Le pape a annulé l’excommunication de quatre évêques intégristes, dont un négationniste, pour ramener dans le giron de l’Eglise catholique leurs 150 000 adeptes. Un décret de la congrégation pour les évêques, daté du 21 janvier et publié samedi par le Vatican, a levé l’excommunication de Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX), ainsi que de Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galaretta.
Cette mesure qui constitue « un pas très important vers la reconstitution de la pleine communion de l’Eglise » concrétise « l’engagement personnel » de Benoît XVI pour mettre fin à vingt ans de schisme, a souligné le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi. Le père Lombardi a assuré que le geste « bienveillant » du pape en direction du petit groupe ultra-conservateur et les propos négationnistes de l’évêque Robert Williamson n’ont « rien à voir », ajoutant que la FSSPX a d’ailleurs « pris ses distances » avec lui sur ce point.
« JE CROIS QU’IL N’Y A PAS EU DE CHAMBRES À GAZ »
Ce prélat britannique de 67 ans a nié l’existence des chambres à gaz, dans un entretien diffusé jeudi par la télévision suédoise au moment même où le Vatican s’apprétait à rendre publique la levée de l’excommunication prononcée en 1988 contre lui et ses trois collègues. « Je crois qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz (...) Je pense que 200 000 à 300 000 Juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz », a-t-il dit. Ses déclarations ont provoqué une vive émotion à travers le monde et notamment en France où la FSSPX, bien que très minoritaire, est bien implantée.
La FSSPX avait été créée en 1969 par Mgr Marcel Lefebvre, aujourd’hui décédé, en opposition avec l’adhésion de Vatican II aux principes de la démocratie et de la liberté religieuse. Elle fédérait aussi les fidèles restés attachés au rite ancien de la messe en latin abandonnée au profit d’une liturgie plus moderne. La décision de Mgr Lefebvre d’ordonner lui-même quatre évêques sans l’accord du pape Jean Paul II, en 1988, avait conduit à leur excommunication, provoquant le schisme le plus important depuis la Réforme protestante au 16e siècle.
* LEMONDE.FR avec AFP | 24.01.09 | 18h03.
Pourquoi le pape va réintégrer quatre évêques lefebvristes
Un geste historique et somme toute logique dans la stratégie adoptée depuis le début de son pontificat par Benoît XVI : la décision du pape de lever le décret d’excommunication des quatre évêques lefebvristes, révélée jeudi 22 janvier par le quotidien italien, Il Giornale, signera, côté Vatican, la fin d’un schisme vieux de vingt ans au sein de l’Eglise catholique. L’information n’a suscité aucun commentaire du Vatican, mais cet acte symbolique, susceptible de raviver de déchirants débats entre catholiques, pourrait être confirmé vendredi ou samedi.
La crise remonte à 1988, lorsque Mgr Marcel Lefebvre contestataire historique du concile de Vatican II (1962-1965), avait ordonné quatre évêques, un acte réservé au pape. Jean Paul II avait immédiatement réagi en les excommuniant. Vingt ans plus tard, toujours en marge de l’Eglise, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X de Mgr Lefebvre, compte 480 prêtres à travers le monde, dont 130 en France.
Attachés à la « tradition », ils célèbrent la messe en latin. Convaincus que la crise de l’Eglise relève d’une « crise doctrinale », ils contestent les orientations conciliaires sur la liberté religieuse et l’œcuménisme. Lors des discussions menées depuis plusieurs années avec le Vatican pour leur réintégration, les intégristes posaient comme préalable à tout dialogue « de fond », la possibilité élargie de célébrer selon la liturgie traditionnelle et la levée de l’excommunication.
Benoît XVI, qui a fait de l’unité entre catholiques une priorité, avait déjà accédé à l’une de leurs requêtes en publiant en juillet 2007 le motu proprio, qui libéralise la messe en latin. La levée de l’excommunication pourrait être considérée comme une nouvelle concession au mouvement intégriste, alors qu’il est lui-même traversé de courants diversement prêts à réintégrer le giron de l’Eglise.
« En levant ces deux obstacles, le pape agit de manière unilatérale et magnanime, et met les intégristes au pied du mur. Mais il n’est pas certain qu’eux fassent le chemin vers l’Eglise », commente un évêque. « Cette annonce sera une grande joie pour la Fraternité et une victoire pour l’Eglise, qui retrouve ainsi certaines vérités », nous a indiqué l’abbé Grégoire Celier, l’un des responsables de l’organisation en France, qui se réjouit aussi « des bagarres intellectuelles et théologiques à venir ». S’ils n’en font pas un troisième « préalable », les lefebvristes espèrent désormais obtenir un statut juridique particulier au sein de l’Eglise.
L’information d’Il Giornale coïncide avec la diffusion, jeudi, en Suède, de propos négationnistes tenus par l’un des évêques concernés, Mgr Richard Williamson. Il y déclare notamment : « Je crois qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz. Je pense que 200 000 à 300 000 juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz ».
Stéphanie Le Bars
* LE MONDE | 23.01.09 | 08h33 • Mis à jour le 23.01.09 | 08h33.