise a un impact sur plus de 10 000 emplois indirects dans la région et, qu’en deux ans, plusieurs usines de la région ont fermé, comme Arena, Soferti, First Metal et, bientôt, Solectron. Le discours sur l’État qui ne pourrait rien contre les multinationales et sur les pépinières d’entreprises qui naîtraient chaque jour en remplacement des industries qui disparaissent est démonté. Tout cela n’est que du baratin. Il faut empêcher la fermeture des usines. Il s’agit d’un choix politique. L’État sait bien intervenir quand il s’agit de donner des subventions à une entreprise, comme Ford qui fait des profits, ou de contrer les salariés en lutte en faisant appel à la justice pour ordonner la levée des barrages et infliger des amendes (2 500 euros pour les syndicats).
Dans l’usine, l’ambiance reste à la mobilisation, même si la fin du blocage a inévitablement suscité une baisse de moral. Ne pouvant plus user de ce formidable moyen de pression, les salariés se demandent comment maintenir celle-ci. La grève totale est une solution, mais elle va être compliquée, car les salaires sont bas et de nombreux employés sont endettés ou au bord de l’être. Ce qui rassure, c’est l’impact de la lutte dans la région, le soutien des mairies, de la population, des salariés aux alentours. Partout où les salariés sont allés, ils ont reçu des messages de sympathie. Même les gendarmes ou les policiers, côtoyés pendant les actions, ont exprimé leur solidarité ! La fermeture de l’usine apparaît pour beaucoup comme inéluctable. Malgré cela, il y a une volonté de ne pas baisser la tête, de se battre pour conserver sa dignité, et de mener la bataille jusqu’au bout.
Correspondants
* Paru dans Rouge n° 2242, 06/03/2008.
SMOBY : Prolonger la mobilisation
Smoby est en liquidation judiciaire. Cette entreprise de production de jouets, issue de la tradition artisanale du Haut-Jura, est devenue une multinationale employant 2 300 personnes à travers le monde, dont un peu plus d’un millier dans le Jura. Possession de la famille Breuil, la gestion hasardeuse de cette dernière a entraîné, il y a un an, l’arrivée de nouveaux investisseurs pour éviter la faillite. La famille Breuil a choisi l’entreprise américaine MGA, cette dernière lui offrant les meilleures garanties de pérennité de son pouvoir familial.
Très rapidement, il est apparu que MGA ne pouvait faire face à ses engagements en termes d’investissements. Les débiteurs ont alors repris l’offensive et Smoby a été mise en redressement judiciaire, en octobre 2007. Depuis, les éventuels repreneurs se succèdent (on en a compté jusqu’à dix) avec une constante : supprimer le maximum d’emplois. Ceux qui sont présentés comme les plus crédibles proposent de ne garder que 400 personnes environ, soit moins d’un salarié sur cinq. Un « tsunami social » se profile dans les hautes vallées jurassiennes. Pourtant, rien ne le justifie, car les ventes de Noël ont été bonnes et le marché du jouet est porteur.
Rien n’est cependant joué. Lors de l’examen des diverses offres de reprise, plus de 500 salariés des diverses entreprises du groupe se sont mobilisés devant le tribunal de commerce de Lons-le-Saunier. Si un certain désarroi s’exprime, la réussite de cette manifestation montre les potentialités de la mobilisation. Il est nécessaire d’offrir des perspectives de lutte claires. Une partie des organisations syndicales a entériné la destruction des emplois et se préoccupe déjà de la gestion du plan social. L’attitude de la CGT est plus problématique. Alors que personne ne connaît vraiment les détails des offres, cette dernière exprime sa préférence pour un des repreneurs potentiels, comme elle l’avait fait précédemment pour MGA.
La première revendication à mettre en avant est de faire lumière sur ces propositions et les soumettre au débat public. L’opacité du fonctionnement du capitalisme n’est pas une fatalité. La mobilisation, pour obtenir des informations précises sur les plans sociaux prévus, permettrait d’associer les salariés à la compréhension de leur sort. C’est seulement sur la base d’une réelle information de la situation de l’entreprise qu’une prolongation de la mobilisation peut être envisagée.
Correspondant
* Paru dans Rouge n° 2242, 06/03/2008.
SUICIDE. Un conseiller en patrimoine financier de la BNP-Paribas s’est suicidé sur son lieu de travail, à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), laissant une lettre évoquant des problèmes à son travail. Sa femme a porté plainte contre X et la CGT s’est portée partie civile, indiquant que le salarié avait été convoqué par sa direction, qui lui reprochait un manque d’efficacité et aurait évoqué une possible mutation. Encore un cas d’intolérable souffrance au travail.
DEUX POIDS, DEUX MESURES. Alors que l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) a accordé une indemnité de 1,5 million d’euros à son président pour qu’il se casse et se taise, elle refuse d’accorder une indemnité de 50 000 euros à chaque salarié de l’usine Lenoir et Mernier de Bogny-sur-Meuse, mise en liquidation à cause des malversations d’un patron voyou, membre de l’UIMM. Lundi 3 mars, les salariés de l’usine qui occupaient les voies à la gare de Charleville-Mézières ont été violemment réprimés par les forces de gendarmerie.
* Paru dans Rouge n° 2242, 06/03/2008.
Mars attaque
Le mois de mars pourrait voir se conjuguer la sanction politique contre Sarkozy et la mobilisation sociale. Niveau et avenir des retraites, pénibilité et usure au travail sont les thèmes des rendez-vous d’actions annoncés les 4, 6 et 29 mars.
Le 4 mars, quinze fédérations de la CGT – dont le bâtiment, la métallurgie, les cheminots… – appellent à des manifestations devant les sièges locaux du Medef. Pour protester le plus fort possible contre le sabotage délibéré du Medef qui, depuis trois ans, refuse que des obligations contraignantes de réparation et de prévention s’imposent pour permettre des départs anticipés en retraite en bonne santé. Et rétablir une forme d’égalité face à l’espérance de vie, lorsqu’on s’est usé le corps sur des chantiers, ou les poumons dans des vapeurs toxiques. Le 6 mars, l’ensemble des unions syndicales de retraités appelle à manifester pour le niveau des pensions. Et, le 29 mars, la CGT, la FSU et Solidaires organisent de grandes manifestations unitaires, ouvertes à d’autres, pour prendre les devants face aux intentions annoncées de faire reculer, une nouvelle fois, les droits interprofessionnels à la retraite (augmentation des annuités notamment).
Mais qu’est-ce que la retraite, sinon la continuité du salaire après une vie de travail subordonné ? Bons salaires, bonnes pensions, meilleures conditions de travail pour jouir d’une retraite en bonne santé, tout s’enchaîne pour faire de ces journées des relais d’une contre-offensive. Sarkozy doit subir une défaite sur les exigences sociales, après avoir chuté de son piédestal élyséen. Tout indique que la première mobilisation de l’automne 2007, pour la défense des régimes spéciaux, pouvait s’accompagner d’une extension interprofessionnelle pour les salaires. L’appel de la CFDT, de la CGT et de FO du 1er février dans le commerce, secteur surexploité soumis à la répression patronale, a été un succès, qui s’est prolongé par des grèves dures (Carrefour Marseille). Tous les jours, des luttes salariales éclatent. Le mois de mars pourrait être celui du « tous ensemble ».
A NOTRE AVIS
* Rouge n° 2241, 28/02/2008.
SNECMA : Pour 150 euros de plus
Partie du site de Gennevilliers, une grève pour les salaires touche la Snecma. Un mouvement encourageant.
Lundi 18 février, un atelier du secteur forges du site Snecma de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) se met en grève pour les salaires. Le lendemain, c’est au tour du secteur fonderie et, le mercredi, la production est presque entièrement paralysée. La revendication des grévistes ? 150 euros d’augmentation pour tous. Cette revendication n’est pas issue d’une plateforme syndicale ; elle a d’abord été avancée par un autre atelier des forges, qui a partiellement obtenu satisfaction, avec des « rallonges » étalées sur deux ans. Du coup, les salariés s’en sont emparé, et elle fait maintenant consensus parmi les grévistes.
Les salariés de la Snecma ont de bonnes raisons d’être en colère. En 2008, la direction n’a proposé qu’une augmentation de 1,8 %, donc nettement en dessous des prévisions officielles, en dépit du fait que, pendant plusieurs années, les salaires ont couru après les prix.
Au même moment, le groupe Safran, holding de la Snecma, qui a servi à la privatisation de l’entreprise, annonce des bénéfices net de 406 millions d’euros, doublés par rapport à 2006, pour un chiffre d’affaires de 706 milliards d’euros (+51 %). De plus, la direction a octroyé aux 200 plus hauts dirigeants une prime égale à 10 % de leur salaire annuel, soit une hausse mensuelle moyenne de 650 euros, sans compter la rémunération de leurs stock-options… Ce double sentiment d’injustice, quant aux salaires cassés par la hausse des prix et l’inégalité complète dans la répartition des richesses créées, explique et justifie la colère des salariés de Gennevilliers.
Le mouvement a d’abord surpris les militants – qui pouvait l’imaginer, il y a seulement un mois ? –, puis les syndicats de l’usine : CGT, CFDT et même FO sont entrés à fond dans la lutte. Sur un effectif d’environ 1 600 salariés, 400 sont en grève de 24 heures reconductible, et autant participent à des actions et à des débrayages quotidiens ; les premiers sont surtout des ouvriers de production, les seconds viennent des bureaux et méthodes.
La force motrice de ce mouvement, ce sont les jeunes des ateliers de production ; leur détermination et leur dynamisme confirment qu’une nouvelle génération entre en scène. Ce sont eux qui ont assuré le succès de la journée du 22 février, où nous avons pu défiler dans les ateliers de l’usine de Corbeil (Essonne), malgré le bouclage des portes. Le dynamisme des grévistes de Gennevilliers a fortement impressionné les salariés de Corbeil, et il a encouragé celles et ceux qui veulent riposter à la direction, malgré l’importante division syndicale sur le centre, du fait d’une CFDT très à droite. Ensuite, les salariés de Corbeil et de Gennevilliers se sont rendus, en manifestant, au siège social de la Snecma, dans la zone industrielle. Les hauts responsables voulaient s’y barricader et nous ignorer. Mal leur en a pris, ils se sont trouvés rapidement bloqués dans leur bureau. Ils ont dû accepter de recevoir une délégation, à laquelle ils ont annoncé qu’ils feraient de nouvelles propositions, le mercredi 27 février.
Au final, cette journée réussie a conforté le moral des grévistes et a donné des résultats. Lundi 25 février, à Corbeil, on comptait 150 salariés en grève de 24 heures reconductible et 300 autres en débrayage. L’élargissement du mouvement aux autres centres Snecma sera déterminant pour le succès de cette lutte. Les salariés de Gennevilliers ont peu de chances de gagner seuls dans le groupe. Pour œuvrer à cet élargissement, tout en consolidant la grève sur le site de Gennevilliers, les propositions sont faites et discutées en assemblée générale des grévistes.
La grève a franchi une première étape ; la prochaine devait être le mercredi 27 février, avec les annonces de la direction. En tout cas, les grévistes de Gennevilliers sont fiers de leur mouvement, et ils sont sûrs que la direction devra, à l’avenir, les respecter.
Correspondant
* Rouge n° 2241, 28/02/2008.
À Prisma, la grève paie
Le 15 janvier, les négociations annuelles sur les salaires (NAO) ont débuté chez Prisma (groupe de presse qui édite Voici, Télé-Loisirs, Télé 2 semaines, Géo, Femme actuelle…). La direction proposait une augmentation de 1,2 % pour 80 % du personnel. Les élus avaient appelé à un soutien des salariés qui, excédés par la volonté de la direction de ne rien céder, ont débrayé au bout d’une demi-journée sur l’ensemble des titres. Cette grève pour les salaires est une première à Prisma, depuis 1999 et le combat pour les 35 heures. À partir d’une demande commune de 130 euros pour tous, les salariés ont obtenu 100 euros pour tous, au bout de trois jours de grève, ce qui constitue une victoire sans précédent.
L’accord prévoit une augmentation collective de 1 300 euros par an pour les salaires inférieurs à 2 300 euros mensuels et de 1 200 euros par an pour les salaires compris entre 2 300 et 3 800 euros. Il instaure 2,5 % d’augmentation pour les rémunérations supérieures à 3 800 euros (avec un plafonnement à 4 500 euros). L’accord prévoit également le paiement des jours de grève.
Mais, le plus important, au-delà de cette revendication égalitaire (une même somme pour tous), est que la peur a changé de camp. Écrasés et maintenus, depuis des années, dans l’angoisse du chômage, de la précarité et de l’évolution des métiers (Internet et tous les nouveaux supports multimédias), les salariés de tout le groupe ont compris que l’unité des salariés autour de l’intersyndicale est une force irremplaçable.
(Au jour le jour)
SMOBY. Plus de 500 salariés de Smoby se sont rassemblés pour faire pression sur les juges du tribunal de Lons-le Saunier, qui examinaient les offres de reprise du fabricant de jouets, qui emploie plus de 2 300 personnes dans le monde, dont 1 080 en Franche-Comté. Décision le 3 mars.
* Rouge n° 2241, 28/02/2008.
Le commerce en colère
La grève au long cours (du 1er au 16 février) suivie par les caissières du magasin Carrefour Grand-Littoral à Marseille a pris une dimension de « jamais vu ». Tout comme la mobilisation qui a explosé, le 1er février, dans près de 500 magasins de la grande distribution [1]. C’est bien le signe qu’un mouvement revendicatif de fond se fraye en chemin dans ce secteur. À Carrefour Grand-Littoral (près de 600 salariés), la grève du 1er février s’est donc poursuivie, et le magasin a été bloqué. Les grévistes exigeaient une revalorisation générale des salaires, très souvent inférieurs à 1 000 euros, voire 700 euros à temps partiel. Ils demandaient une prime de 250 euros, après l’annonce des bénéfices juteux du magasin, la revalorisation des tickets repas de 3 à 5 euros, pour ne pas être obligés, à la pause, de « choisir entre le sandwich et la boisson » et, enfin, une augmentation du temps de travail pour les temps partiels ;
Le magasin étant bloqué et les livraisons impossibles, la direction a déposé plainte contre les grévistes. La police n’a pas traîné pour intervenir violemment, blessant des grévistes, dont une femme enceinte. D’autres magasins Carrefour ont débrayé aussitôt, par solidarité. Des négociations ont fini par se tenir et la CFDT, majoritaire, a signé un accord. La CGT n’a pas signé, mais elle a accepté l’arrêt du conflit pour maintenir l’unité. Les grévistes ont obtenu une revalorisation d’un euro du ticket repas et quelques heures de plus pour les temps partiels, plus 80 000 euros de subvention au comité d’entreprise.
(Au jour le jour)
* Paru dans Rouge n° 2240, 21/02/2008.
AUCHAN : Caissières méprisées
En septembre 2004, dans le Sud-Ouest, 29 caissières de plusieurs magasins Auchan étaient licenciées. L’affaire avait fait grand bruit et suscité la révolte, tant du côté des salariés que des clients. Dans ce secteur, où règnent, en permanence, l’arbitraire, les pressions de l’encadrement et les salaires misérables, les 29 – certaines avec de nombreuses années d’ancienneté – avaient été jetées à la rue pour faute grave, vol, utilisation de quelques bons de réduction laissés par des clients. Devant le scandale soulevé, la direction d’Auchan avait, très partiellement, reculé, en réintégrant six d’entre elles et en réglant la fin de leur CDD à d’autres. Mais ce sont bien 23 salariées qui restèrent sur le carreau. Treize d’entre elles ont poursuivi Auchan en justice avec obstination.
En janvier 2006, dans cette affaire opposant quelques salariées « de base » à la richissime famille Mulliez, le tribunal des prud’hommes de Bordeaux n’avait pu se prononcer, et il avait renvoyé l’affaire devant le juge départiteur. C’est le 12 février dernier que celui-ci a examiné l’affaire. L’avocate de la direction a réitéré ses accusations de vol, le « grave » préjudice causé à Auchan allant de... 12 à 400 euros.
Les avocats des salariées ont montré, de nouveau, la disproportion entre les faits (moins de 2 000 euros utilisés en tout par les treize salariés) et les sanctions, la honte, les pressions intolérables pour « avouer », le chômage, encore aujourd’hui, pour certaines d’entre elles. Sans oublier le fait que la direction d’Auchan a utilisé, sans aucun scrupule, les données personnelles de leurs cartes de crédit pour remonter jusqu’aux caissières.
Mais, le 12 février dernier, le juge, au grand dam des salariées, qui attendent que l’on leur rende justice depuis plus de trois ans, a renvoyé le jugement au 15 mars prochain. S’il n’a fallu que quelques jours à Auchan pour jeter 23 salariés à la rue, trois ans et demi après, les caissières d’Auchan sont toujours dans l’attente.
Correspondant
* Paru dans Rouge n° 2240, 21/02/2008.
LICENCIEMENTS : Les profits contre l’emploi
Kleber, Arcelor, Miko, Imprimerie nationale, Ford… La mobilisation des salariés a mis à la « une » de l’actualité la fermeture de leur usine ou les plans de licenciements qui les frappent, au moment où les grandes entreprises annoncent des bénéfices records.
Lorsqu’ils ont décidé de bloquer leur usine et d’y retenir deux cadres de la direction, les ouvriers de Kleber, à Toul, près de Metz, venaient d’apprendre que le groupe Michelin avait augmenté ses bénéfices de 35 % en 2007, avec 774 millions d’euros. Qu’à cela ne tienne, le PDG, Michel Rollier, annonçait que la fermeture de l’usine, qui jette 826 salariés à la rue, est « inéluctable ». Le trust réorganise la production des 69 sites industriels qu’il possède dans dix-neuf pays, en délocalisant une partie de la production jusqu’alors effectuée dans les vieux pays industriels, vers la Chine et d’autres pays émergents, là où la main-d’œuvre, surexploitée, est moins chère. Pour pouvoir y vendre plus facilement, également, en produisant sur place.
C’est au même objectif de rentabilité que sont sacrifiés, à Gandrange (Moselle), les 600 salariés de l’usine Arcelor-Mittal. Le trust sidérurgique vient, lui, d’annoncer qu’il avait réalisé, en 2007, un bénéfice de… 10,4 milliards d’euros, en hausse de 30 %. Et la liste des licenciements, des fermetures d’usines ou des prévisions de fermetures s’allonge chaque semaine. Sony, Flextronics, Arkema, Charles Jourdan, Ford, Baxter, Dow Chemical, AstraZeneca, cristalleries d’Arques, SKF, et bien d’autres qu’il est impossible de citer… Toutes les régions sont touchées par ces suppressions d’emplois. En Lorraine, par exemple, 5 000 emplois industriels ont été supprimés depuis 2006, et 26 000 depuis huit ans. Sur l’ensemble du pays, 50 000 postes dans l’industrie ont été rayés de la carte l’an dernier, et 65 000 l’année précédente.
Alors qu’à un bout de la chaîne, le résultat en est l’appauvrissement de la population et la désertification de régions entières, à l’autre bout, du côté des gros actionnaires des sociétés du CAC 40, c’est l’explosion des bénéfices. 12,8 milliards d’euros pour Danone, dont les dirigeants s’étaient distingués par leur cynisme au moment de la liquidation de la branche biscuits du groupe, il y a quelques années. 6,3 milliards d’euros pour France Télécom, engagée aussi dans un vaste plan de restructurations. 7,17 milliards pour Sanofi Aventis, qui ne consent à ses salariés que 2,2 % d’augmentation, quand les actionnaires s’octroient 18,6 %. 2,73 milliards pour Renault, 3,55 milliards pour LVMH, le spécialiste de l’industrie du luxe, 12,2 milliards pour Total…
En tout, 60 milliards d’euros de profits ont déjà été annoncés dans les grandes entreprises qui ont publié, à cette heure, leurs résultats. Le record de 2006 – 100 milliards – sera probablement dépassé. Sans triomphalisme excessif de la part des PDG de ces trusts, qui craignent que l’étalage public de leurs bénéfices n’alimente les revendications salariales, comme c’est le cas par exemple dans le groupe l’Oréal, qui a augmenté ses bénéfices de 28,9 % l’an dernier (2,8 milliards d’euros) sans accorder la moindre augmentation générale des salaires à ses employés depuis 2004.
Le gouvernement tente de faire croire à une possible « intervention de l’État » pour sauver les emplois ou inciter les patrons à augmenter les salaires… sans compromettre la rentabilité des grandes entreprises, dont les patrons sont ses donneurs d’ordre. En vain. Comme le disait un des salariés de Kleber, cité par le Journal du dimanche : « [Sarkozy] nous a reçus à l’Élysée le 7 février pour nous dire que l’État ne peut pas s’immiscer dans les affaires d’une entreprise privée. Si c’est pour nous redire des choses comme ça, ce n’est pas la peine qu’il vienne. »
Les bénéfices ne sont en aucun cas une promesse d’emplois ultérieurs, ils ne sont qu’une arme supplémentaire pour mener, sur le dos de la population, la guerre de la rentabilité à l’échelle mondiale. Ces manifestations évidentes de la logique parasitaire des trusts, comme celle de l’incurie de l’État, commencent à s’imposer largement, créant de fait les conditions de la formation d’une conscience de classe, anticapitaliste.
Galia Trépère
VICTOIRE. Dénouement pour la lutte des sans-papiers du restaurant de la Grande-Armée à Paris. Le 18 février au matin, trois des cuisiniers qui occupaient l’établissement, accompagnés de responsables de la CGT et de Droits devant !!, ont été reçus par l’adjoint du préfet de police. Au terme de la négociation, sept régularisations ont été obtenues, avec reconduction du contrat de travail. Un mouvement exemplaire a payé…
BON POUR LE MORAL. Vendredi 15 février, en fin de matinée, les salariés de l’hypermarché de Cora, à Mondelange (Moselle), très remontés contre les résultats de la négociation annuelle sur les salaires, qui s’est conclue le 8 février, ont massivement débrayé et se sont rassemblés sur leur lieu de travail à l’appel de la CGT. Le recours aux contrats à temps partiel, systématiquement imposés par le patronat, place de plus en plus de salariés du commerce, principalement des femmes, sous le seuil de pauvreté. La direction de Cora n’a pas accordé les 60 euros d’augmentation revendiqués mais, sous la pression de la mobilisation, elle a dû concéder 4 % d’augmentation immédiate et un engagement à ce que les contrats à temps partiel ne passent pas en dessous de 28 heures. Le résultat est modeste, mais les acquis obtenus sont bons pour le moral, d’autant que les 2 h 30 de grève seront payées.
MÉPRIS. Jusqu’où ira la direction Silver Point ? Non seulement, c’est un plan social supprimant 309 emplois, mais ce sont des licenciements sans préavis, touchant des handicapés ainsi que des délégués syndicaux. Aucun parti, aucune liste présente aux municipales ne peut laisser passer cela sans rien faire. Un appel syndical à un rassemblement de protestation a été lancé devant la direction du travail pour le mercredi 20 février.
* Paru dans Rouge n° 2240, 21/02/2008.
BONNE NOUVELLE. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’Institut de cancérologie Gustave-Roussy, qui avait été condamné, en appel, à réintégrer une cinquantaine de salariés du nettoyage et de la restauration, transférés à deux sociétés privées et, depuis, licenciés (lire Rouge n° 2204).