Le pape Benoît XVI a-t-il eu raison de médiatiser le baptême qu’il a lui-même célébré, le 22 mars, du journaliste italien d’origine égyptienne et musulmane Magdi Allam ? Ce baptême a alimenté une polémique qui illustre les difficultés rencontrées sous son pontificat par le dialogue islamo-catholique.
Jeudi 27 mars, le Vatican a dû se démarquer des déclarations hostiles à l’islam tenues par M. Allam au lendemain de son baptême. Il avait notamment écrit dans le Corriere della sera, dont il est sous-directeur, que « la racine du Mal est innée dans un islam physiologiquement violent et historiquement conflictuel ». « Accepter dans l’Eglise un nouveau croyant ne signifie évidemment pas en épouser toutes les idées », a indiqué le porte-parole du Vatican. « Le pape a pris le risque de ce baptême pour affirmer la liberté de choix religieux », a-t-il précisé, revenant sur un principe martelé par Benoît XVI dans ses rapports avec l’islam.
Dans une lettre ouverte adressée au pape, jeudi, le philosophe algérien Mustapha Chérif, qui l’avait rencontré en tête à tête, en novembre 2006, après son discours controversé de Ratisbonne (Allemagne) sur l’islam et la violence, et qui participe au rapprochement entre le Vatican et le monde musulman, a fait part de son « étonnement » et de sa consternation. Porte-parole des « 138 dignitaires musulmans » engagés dans ce dialogue, Aref Ali Nayed a parlé, lui, de « provocation ».
Ce n’est pas tant la conversion publique d’un musulman qui suscite des réactions que la personnalité du baptisé. « Je suis consterné par le fait qu’en personne vous baptisiez un individu qui depuis des années est connu pour ses attaques virulentes et haineuses contre l’islam, pas seulement contre ses dérives extrémistes, écrit M. Chérif. Ne concevez-vous les relations avec les musulmans qu’en termes, au mieux, de compétition et, au pire, d’affrontements ? »
« NOUVELLE MALADRESSE »
M. Cherif déplore une « nouvelle maladresse » qui peut « remettre en question » ce qui a été « péniblement reconstruit ». Après le discours de Ratisbonne, un voyage pontifical réussi en Turquie avait contribué à renouer le dialogue. Des dignitaires représentant divers courants de l’islam avaient alors écrit au pape pour lui proposer des échanges réguliers. Cette initiative débouchera en novembre sur la tenue du premier Forum catholiques-musulmans, décidée début mars à Rome.
Pour certains spécialistes, le baptême d’un pourfendeur de l’islam fragilise ce processus et évoque « un nouveau Ratisbonne ». Il démontre que des divergences sur l’opportunité de tenir un dialogue apaisé avec des représentants de l’islam persistent dans l’entourage du pape. « Cet événement paraît contradictoire avec les gestes du cardinal Jean-Louis Tauran » - le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux qui prépare la rencontre de novembre -, souligne le père Christophe Roucou, directeur du Service national pour les relations avec l’islam en France.
Le cardinal Tauran a d’ailleurs affirmé qu’il n’avait pas été informé de la préparation du baptême.