A s’en tenir aux principales organisations, la gauche radicale aux Philippines comprend une petite dizaine de courants dont la majorité sont issus du Parti communiste (PCP, maoïste). Si tous ces courants développent une action légale, certains gardent aussi des structures clandestines et, parfois, des forces armées (dont l’origine remonte à l’époque de la dictature Marcos). Malgré les crises qui l’ont frappée durant les années 80 et 90, la gauche populaire et révolutionnaire reste la plus importante dans la région. Mais elle éprouve des difficultés à unifier ses forces.
Le PCP connaît, depuis 1992, un processus de dégénérescence extrême : il assassine des cadres des autres courants de gauche et ne participe donc à aucun processus unitaire. Trois regroupements ont été tentés avec des succès divers. La fusion qui a donné naissance au Parti révolutionnaire des travailleurs a échoué, entre le PRT « Mindanao » (RPM-M, section de la Quatrième internationale) et le PRT « Philippines » (RPM-P). Le Parti d’action citoyenne « Akbayan ! » comprend des courants socialistes radicaux (Bisig), d’autres issus de la gauche social-démocrate (Pandayan) et du PCP (Padayon). Enfin le Parti des travailleurs des Philippines (PMP « merger ») est constitué par trois composantes, venant toutes du PCP. A cela s’ajoute de très nombreux militants qui furent souvent membres du mouvement communiste ou, chez les jeunes, qui n’ont jamais été « encartés ».
En 1994, les dirigeants des scissions du PCP se sont retrouvés lors d’un « sommet idéologique » ; mais les rapports se sont distendus. Dix ans plus tard, un séminaire de trois jours a été l’occasion de retrouvailles générales avec quelque 80 participant(e)s appartenant aux courants mentionnés ci-dessus, à des réseaux féministes et à divers mouvements non partidaires. Quelques précautions avaient dû être prises (certains participants étant condamné à mort par le PCP), mais cela n’a pas entamé l’ambiance chaleureuse. L’expérience fut riche et prometteuse.
Le séminaire fut l’occasion de véritables échanges. Trois jours durant, les militantes féministes ont interpellé la gauche politique qui hésite à se confronter aux puissantes Eglises alors qu’aux Philippines le divorce, la contraception et l’interruption volontaire de grossesse restent interdits. Un sujet particulièrement sensible a pu être ouvertement abordé : le traumatisme des purges paranoïaques qui ont failli auto-détruire le PCP dans les années 80. Les programmes ont été confrontés et la crise du régime discutée.
Le processus devrait se poursuivre avec une revue et des campagnes communes. Et, le séminaire à peine terminé, la « Nouvelle gauche philippine » doit passer aux travaux pratique. La présidence philippine, convaincue de corruption aux yeux de l’opinion, est en effet profondément discréditée. C’est dans la rue que se joue le prochain test unitaire.