Plan général de l’article
LES SOCIETES INDOCHINOISES FACE A LEUR MISE EN DEPENDANCE COLONIALE (1858-1896)
– Premières insurrections anti-coloniales (1858-1873)
- La longue résistance vietnamienne au Protectorat français : le « Cân Vuong » (1883-1896)
PROTESTATION ANTICOLONIALE, NATIONALISMES ET COMMUNISME, MOUVEMENTS SOCIAUX (1900 – 1939)
– La récurrence des résistances traditionnelles à la colonisation
– L’émergence du nationalisme
– Du nationalisme au communisme : l’intelligentsia révolutionnaire (1923-1929)
– « Indochine SOS » (1929-1932)
– La colonisation sur la défensive (1932-1939)
DE LA « GUERRE DES DIX MILLE JOURS » A LA MONDIALISATION :
LA REVOLUTION DECONCERTANTE (1940 - 2006) …
– Au Vietnam, la « Révolution d’Août »
– De la première Guerre d’Indochine (1945 – 1954)…
– …à la Seconde Guerre d’Indochine (1955 – 1975)
– Défaites d’une victoire…
En Asie du sud-est, la péninsule indochinoise que les Français entreprennent d’occuper par poussées expansionnistes successives à partir de 1858, aura été par excellence aux XIXe et XXe siècles terre de dissidence, de révoltes et d’oppositions multiples à la colonisation européenne. Avant de devenir entre 1945 et 1991 l’un des foyers principaux de la décolonisation mondiale et la quatrième grande aire, après le monde russe, l’Europe centrale et orientale, le monde chinois, du déploiement des révolutions communistes victorieuses et des guerres révolutionnaires qui les ont suivies. Ce devenir contemporain s’est toutefois réalisé avec une intensité inégale selon les conjonctures et selon les ensembles humains qui coexistaient sur la péninsule.
Le grand foyer des révoltes puis des révolutions indochinoises s’est historiquement localisé dans les deux deltas du Fleuve Rouge et du Mékong que relie un chapelet de petits deltas côtiers en bordure de la Mer de Chine méridionale. Ces deux vastes plaines basses ont été le berceau depuis le Xe siècle puis le milieu écologique de l’expansion millénaire de la civilisation vietnamienne, elle-même issue d’un substrat sudestasien très ancien mais fortement pénétré depuis au moins le IIIe siècle BC par la civilisation chinoise et par ses innombrables composantes, en particulier le Bouddhisme Mahayana, les riches traditions du Taoisme populaire et surtout la culture confucéenne. Dans cette civilisation s’associent étroitement dans une complémentarité contradictoire trois réalités fondatrices : le village, géographiquement très divers mais fortement structuré par de solides institutions communautaires (la « xa », la « commune » selon le terme utilisé par les Français) dont les deux principales étaient le culte du génie tutélaire local et le conseil des notables, la royauté construite sur le modèle chinois de l’empereur médiateur entre le monde humain et l’univers cosmique, enfin la bureaucratie mandarinale recrutée par le système des concours littéraires. Elles ont conféré un remarquable et durable dynamisme à une société fondamentalement paysanne, jusqu’à aujourd’hui vivante et dynamique, prompte à la rébellion, comme le montre sa lente expansion territoriale vers les deltas du Sud (le « Nam tiên » : « la marche vers le Sud »).
L’histoire lointaine des Vietnamiens comporte, comme celle de la Chine impériale, une vivace et riche tradition de révoltes périodiques, voire de guerres paysannes, d’où étaient souvent issues les dynasties, celle des Lê (XVe – XVIIIe siècles) par exemple, de tensions et de violences intervillageoises, de distance critique et souvent d’insubordination de
la classe des lettrés qui constituait au moins depuis le XIIIe siècle l’élite sociale du pays et fournissait à l’Etat sa bureaucratie de fonctionnaire. A ces traditions d’autonomie sociale s’ajoutaient l’agitation récurrente des couches marginales de la société, bandits, errants, adhérents des sociétés secrètes, essentiellement des Triades chinoises qui semblent avoir essaimé au Vietnam au XIXe siècle, et, fait non moins important, activités millénaristes dans le delta du Mékong – la tradition dite « Dao Xen » - sur le thème de la venue de Maitreya (le Bouddha à venir). Par temps de troubles, lettrés dissidents, thaumaturges, prophètes et mystiques hétérodoxes du monde rural s’improvisaient leaders protestataires. Ainsi, de 1802, date de son installation, à 1883, date de la mort de Tu Duc, le dernier empereur indépendant, la dynastie des Nguyên a dû réprimer de très nombreux soulèvements locaux ou régionaux, environ quatre cents selon les historiens vietnamiens.
Il n’en allait pas de même sur les hautes terres du Nord et dans l’immense massif forestier de la cordillère centrale occupés par des peuples minoritaires de chasseurs-cueilleurs et d’agriculteurs itinérants, de langues et de cultures différentes dites « proto-indochinoises », ni dans les plaines encore faiblement peuplées du bassin moyen du Mékong. Dans celles-ci, le Bouddhisme Theravada encadrait une paysannerie clairsemée organisée autour des monastères bouddhiques (vât). Certes la société paysanne khmère comptait ses marginaux, bandits locaux ou moines dissidents, mais, depuis la chute de l’empire d’Angkor au XVe siècles, l’histoire troublée des principautés lao (Luang Prabang, Vieng Chang, Champassak) et du vieux royaume khmer très affaiblis depuis des siècles était dominée par les incessants conflits entre lignées dynastique et princières rivales ainsi que par les multiples incursions et invasions militaires des Thai du royaume du Siam et des Vietnamiens. En dépit des efforts de certains monarques, les structures réelles du pouvoir n’y relevaient guère d’un modèle fonctionnarial et bureaucratique mais bien davantage d’un gouvernement patrimonial fondé sur le jeu d’une infinité de réseaux de protection/soutien, de clientèles (« khsae » en langue khmère, littéralement « fil ») unissant familles et unités d’habitat à la hiérarchie des dignitaires.
Au milieu du XIXe siècle, avec sa dizaine de millions d’habitants, l’empire du Dai Nam (alors nom de l’actuel Vietnam) réunifié depuis 1802 par la dynastie des Nguyên, bien que tributaire de la Cour de Pékin, était en passe de devenir une puissance régionale à l’égal des monarchies siamoises ou birmane. Il était en pleine expansion territoriale essentiellement vers le delta du Mékong que les Nguyên avaient enlevé au Cambodge à la fin du XVIIe et au XVIIIe siècles, et entrepris de peupler avec des paysans migrants venus du Centre Vietnam souvent organisés en colonies militaires. Il n’en va pas moins succomber en un quart de siècle devant l’entreprise impérialiste de la France en Asie orientale et plus particulièrement dans l’espace péninsulaire qui sépare l’Inde anglaise de l’empire chinois. A l’époque cette entreprise répond à quatre puissants impératifs : compétition mondiale avec la Grande Bretagne pour la conquête du marché chinois, volonté d’ouvrir au commerce français (le second du monde à l’époque) un accès privilégié aux provinces occidentales de la Chine par l’installation de la France à Saigon et dans le delta du Mékong que, vers 1850, l’on croit navigable jusqu’au Yunnan, projet de faire de Saigon, débouché portuaire du fleuve, un emporium international et une base navale française en Extrême-Orient capable de rivaliser avec Hong Kong, volonté enfin de favoriser l’activité des missions catholiques au Vietnam où elles ont fondé depuis le XVIIe siècle d’importantes chrétientés. Certes les intérêts financiers et commerciaux qui soutiennent l’expansion asiatique de la France sont restés longtemps limités mais ils ne sont nullement négligeables, car il s’agit des milieux d’affaires des grands ports, notamment Marseille ou Bordeaux, de l’industrie lyonnaise de la soie, la première industrie exportatrice française au XIXe siècle, des nouvelles industries et des grandes banques modernes parisiennes ou lyonnaises en plein essor sous le Second Empire. L’intérêt du capitalisme français pour l’Extrême-Orient et surtout pour la Chine qui apparaissent déjà comme d’inépuisables marchés ne cessera pas de grandir après 1870, même si cet intérêt sera relativement déçu. Avec le creusement du Canal de Suez par les Français (1859 – 1869) et le recul après la guerre franco-allemande de la puissance française en Europe continentale, les milieux d’affaires libéraux se rallient peu à peu à l’idée d’une expansion coloniale en Extrême-Orient. Cette conversion se conjugue à partir de 1860 avec les pressions de la Marine de guerre (alors la seconde du monde) et de l’Eglise catholique ainsi qu’avec la politique de puissance du Second Empire, puis plus tard de la Troisième République. Enfin le conservatisme de l’élite sociale vietnamienne, bien que le gouvernement de Hué ait cherché à maintes reprises à réformer et à rationaliser l’Etat impérial, va retarder et finalement bloquer la modernisation du royaume vietnamien qui ne connaît pas au XIXe siècle d’expérience comparable au Meiji japonais, au Yangwu Yundong chinois (« mouvement pour les activités occidentales ») ni même à la relative modernisation en cours au Siam, et va en fin de compte fortement favoriser l’entreprise coloniale française dans la péninsule.
Les sociétés indochinoises face à leur mise en dépendance coloniale (1858 – 1896)
C’est dans le cadre de la seconde Guerre de l’Opium engagée en 1858 contre la Chine par la Grande Bretagne, la France et l’Espagne que le gouvernement de Napoléon III décide de prendre pied au Vietnam. Après l’échec de la tentative de prendre Hué, Saigon est conquise le 17 février 1859 mais la ville et son annexe chinoise de Cholon sont assiégées efficacement par plus de douze mille soldats et miliciens vietnamiens levés par les autorités impériales du Sud, appuyées par les puissantes lignes fortifiées de Chi Hoa. Ce n’est qu’en février 1861 que celles-ci tombent aux mains du Corps expéditionnaire français et que commence la conquête des provinces de l’intérieur malgré de vives résistances. Le gouvernement de Hué, divisé entre partisans d’une stratégie conciliatrice qui permettrait de moderniser le pays et partisans d’une résistance intransigeante, militairement affaibli par le grave soulèvement du catholique Lê Duy Phung au nom de l’ancienne dynastie des Lê dans les provinces du Nord, se résigne à céder à la France les trois provinces orientales du Sud (My Tho, Gia Dinh et Ba Ria) avec Saigon et l’archipel de Poulo Condore, qui vont constituer le noyau territorial de la Cochinchine française, ainsi qu’à accepter l’ouverture commerciale de trois ports du Centre et du Nord (traité de Saigon du 5 juin 1862).
Premières insurrections anticoloniales (1868 – 1873)
En 1863 rien n’est encore définitif. Dans les provinces occupées, qu’ont quittées les mandarins impériaux, s’organise dans les villages autour de petits lettrés et de notables influents et avec l’appui occulte de la Cour de Hué, une active guérilla dans les terres à demi noyées de l’Ouest, les mangroves littorales et en bordure de l’immense Plaine des Joncs, sous la direction d’un jeune chef d’une colonie militaire, Truong Cong Dinh. Affaiblie par sa mort en août 1864, elle reprend en 1866 à partir des provinces de l’Ouest du delta restées vietnamiennes (Vinh Long, Chau Doc et Ha Tiên). Les négociations qu’entame à Paris en 1863 une ambassade vietnamienne se heurtent à la campagne déchaînée en France par un parti colonial en formation qui coalise la Marine, le commerce des grands ports, l’administration de la Cochinchine et que soutient une partie de l’opposition républicaine. De plus l’administration de la Cochinchine, confiée en la personne de l’amiral de La Grandière aux officiers de marine, prend l’initiative d’imposer le 11 août 1863 un traité de protectorat au roi du Cambodge Norodom. Ce dernier, contesté depuis deux ans par la révolte de son demi-frère Si Votha encouragé par le Siam, n’a guère le choix et peut espérer ainsi desserrer la double menace thai et vietnamienne. Pour les Français, le Cambodge, « sanctuaire » des guérillas vietnamiennes du Sud et clé stratégique du bassin du Mékong, est fondamental pour la maîtrise de la Cochinchine et du fleuve, dont la mission scientifique Doudart de Lagrée et Francis Garnier entreprend d’explorer le cours jusqu’en Chine en 1866 – 1868. Qui entend dominer le sud du Vietnam doit contrôler le Cambodge, lequel pour les Français peut aussi devenir la base géographique de leur éventuelle expansion en direction du Siam…
Dès lors, le sort des dernières provinces vietnamiennes du Sud est scellé. Mais leur annexion sans préavis à la Cochinchine française en juin 1866, complétée en 1867 par la reconnaissance du protectorat français sur le royaume khmer par Bangkok (moyennant la cession au Siam des trois provinces khmères de Battambang, Sisophon et Siem Réap), va rencontrer une vive résistance sur le terrain. Au Cambodge, si les partisans de Si Votha, lui-même réfugié au Siam, sont assez vite dispersés, plusieurs soulèvements paysans troublent les campagnes à l’initiative de leaders charismatiques locaux : celui de l’achar Sua (1864 – 1866) et surtout la révolte du bonze thaumaturge Pou Kombo aux confins de la Cochinchine et du Cambodge entre juin 1866 et décembre 1867. Il en est de même dans les campagnes vietnamiennes voisines de l’Ouest cochinchinois, à la faveur du vide administratif ouvert par le retrait des mandarins. Le Commissaire impérial (« kinh luoc ») pour le Sud, le prestigieux mandarin Phan Thanh Gian, a cédé devant la supériorité militaire des colonnes françaises et s’est donné la mort, mais les guérillas paysannes sont relancées au début de 1867 par ses fils et ne sont vaincues qu’en décembre. Dans la décennie suivante l’agitation anticoloniale se ranimera néanmoins sporadiquement et de manière imprévisible en Cochinchine à l’initiative des sociétés secrètes ou des sectes millénaristes, comme l’atteste la grave révolte qui secoue en février 1873 les régions de Soc Trang, Tra Vinh et Ben Tré au cœur du delta, sans pour autant menacer sérieusement la domination française sur le Sud.
Les foyers de la protestation et de la résistance anticoloniales se déplacent alors vers le Centre et le Nord du Vietnam que la terminologie française va désormais appeler Annam et Tonkin. En France et à Shanghai, un lobby actif d’aventuriers et d’affairistes français de Chine pousse à l’ouverture commerciale du Tonkin. Le tournant est la tentative d’annexion du Tonkin en octobre 1873 par le gouverneur de la Cochinchine, l’amiral Dupré, qui envoie à Hanoi à cet effet la petite expédition commandée par le lieutenant de vaisseau F. Garnier qui s’empare de la ville en novembre, entreprend d’occuper les points stratégiques du delta du Fleuve Rouge et installe, avec l’aide des Missions catholiques et d’une partie des chrétientés vietnamiennes, des autorités pro-françaises dans les quatre provinces. L’opération déclenche immédiatement de vives résistances populaires soutenues par les Pavillons Noirs, bandes d’anciens insurgés chinois de la Guerre des Taiping qui s’étaient réfugiés au Nord Vietnam, près de la frontière et sur le haut Fleuve Rouge après la défaite de ces derniers en 1864 et que l’administration provinciale vietnamienne utilisait comme troupes supplétives. Garnier est tué le 21 décembre au cours d’une attaque de Hanoi par les Pavillons Noirs. Un puissant mouvement protestataire anti-étranger contre la menace de démembrement du pays, le mouvement Van Than, mobilise en 1873 les lettrés des provinces du Nord et du Centre, notamment lors des concours littéraires. Libelles et pétitions circulent, des groupes tentent des coups de main sur plusieurs citadelles impériales, la protestation gagne une partie du haut mandarinat traditionaliste et de la Cour de Hué où s’affirme le parti de la résistance intransigeante aux exigences et à l’intervention françaises. Des appels au massacre des chrétiens circulent, nombre de villages chrétiens sont attaqués et incendiés et, comme en Chine, le mouvement anti-chrétien va s’avérer durable jusqu’au début du XXe siècle. Un processus mal connu de déstabilisation sociale et économique s’installe au Tonkin, qui va glisser progressivement dans le chaos et la misère rurale, avec leurs corollaires habituels, l’effondrement de production, les famines locales et les épidémies, le brigandage. La crise de 1873 s’apaise cependant en raison du refus du gouvernement monarchiste de Paris d’entériner les initiatives des autorités de Saigon : par le traité de mars 1874, la France évacue le Tonkin en échange d’avantages économiques et consulaires et de l’acceptation par Hué d’une vague protection française
La longue résistance vietnamienne au Protectorat français : le « Cân vuong » (1883-1896)
Au Vietnam, l’esprit de résistance patriotique est sorti renforcé de la brève et violente crise de 1873. Il va parvenir à son sommet historique et déployer le maximum de ses capacités politiques et militaires dix ans plus tard, lorsqu’en France, une fois la Troisième République consolidée, les gouvernement successifs des Républicains « Opportunistes », en particulier les deux ministères de Jules Ferry (1881 – 1882 et 1883 – 1885 ), entreprennent de mettre en œuvre, après un long débat d’opinion sur le projet d’impérialisme colonial auquel s’est ralliée la majorité des milieux d’affaires et des classes dirigeantes, un programme cohérent de conquête et de colonisation de l’ensemble de la péninsule indochinoise. Le 25 avril 1882 l’expédition du commandant Rivière s’empare de la citadelle de Hanoi et, bien que la Chine, en vertu du statut tributaire du Vietnam, ait envoyé trente mille hommes au Tonkin, commence en mars 1883 la conquête des principales villes du delta. Le corps expéditionnaire français qui débarque en août entreprend l’occupation méthodique du Tonkin tout en refoulant l’armée chinoise vers la frontière, tandis qu’une escadre navale coupe les envois de riz des provinces du sud de la Chine vers le Nord et opère des coups de main sur les côtes de Formose. Affaibli par la mort de l’empereur Tu Duc en juillet 1883, auxquels ne succèdent que d’éphémères souverains au nom desquels gouvernent trois régents eux-mêmes gravement divisés sur le parti à prendre, le gouvernement de Hué a accepté de négocier et de signer le traité de protectorat du 6 juin 1884, que reconnaît la Chine par le traité franco-chinois du 9 juin 1885 qui scelle le durable compromis historique franco-chinois sur l’Indochine. Avec l’effondrement de la faible armée impériale au Tonkin, la fin de la relation tributaire avec Pékin et le désistement chinois, le combat que mène le Vietnam impérial contre son entrée en sujétion coloniale est perdu d’avance. Et pourtant, il va se prolonger dix années durant, car sur le terrain la phase ultime de la conquête ne fait encore que commencer et va s’avérer bien plus redoutable que prévu.
La longue guerre que les Français appelleront « pacification » a en effet débuté en juillet 1885 lorsque le général de Courcy, nommé Résident général de France, entreprend d’éliminer à Hué le parti de la résistance et son chef, le régent Tôn Thât Thuyêt. Ce dernier, qui a fait préparer en secret en 1883 – 1884 le puissant camp retranché de Tan So sur plusieurs dizaines d’hectares en montagne, au cœur du pays muong à l’ouest de Quang Tri, ainsi qu’une route de montagne vers la Haute Région du Tonkin, engage le premier l’épreuve de force : dans la nuit du 4 au 5 juillet, les soldats impériaux attaquent la légation et les cantonnements français. Au petit matin, c’est l’échec, les Français s’emparent de la ville et de la Cité Interdite. Les régents ont pris la fuite dans la nuit en emmenant vers Tan So la Cour et le jeune empereur Ham Nhi âgé de quatorze ans. Ils lancent quelques jours plus tard un appel à la résistance générale - « Soutien au Roi ! » (« Chiêu Cân Vuong ! ») - ainsi qu’au massacre des chrétiens.
Si le parti de la résistance perd vite la partie à la Cour (qui revient en majorité à Hué quelques jours plus tard) et dans le haut mandarinat, rapidement résignés à une collaboration prudente ou attentiste et si, en conséquence, De Courcy est en mesure de faire introniser en septembre un nouvel empereur, le neveu de Tu Duc, Dong Khanh (1885 – 1889), l’appel de Ham Nghi suscite un formidable soulèvement national. Il a des échos jusqu’en Cochinchine où seront déjouées en 1885 plusieurs conspirations dans la région de Saigon. La situation d’autant plus grave pour le Corps expéditionnaire français qu’en janvier 1885 a éclaté au Cambodge, alors lui aussi menacé d’annexion, une insurrection générale sous l’impulsion du vieil adversaire du roi Norodom, son demi-frère Si Votha. Le roi refuse de coopérer avec les autorités du Protectorat, dont l’impuissance militaire est quasi totale dans la mesure où elles ne peuvent mener un combat sur deux fronts. Le Cân Vuong les contraint à une division des tâches militaires et à abandonner en août 1886 l’idée d’une annexion du royaume khmer. Au terme d’une série de tournées dans les provinces, Norodom obtient la soumission des insurgés.
C’est au Centre et au Nord du Vietnam que la résistance Cân Vuong a atteint son intensité maximale. « L’Annam est à feu et à sang… », télégraphie à son arrivée à Hanoi en février 1886 le nouveau résident général Paul Bert. Car si le « Cân Vuong » n’a pas été unanime, il n’en a pas moins été une insurrection presque générale, comme le Vietnam en avait connues dans sa longue histoire. Du côté français, malgré le fréquent déni officiel de la dimension nationale du soulèvement qui mènera d’ailleurs la pacification d’échec en échec jusqu’en 1891, nombre d’hommes politiques et hauts fonctionnaires lucides comme le remarquable gouverneur général De Lanessan (1891 – 1896), ainsi que de jeunes officiers brillants comme les colonels Pennequin ou Servière ne se priveront pas de le reconnaître et de définir sur la base de cette reconnaissance une nouvelle politique indigène qui viendra à bout de l’insurrection. « C’est au nom du patriotisme que l’Annam s’est soulevé après le 5 juillet comme s’était déjà révolté le Tonkin… », écrit avec pertinence De Lanessan. Appréciation juste d’un soulèvement qui répond à la crise nationale sans précédent dans laquelle l’installation du protectorat et la partition du Tonkin plongent la société vietnamienne. Avec la capitulation de la Cour impériale devant la poussée « barbare » qu’elle n’a pas les moyens conceptuels d’évaluer, non seulement le mandat céleste qu’était censée détenir la dynastie vacille, mais c’est aussi tout le tissu des représentations collectives qui se déchire. Comme ce sera le cas en 1945, les Vietnamiens sont confrontés en 1885 à l’angoissante problématique du « salut national » (« cuu quôc »), de la survie nationale, d’un véritable « maintenant ou jamais ». Pour beaucoup d’entre eux, dans ce dramatique dilemme historique, le seul recours solide est de répondre à l’appel du souverain légitime. « L’empereur Ham Nghi, réfugié dans la province de Quang Binh, représentait aux yeux du peuple la patrie en lutte contre l’étranger », reconnaît avec justesse le colonel F. Bernard. C’est pourquoi bien des luttes futures se référeront à l’expérience du Cân Vuong, dont il importe en conséquence de saisir les dimensions, mais aussi les limites.
Jusqu’en 1890-1891, le mouvement a été général mais il est resté fragmenté en soulèvements régionaux, chronologiquement décalés, faiblement coordonnés. En Annam (le Centre Vietnam actuel), où l’action coloniale est en 1885 encore inconnue, c’est l’ensemble de la société qui se lève plus ou moins durablement, sous la direction de son élite lettrée pour défendre le trône, en particulier au Nord Annam d’où la dynastie est originaire. On y a massacré en masse les chrétiens considérés comme des ennemis de l’intérieur. Représailles terribles qui vont marquer pour longtemps la conscience collective. Au début de 1888, les insurgés semble pourtant vaincus et Ham Nghi est livré aux Français par ses guerriers muong. Mais l’insurrection mal éteinte, reprend localement au Thanh Hoa de 1889 à 1892, puis au Nghê An et au Ha Tinh en 1890 sous la direction du prestigieux censeur impérial Phan Dinh Phung jusqu’à sa mort en 1895. Le Cân Vuong a gagné également dès juillet 1895 les provinces du sud de l’Annam, où des milliers de chrétiens sont massacrés, mais elle s’effondre l’année suivante sous les coups implacables que lui ont portés les mandarins ralliés à Dong Khanh avec l’aide de troupes coloniales venues de Cochinchine.
Les provinces du delta tonkinois, ravagées depuis un quart de siècle par les révoltes, les bandes chinoises, les mauvaises récoltes et les inondations, puis par la guerre coloniale en 1884–1885, échappent en fait à toute autorité. Ce sont l’insupportable charge d’un lourd Corps expéditionnaire renforcé de recrues locales qu’il faut entretenir, ses violences, les levées incessantes de porteurs (de un à deux par combattant), qui, tout autant que l’appel impérial, vont mobiliser la paysannerie. L’action énergique de mandarins résistants n’est pas moins essentielle. Très vite s’installe dans la majeure partie du delta, notamment dans la vaste plaine marécageuse du Bai Say entre Hanoi et Hung Yên, une situation de double pouvoir dans les centaines de gros villages impénétrables derrière leurs épaisses haies de bambous et d’épineux qu’il faut détruire au canon : face aux notables indigènes apparemment soumis s’oppose, la nuit, le pouvoir clandestin des chefs patriotes. Des dizaines de bandes armées, rarement inférieures à 250 hommes se déplacent insaisissables dans l’immense plaine à demi ennoyée à la saison des pluies. Les massifs montagneux de la Moyenne Région qui entoure le delta et leurs épaisses forêts sont les bastions des guérillas les plus durables. Vêtus d’uniformes sommaires, bien équipés de fusils modernes, souvent des Winchester à magasin alors que les Français n’ont encore que le fusil Gras, d’armes blanches et de revolvers, elles ont pour chefs des Vietnamiens dont le plus connu est le célèbre Hoang Hoa Tham dans la montagne du Yên Thê ou plus rarement des Chinois venus des groupes de Taiping. Elles ont construit au cœur de la jungle de puissants systèmes fortifiés composés de redoutes, de fortins et de plusieurs lignes de pièges. Enfin la Haute Région, proche de la frontière de Chine, est aux mains de grandes bandes chinoises qui, elles, n’ont guère de rapport avec le Cân Vuong, vivent sur le pays de vols, de brigandages, et contrôlent les trafics frontaliers : anciens soldats ou insurgés Taiping, bandits itinérants hunanais ou Hakka de Hainan, telle la bande de Luu Ky forte de mille fusils à tir rapide qui opère en 1892 dans le Dong Triêu. Si l’on excepte les bandes chinoises, les insurgés se réclament ouvertement de l’empereur légitime par affiches, placards, messages calligraphiés secrets, leurs chefs sont titulaires de brevets réguliers de mandarins et correspondent au début avec l’entourage de Tôn That Thuyet. En fait, pendant quelques années, c’est une partie du système politique impérial qui résiste plus ou moins ouvertement, lève des taxes et des hommes, dispose d’une administration parallèle et bénéficie de la complicité ou de l’attentisme d’assez nombreux mandarins officiels.
Du côté de la résistance, la science de la guérilla, de la mobilité et de la dispersion des forces a été remarquable au point de forcer l’admiration des officiers français qui y prendront des leçons de tactique militaire. Certes la confrontation en est restée au stade de la guérilla régionale. Mais à plusieurs reprises les leaders du Cân Vuong ont tenté de sortir du cadre provincial. C’est le cas à la fin de 1886 lorsqu’ils organisent dans la localité de Ba Dinh une puissante base fortifiée menaçant le dispositif militaire français à la jonction stratégique entre son secteur tonkinois et le Centre Vietnam, entre la plaine et le pays muong. A Ba Dinh s’est joué et perdu le passage à une résistance généralisée et coordonnée. Construite dans trois villages proches (Ba Dinh : « les trois dinh », le dinh étant le temple du génie tutélaire du village vietnamien), au milieu des rizières qui ont été inondées sous plusieurs mètres d’eau, reliées à la terre ferme par quatre digues étroites, la forteresse villageoise mesure 1200 mètres sur 400. Puissamment protégée par plusieurs enceintes hérissées de bambous, elle est commandée par un remarquable chef militaire, Dinh Cong Trang, et défendue par environ trois mille hommes. Il en faudra trois mille cinq cents – parmi lesquels le futur maréchal Joffre – ainsi que cinq mille coolies, vingt pièces d’artillerie et un siège de deux mois (décembre 1886 – janvier 1887) pour l’enlever d’assaut. Toutefois, si certains chefs conçoivent des raids audacieux (Hanoi est menacée à plusieurs reprises et même directement attaquée en juillet 1891), les déplacements des groupes armés ne franchissent pas le cadre opérationnel de deux ou trois provinces (il y en a vingt-trois à l’époque au Tonkin) et la résistance n’a pas dépassé le stade de la guerre de partisans rurale.
Les paysans forment en effet les troupes du mouvement Cân Vuong. Nombre de ses chefs sont issus du monde des notables ou de familles paysannes relativement aisées. D’autre proviennent des éléments marginaux de la société rurale comme le chef Lo dans la région de Son Tay, jeune paysan devenu tirailleur puis déserteur avant d’être assassiné en 1889 à l’instigation des autorités. Ou comme le célèbre « dê » (commandant) Tham (Hoang Hoa Tham), petit gardien de buffles enrôlé par les Pavillons Noirs en 1882 qui résiste jusqu’en 1896 au cœur de l’inexpugnable forêt du Yên Thê avec trois cents hommes armés de fusils modernes, soutenu par les villageois des environs : soumis en 1897, il reprendra la lutte en 1893 jusqu’à son assassinat par des hommes de Luong Tam Ky, ralliés aux Français. C’est bien la paysannerie que les colonisateurs ont dû combattre et c’est à la « xa », la communauté villageoise vietnamienne, si solidement organisée, pourvoyeuse de la résistance en hommes et en vivres, que l’armée coloniale livre la guerre et qu’elle n’a que difficilement soumise.
Ce sont pourtant les lettrés, « la classe hostile par excellence », selon Francis Garnier, qui ont fourni à l’insurrection royale la plupart de ses grands leaders, tels les grands mandarins Nguyên Quang Bich, l’un des plus illustres lettrés de son temps, dans la région de Son Tay, ou Nguyên Thiêu Thuât ancien gouverneur provincial, dans le Bai Say, et surtout au Nord Annam le plus remarquable de tous, l’ancien censeur impérial Phan Dinh Phung, l’un des plus grands lettrés de son temps, qui dirige 1200 à 1300 fusils. Les lettrés constituent dans l’ancien Vietnam les véritables cadres d’une société rurale encore peu différenciée. Souvent d’ascendance paysanne, ayant préparé les difficiles concours littéraires, ils sont nombreux dans les villages où ont souvent coutume de se retirer d’anciens mandarins de haut rang. Presque tous se consacrent à la direction des écoles de villages et leur autorité morale est immense. Tandis que le mandarinat officiel, au moins dans ses hautes sphères, semble avoir majoritairement participé à la pacification coloniale, surtout à partir de 1891, une partie importante de l’élite villageoise a dirigé l’insurrection et lui a donné sa coloration traditionaliste et patriotique mais aussi sa force, car elle lui a permis de mobiliser plus ou moins longtemps les réseaux villageois de l’autorité, en particulier nombre de lignages puissants et fortement organisés.
Autant de facteurs qui expliquent que jusqu’en 1891, le Corps expéditionnaire français – il compte 42 000 hommes à la fin de 1885 – grossi de recrues vietnamiennes et soutenu par les troupes levées par l’administration indigène du Protectorat, ait été tenu en échec. Il est en effet longtemps inadapté à la difficile situation stratégique qu’il a pour tâche de maîtriser, son commandement, déchiré par les rivalités entre ses chefs et entre ceux-ci et l’administration civile, est médiocre et incapable d’analyser ses adversaires, il oscille longtemps entre la stratégie des colonnes lourdes lancées à leur poursuite et le quadrillage du territoire par des postes qui immobilisent les réserves d’unités mobiles. Le delta du Fleuve Rouge connaît les violences de la guerre coloniale : levées de coolies, réquisitions des récoltes, incendies des villages, exécutions sommaires, fuite des paysans, désertification des villages, épidémies et surmortalité, campagnes exsangues. A la saison sèche de 1890 – 1891, la colonisation fait face à une situation de crise aiguë de désordre et de misère extrêmes, aggravée par les terribles inondations du Fleuve Rouge. La famine apparaît. « Le Tonkin, écrira le Résident Bonhoure, était une immense Vendée où les bandes insurgées apparaissaient le soir, disparaissaient le matin, se dispersant et se réunissant en un clin d’œil ».
Pas plus que pour aucune entreprise militaire, pour aucune résistance rien n’est jamais gagné d’avance. Celle des paysans et des lettrés vietnamiens de la fin du XIXe siècle va succomber. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord par suite de l’incapacité des insurgés à articuler l’action de leurs forces du Tonkin et de l’Annam, conjuguée à l’écrasante supériorité militaire française face à un adversaire numériquement limité, privé de l’aide chinoise – si souvent décisive dans les guerres indochinoises de l’âge contemporain – et donc mal équipé. En second lieu, l’exploitation lucide par les autorités françaises des divisions de la société vietnamienne et des faiblesses internes du Cân Vuong. Si ce dernier a soulevé beaucoup de sympathies, il s’est tout autant heurté au Tonkin à de vieilles méfiances à l’égard de la dynastie, à beaucoup d’attentisme et de résignation à la domination étrangère du moment qu’elle pouvait mettre fin aux violences qui ravageaient les campagnes. De plus la dissidence chrétienne a fourni des appuis précieux et une aide multiple aux troupes coloniales. Plus généralement, le Cân Vuong n’a pas comporté un projet de transformation sociale et de modernisation globale capable d’assumer face à l’impérialisme français la question du « progrès », il n’a pas émis la moindre revendication sociale, il se réclame de l’ordre du monde confucéen et impérial, adresse ses appels aux seules élites. En fait la question du « progrès » n’est posée que par la colonisation qui l’utilise comme justification majeure. Là réside la contradiction fondamentale de la résistance que les colonisateurs ont été en mesure d’exploiter dès lors qu’avec la politique de De Lanessan, entre 1891 et 1896 ils reconnaissent la nationalité vietnamienne, le caractère national de la résistance et entreprennent de nouer une alliance durable avec la dynastie et la majeure partie du mandarinat. Le village bénéficie d’allégements des levées et des réquisitions ainsi que d’un début de travaux publics, l’impôt est normalisé. De ce point de vue, il faut bien admettre que la mise en place de la colonisation n’a pas été une simple conquête par l’étranger mais tout autant un processus interne auquel une partie des Vietnamiens, des Khmers, des Lao et aussi des élites tribales a participé. Dans les massifs montagneux, une jeune génération d’officiers coloniaux définit et applique la « politique des races », valorise les particularismes ethniques, consolide le pouvoir des chefs coutumiers auxquels on fait appel pour pacifier le territoire. Il en résulte que dès 1891-1892, le mandarinat passe délibérément à la collaboration, rallie les lignages influents des villages et participe activement à la pacification. En conséquence le rapport des forces s’inverse, les soumissions se multiplient, souvent monnayées de diverses manières. Après une ultime campagne contre les dernières poches de résistance dans la Haute Région du Nord Vietnam, en 1896 la colonisation est maîtresse de l’ensemble du pays. Ainsi s’est inventée la première version de ce que l’on appellera après 1950 la contre-insurrection…
Résistances, mais aussi modes de soumission, n’ont pourtant pas été sans effets profonds, durables, différenciés selon les situations régionales. Au Cambodge, les colonisateurs ont dû recourir à la médiation royale et s’assurer son concours. Ils ne pouvaient capter les ressorts du pouvoir en pays khmer qu’avec la collaboration des influents réseaux de clientèle et de patronage ancrés dans la société et qui en composent la trame. Tout en dépossédant la royauté de son pouvoir politique, ils ont dû préserver et renforcer le pouvoir symbolique du roi « maître des existences ». Il en résulte que l’identification de la nation et d’une royauté par ailleurs déresponsabilisée des décisions du protectorat ne cessera de se renforcer.
Il en est allé autrement au Vietnam où le pouvoir colonial a dû au contraire pour s’installer entrer en conflit frontal avec la monarchie impériale, la briser moralement et politiquement. La défaite de Tôn That Thuyet et de Ham Nghi, le ralliement final au Protectorat de la dynastie et du haut mandarinat dans le but de préserver la fonction impériale en attendant des jours meilleurs, ont pour effet de distendre gravement, voire de rompre, l’identification dynastique et monarchique de la nation. Le discrédit est jeté sur la Cour, la dynastie et, à un moindre degré, sur le mandarinat, désormais fortement disqualifiés au regard de la défense de l’indépendance. Le « mandat céleste » entre en déshérence, le devenir de la nation et celui de l’institution impériale se séparent. Dans les élites s’établit un vacuum idéologique, un état de disponibilité intellectuelle qui vont les inciter à rechercher de nouvelles voies pour le devenir national. Enfin le Cân Vuong transmet à la société vietnamienne vaincue la mémoire farouche du refus, la volonté essentielle d’exister, de résister. « De toute cette période, écrit en 1900 un officier lucide, le colonel F. Bernard, est restée dans le cœur des Annamites et des Européens une haine que les années ne calme point … Dans les campagnes de l’Annam, on songe toujours à l’empereur proscrit, à Ham Nghi et ses conseillers, à Thuyet et Phan Dinh Phung. La légende naïve, déjà créée, veut qu’ils vivent toujours dans la montagne, prêts à surgir quand le moment sera venu… ».