Sarkozy veut reconquérir sa popularité perdue avec ce qui lui a si bien réussi à la présidentielle : le discours identitaire. Entre les deux tours des municipales, il s’est rendu à Toulon, flanqué de son ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Brice Hortefeux, pour voler au secours de Jean-Claude Gaudin et de Christian Estrosi. C’est là qu’en février 2007, le futur président avait lancé son discours contre la « repentance ». Pour nous infliger son modèle de société, Sarkozy va accélérer et médiatiser ses mesures anti-immigrés.
Comme le dénoncent le Syndicat de la magistrature et d’autres professionnels du droit, qui appellent à manifester le 5 avril, Sarkozy envisage de modifier la Constitution afin d’y introduire une justice d’exception pour les étrangers et éviter ainsi que les juges n’annulent des procédures. Il a chargé la commission Mazeaud d’étudier comment modifier la Constitution pour permettre des quotas professionnels et ethniques, instruments de « l’immigration choisie ». La commission, elle, parle de quotas par « grande région du monde »… Mais on a compris : on accordera des droits d’entrée différents à un Africain, à un Asiatique, à un Latino-Américain, à un Européen, etc.
Autre fait important : la France prend la présidence de l’Union européenne en juillet. L’un de ses principaux axes sera la coopération policière contre les immigrés et l’interdiction des régularisations massives, comme il y en a eu en Espagne ou en Italie. Une orientation similaire à celle du Parlement européen, qui s’apprête à adopter, en mai, la directive portant la durée de la rétention à un maximum de dix-huit mois et frappant les expulsés d’une interdiction du territoire de toute l’Union pendant cinq ans.
La manifestation du 5 avril fera converger les résistances. Aux cortèges des collectifs de sans-papiers, s’ajouteront les associations issues de l’immigration (Asiim), qui dénoncent « le racisme d’État qui a fait le choix d’une immigration blanche et chrétienne ». Aux manifestants du Réseau éducation sans frontières (RESF) ou d’Uni(e)s contre une immigration jetable (Ucij), se joindront les militants syndicaux impliqués dans des luttes au sein des entreprises en défense des travailleurs sans papiers. Après les cuisiniers du restaurant La Grande Armée, les salariés de Fabio Lucci (Paris 19e) commencent une grève pour le paiement de leur salaire et leur régularisation. Le quatre-pages « Sans-papiers... et travailleurs », destiné à renforcer les liens entre les syndicats et cette partie surexploitée du salariat, va être réédité [1].
À travers les immigrés, c’est l’ensemble du monde du travail qui est menacé dans ses droits.
Notes
1. À télécharger sur www.contreimmigrationjetable.org.