Des dizaines de milliers de juifs ultra-orthodoxes en colère ont commencé à manifester jeudi à Jérusalem et près de Tel-Aviv contre un arrêt de la Cour suprême interdisant la discrimination entre enfants ashkénazes et séfarades dans une école religieuse.
« Il y a 30.000 manifestants à Jérusalem et 20.000 à Bnei-Brak », ville à population juive orthodoxe située près de Tel-Aviv, a déclaré à l’AFP le porte-parole de la police Micky Rosenfeld.
Ces manifestations sont retransmises en direct à la télévision et ont complètement éclipsé l’annonce par le gouvernement d’un allègement du blocus de Gaza.
« C’est la Torah qui décrète ! », pouvait-on lire sur les panneaux des protestataires. Ou encore, sur une large banderole : « Ne touchez pas aux rédempteurs d’Israël » !
La police israélienne a été placée en « état d’alerte avancé », quelque 10.000 agents prenant position notamment à Jérusalem, ainsi qu’à Beit Shemesh, bastion ultra-orthodoxe à mi-chemin entre la ville et Tel-Aviv, et Bnei-Brak.
Des unités de garde-frontières appuyées par la police montée et des hélicoptères sont également mobilisées.
Dans une ultime tentative de conciliation visant à apaiser les esprits, le président israélien, Shimon Peres, a rencontré le vice-ministre de l’Education, le rabbin Méir Poroush, une figure de la communauté orthodoxe ashkenaze.
Mercredi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait appelé « à la retenue, à respecter la loi, et à trouver une formule de compromis satisfaisante pour tous ».
L’effervescence des hommes en noir d’Israël fait suite à un arrêt de la Cour suprême contraignant des dizaines de juifs orthodoxes ashkenazes (originaires des pays d’Occident) de la colonie d’Immanuel (Cisjordanie) à accueillir dans leur école religieuse des filles séfarades (originaires d’Orient).
Ces colons ashkenazes appartiennent au groupe hassidique Slonim, d’origine russe, et ont retiré leurs filles de l’école il y a un an. Ils ont en outre annoncé qu’ils préféraient être incarcés à compter de jeudi pour deux semaines plutôt que d’obéir à l’arrêt de la Cour.
Accusés de discrimination raciale, les parents —86 personnes— devaient selon la radio publique, se présenter à 17H00 (14H00 GMT) à la maison d’arrêt de Jérusalem d’où ils seront transférés vers des prisons dans le centre du pays.
Des dizaines de milliers de personnes sont censées les accompagner lors de leur arrivée à la maison d’arrêt, suivant l’appel des autorités religieuses du monde ultra-orthodoxes.
Les familles du groupe Slonim se défendent d’être racistes et expliquent leur refus d’accepter d’autres jeunes filles par des différences entre les traditions religieuses séfarades et ashkénazes.
Toutes mouvances confondues, les juifs orthodoxes récusent par ailleurs l’autorité de la Cour suprême, la plus haute instance juridique israélienne, car ils croient à la primauté de la Torah (loi religieuse).
En 1999, les Juifs haredim (les « craignant Dieu ») avaient rassemblé un demi-million de personnes à Jérusalem, la plus importante manifestation de l’histoire du pays, pour protester contre « la dictature » de la Cour suprême.
L’affaire de la colonie d’Immanuel a suscité la colère des principaux quotidiens et ravivé le conflit sourd entre laïcs et juifs orthodoxes.
Les premiers accusent les seconds de coercition pour imposer leur vision du monde, et leur reprochent de bénéficier d’une exemption du service militaire obligatoire.
En vertu d’un accord avec l’Etat, les jeunes juifs orthodoxes échappent aux obligations militaires s’ils étudient jusqu’à l’âge de 25 ans dans des instituts talmudiques, ce qui a aussi pour conséquence de ne pas les préparer correctement au marché du travail.