C’est l’histoire d’une jeune fille afghane que la philosophie-politique du gouvernement français condamnerait à mort.
Elle s’appelle Wida. Elle a 17 ans. Elle est afghane. Elle habite dans la banlieue de Kaboul avec sa nombreuse famille : sept frères et soeurs, sa maman, sa belle-soeur, deux petits neveux.
En 2003, elle fait une série de syncopes à la maison. Elle se plaint beaucoup de la tête, gémit la nuit, pleure le jour. Elle devient un fardeau. A la nième syncope, un beau jour de juillet 2004, ses proches l’attachent parce qu’elle se débat et la jettent dans un réduit obscur. A l’atterrissage, elle se casse les dents antérieures. On verra bien, se disent-ils, si dieu la guérira ou la condamnera. S’en seraient-ils ainsi remis à la providence s’il s’était agi d’un garçon ?
Les innocents parents racontent innocemment par téléphone l’histoire à l’un de leurs fistons qui vit en France. Comme une anecdote sans importance : « Au fait, tu sais, ta soeur... ». Lui, qui est ici depuis deux ans, s’insurge contre une telle barbarie et menace de rompre tout contact si Wida n’est pas soignée. Cotisations, envoi de 200 ou 300 euros. La famille conduit Wida à Peshawar au Pakistan car il est inutile d’espérer quelque soin efficace en Afghanistan. Un chirurgien l’examine et décide de l’opérer. Par des récits téléphoniques imprécis, on comprend qu’il y avait du sang dans le crâne de la jeune fille. Au bout de quelques jours, elle sort de la clinique et retourne à Kaboul.
Wida va mieux. Mais pas très bien. Elle sollicite un visa pour la France, qui le lui refuse à trois reprises. Par quel miracle l’Autriche lui en accorde-t-elle un ? On ne le saura jamais. Comme elle va mieux, elle ne se préoccupe pas de sa santé jusqu’au jour où, à Vienne, elle tombe en syncope dans la rue. Secours d’urgence, hospitalisation dans le premier hôpital venu qui décide un transfert dans le service de neurologie du centre hospitalo-universitaire de la capitale autrichienne. Là, elle subit quantité d’examens. Neurologues et chirurgiens hésitent à intervenir car le risque de décès ou de séquelles importantes leur paraît très élevé. Ils finissent par décider l’intervention chirurgicale. Ils enlèvent deux tumeurs - qui s’avèreront non malignes - au cerveau, dont l’une est la plus grosse qu’ils aient jamais vue de toutes leurs multiples carrières. Ils publieront d’ailleurs des articles dans la presse scientifique.
Aujourd’hui, Wida va bien. Elle est même émerveillée par son bien-être. Elle devra rester à Vienne sous surveillance médicale ambulatoire pendant trois ans. Un professeur vient la faire travailler tous les jours à domicile. Elle vit dans un petit appartement près de l’hôpital où elle va de temps à autre subir des examens pendant deux ou trois jours.
Wida est-elle une migrante « utile » ou une migrante « subie » ?
Wida est vivante et heureuse, MM. de Villepin et Sarkozy. Et vous ?