Le 18 mars, quatrième ou cinquième journée de grève selon les cas, a été une nouvelle preuve de la forte mobilisation des enseignants : selon le Snes, 55 % des profs ont arrêté le travail, 30 % d’après le ministère, dont on connaît la tendance à minorer les chiffres de grévistes. Les manifestations, nombreuses, ont été marquées par la présence massive et combative des lycéens, comprenant bien que les suppressions de postes les concernent, et qu’elles sont une atteinte à leur droit aux études. De plus, les élèves des lycées professionnels réagissent face aux réformes envisagées à l’égard des bacs professionnels.
Autre élément encourageant : les grèves continuent, notamment en région parisienne, en Seine-Saint-Denis (93) et aussi en Seine-et-Marne (77), ce qui est plus inhabituel. Le jeudi 20 mars, les établissements en grève de la région parisienne ont manifesté avec, encore une fois, la présence de nombreux jeunes : on a compté entre 3 000 et 4 000 personnes, sans appel intersyndical.
Une réelle mobilisation existe donc, mais les directions syndicales ne parviennent pas à agir ensemble : au sein de la FSU, le Snuipp (instituteurs) appelait à une journée d’action le… mercredi (jour non travaillé dans le premier degré) 19 mars ! Les directions nationales n’offrent pas non plus de relais aux mobilisations, proposant comme date le 17 ou le 18 mai, avec une manifestation nationale FSU un samedi ! Autant dire qu’on manifestera pour l’honneur, sans croire au succès possible, ce que ne peuvent admettre les bahuts qui perdent des postes (seize, par exemple, au lycée Gaston-Bachelard à Chelles, en Seine-et-Marne) et la masse des enseignants, inquiets des mesures que le rapport Pochard propose au ministère afin d’alourdir leur charge de travail et de réduire leur indépendance. Devant les mobilisations en cours, le Snes a fini par ajouter à son dispositif… deux journées d’action sans grève, dont une le mercredi 2 avril, avant les vacances de printemps !
Ce n’est évidemment pas à la hauteur des enjeux. La minorité École émancipée a d’ailleurs proposé un nouveau recours rapide à la grève, en tout cas avant le 5 avril, afin de remettre le ministère sous la pression de la rue. C’est indispensable pour élargir la mobilisation à tout le pays, en partant des secteurs les plus touchés par les suppressions et les plus combatifs. Dans l’académie de Créteil, un appel à la grève, le jeudi 27 mars, est soutenu par les syndicats, dont le Snes. Élargir la mobilisation, c’est aussi faire appel aux élèves, aux parents : tous sont concernés par la réduction de l’offre scolaire que préconise ce gouvernement, qui supprime 11 000 postes cette année et prévoit d’en retirer 20 000 par an jusqu’en 2012. Si on le laisse faire, où en sera alors le service public d’éducation ?
C’est maintenant qu’il faut mettre un coup d’arrêt à l’hémorragie de postes, aux mesures contre les conditions de travail des personnels. Il faut convaincre les enseignants qu’il est possible de gagner, et d’abord qu’il n’est pas possible d’accepter de perdre. Qu’un mouvement social pour l’école publique peut faire céder le ministre de l’Éducation, Xavier Darcos. Les électeurs ont montré leur rejet de cette politique d’offensive contre les acquis sociaux. Dans l’Éducation, c’est la première occasion de le concrétiser. Saisissons-la.
Robert Noirel
* Paru dans Rouge n° 2245, 27/03/2008.
PROFS ET LYCÉENS MOBILISÉS : On ne se laissera pas faire
En février, on apprenait la suppression de 637 postes sur l’académie de Créteil. Les enseignants voyaient se mettre en place des directives du rapport Pochard : les options n’étaient pas toutes financées. Pour les professeurs, cela voulait dire obligation de prendre des heures supplémentaires et départ de nombreux collègues… Enfin, il y a un vrai ras-le-bol de la politique du gouvernement, qui les attaque continuellement.
Il y avait eu la manifestation du 15 février, en région parisienne, lors de laquelle un enseignant sur trois étaient en grève (chiffres du Snes), qui avait donné un premier tour de chauffe avant les vacances. Dès la rentrée, quatorze des 55 lycées de Seine-et-Marne (77) sont en grève et bloqués. La grève nationale du 18 mars est arrivée à point nommé sur l’académie (60 % de grévistes), car elle a permis de rassembler les lycées déjà en lutte et ceux qui voulaient s’y mettre : une vingtaine de collèges et lycées sont partis en grève reconductible sur la semaine. Dans certains établissements (à Saint-Denis, à Aubervilliers…), les lycéens se mobilisent aux côtés des enseignants et bloquent. Pour construire la mobilisation, une assemblée générale des lycées en lutte s’est mise en place à l’échelle de la région parisienne. Cette assemblée générale a permis de mettre la pression sur les directions syndicales académiques (et notamment à celle du Snes) pour appeler à une manifestation le jeudi 27 mars.
Aujourd’hui, il s’agit, d’une part, de consolider la mobilisation, donc d’expliquer la casse du service public d’éducation et la possibilité de contre-attaquer, c’est-à-dire de lutter contre le rapport Pochard et pour des conditions décentes de travail (augmentation de salaires, retraites à 37,5 annuités). Et, d’autre part, il s’impose de donner des perspectives de mobilisation, qui permettent à tous les lycées de se mettre en grève et d’être rejoints par les écoles primaires. C’est pourquoi il faut pousser à des mobilisations, les mardi 1er avril et jeudi 3 avril. Pour cela, il faudra des cadres de mobilisation autonomes des directions syndicales, donc des assemblées générales de ville, de département, d’académie et de région.
Les mobilisations actuelles montrent que les lycéens se sentent concernés par les suppressions de postes et qu’ils sont prêts à se mobiliser. Il existe aujourd’hui la possibilité d’une mobilisation, tous ensemble, enseignants et lycéens, contre la mise en place d’une éducation à deux vitesses. C’est ce qu’il faut construire dans les semaines qui viennent.
Raphaël Greggan
* Paru dans Rouge n° 2245, 27/03/2008.
Les profs dans la rue
Mardi 18 mars, les professeurs des collèges et des lycées étaient de nouveau en grève, sur la base d’un appel unitaire contre les suppressions de postes (près de 10 000 dans le second degré) et le rapport Pochard, qui prévoit de sensiblement dégrader les conditions de travail. Les instits s’y sont joints dans trois départements seulement, ce qui illustre le manque d’action commune entre les divers secteurs de l’éducation. Depuis plusieurs semaines, des mobilisations se déroulent contre ces suppressions de postes, avec parfois la participation active des élèves, qui sentent bien que ces mesures vont aggraver leurs conditions de travail (ce fut le cas à Aubervilliers ou au lycée Voltaire à Paris, par exemple). Il y avait d’ailleurs beaucoup de lycéens dans la manifestation du 18 mars. Ce jour-là, la grève a été fortement suivie. Alors que c’était, pour beaucoup d’enseignants, la cinquième de l’année scolaire, on a compté 55 % de grévistes (Snes), soit plus d’un enseignant sur deux. C’est le signe de la forte mobilisation d’un milieu qui ne renonce pas à la lutte. Il ne faut pas s’arrêter là. Il convient de réaliser l’unité de toute l’Éducation nationale et de remettre rapidement le gouvernement sous la pression de la grève. Il n’est pas possible d’attendre la manifestation nationale appelée en mai par la FSU. Comme les électeurs de Périgueux l’ont montré, on peut faire échec au ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos… Mais, pour cela, une seule journée ne suffira pas, c’est un mouvement prolongé qu’il faut mettre en œuvre. L’enjeu est d’importance : cette fois, il faut gagner.
* Rouge n° 2244, 20/03/2008 (Au jour le jour)