Le fleuve San Francisco, dit « fleuve de l’intégration nationale », aujourd’hui divise et mobilise. Tout remonte au jour où, il y a 3 ans, le gouvernement a annoncé le début de travaux pharaoniques pour détourner le cours du fleuve San Francisco. S’en suit une forte mobilisation obligeant le gouvernement à cesser les travaux et à promettre un débat national avec la population civile riveraine du fleuve. Mais les travaux reprennent quelques mois après avec le recours à l’armée et sans débats préalables ni consultation du Congrès, pourtant obligatoire.
L’objectif revendiqué par le gouvernement est de lutter contre la sécheresse du Nordeste, une région semi-aride du nord-est du Brésil, en y drainant l’eau du San Francisco. Cependant les critiques sont vives et portent sur l’aspect autoritaire de la reprise de ces travaux, sur leur prix exorbitant (6,6 milliards de reales soit près de 2,5 millions d’euros) et plus inquiétant encore sur les conséquences humaines et environnementales pour les populations riveraines du fleuve. Ces critiques sont d’autant plus appuyées que l’agence nationale des Eaux a déjà proposé des solutions alternatives.
La grogne est montée d’un cran lorsque les mouvements sociaux ont constaté que, faisant fi des conséquences écologiques et sociales de ce détournement fluvial, le gouvernement privilégiait les enjeux économiques et industriels puisque ces travaux vont permettre d’irriguer les terres des multinationales de l’agro-industrie.
Face à ces constats, la mobilisation s’est organisée. L’initiateur est un évêque de l’état de Bahia, Luis Flavio Cappio, qui s’est mis en grève de la faim dès le début des travaux et a impulsé le mouvement de résistance. Les actions de solidarité et de soutien se sont multipliées dans tout le pays et toutes les catégories sociales se sont investies : étudiants, paysans, syndicalistes… Même la Commission pastorale de la terre ou le Mouvement des sans-terre (MST) [1] se sont opposés de face au projet gouvernemental en organisant, en fin d’année dernière, une grande manifestation de 5000 personnes réunissant l’Eglise, des associations et des intellectuels brésiliens. Une mobilisation qui a amené le tribunal régional fédéral du Nordeste à accepter une requête du Conseil régional de secours hydriques. Le tribunal a ordonné le 11 décembre dernier la suspension des travaux : une victoire significative mais courte, puisque en dépit de la décision de justice, les travaux ont repris dix jours plus tard.
Pour défendre le fleuve qui traverse tout le Brésil les mouvements sociaux se sont unis contre un gouvernement dont ils avaient pourtant été les alliés.
Une mobilisation nationale décidée à ne pas se laisser couler !
La mobilisation continue aujourd’hui. Ainsi, du 25 au 27 février 2008, une conférence des populations du fleuve San Francisco et de la région semi-aride de Sobradinho a été organisée dans l’état de Bahia. Près de 100 mouvements populaires et sociaux y étaient représentés, dont le MST, sans compter 200 personnes sensibilisées à la problématique. A l’issue de cette conférence, les militants se sont organisés pour travailler sur quatre thèmes : l’accès à l’eau, la revitalisation du fleuve, le rejet du projet de transposition et la mise en place d’un développement durable dans la région du fleuve. Les organisations se concentrent désormais sur les actions de sensibilisation afin de contrer la campagne de désinformation massive menée autour de ce projet par le gouvernement. Par ailleurs une journée dédiée au fleuve San Francisco a été fixée au 4 octobre. Sans l’arrêt des travaux, exigé par les associations, la sécheresse va s’accentuer dans les régions que traversent le fleuve. Les riverains sont bien décidés à défendre ce fleuve emblématique du Brésil dont ils ont besoin au quotidien : le Rio São Francisco !
[1] MST : Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra : www.mst.org.br/mst/. Le MST est partenaire de Frères des Hommes.