Les poursuites pénales contre Dominique Strauss-Kahn sont abandonnées car la plaignante ne serait plus assez « crédible ». Sans pour autant justifier sa reculade, on peut comprendre le dilemme d’un procureur qui doit, aux USA, présenter un dossier d’accusation « au-delà du doute raisonnable » (et non en appeler à « l’intime conviction » des jurés) et qui sait qu’il aura contre lui les meilleurs cabinets d’avocats et agences de détectives que l’argent peut offrir. Mais l’on s’étonne que tant de commentateurs qui glosent sur les « mensonges » de la femme de ménage ne se posent pas la question de la crédibilité de… Dominique Strauss-Kahn.
Que sait-on aujourd’hui sans doute aucun ? Qu’il y a bien eu rapports sexuels et que l’affaire a duré de 7 à 9 minutes. Pour la défense de Strauss-Kahn, il s’agirait de rapports « consentis ». Alors, essayons d’imaginer la scène.
Le vieux monsieur sort de sa douche – puisqu’il semble que tout commence ainsi – et découvre la femme de ménage. Il s’exclame, « quel bonheur de vous voir ici !. J’ai rendez-vous dans 10 minutes mais – du moins si vous y consentez –, nous pourrions faire zizi-panpan, vite fait, bien fait ». Et la femme de ménage de lui répondre : « Sympa ! Mais faisons effectivement vite, il me faut respecter mon quota minuté de chambres à nettoyer ».
Comment diable rendre cette scène « crédible », dans le temps imparti ? Ce temps si court qui avait permis aux amis de Dominique d’affirmer au début de l’affaire que la possibilité même d’un rapport sexuel était impensable et que tout n’était donc – mathématiquement – qu’affabulation… jusqu’au moment où les expertises ont scientifiquement montré que « l’impensable » s’était bien produit. Et qu’en plus, l’enquête du procureur a confirmé l’inanité de la théorie du complot : le face-à-face dans la suite du Novotel entre la femme de chambre et le patron du FMI était fortuit…
On aimerait donc que les commentateurs qui mettent si aisément en doute le récit de la femme de chambre (et ne veulent rien entendre des incohérences que suscite le traumatisme vécut par les victimes de viol) nous expliquent pourquoi ils considèrent a priori plus crédible la version des rapports sexuels consentis de 7-9 minutes, à l’occasion d’une fortuite rencontre dans une chambre d’hôtel.
Pourquoi aussi ne s’intéressent-ils qu’aux mensonges passés de l’immigrante – sachant que bien des immigrants doivent (en toute bonne foi) mentir pour obtenir leur permis de séjour – et pas à ceux de l’Homme politique français ? On subodore pourtant quelques bons gros mensonges sur ses rapports aux femmes, au pouvoir et au sexe.
Alors et à franchement parler, si vraiment l’affaire DSK se résume (malheureusement) aujourd’hui à une affaire de crédibilité, l’hypothèse des « rapports sexuels précipités, mais consentis » entre deux inconnus – un vieux monsieur, une employée – ne me paraît pas la plus crédible !
Des journalistes ont fait correctement leur travail. Des analystes ont offert des éclairages pertinents. Des commentateurs ont porté leur regard au-delà des oeillères de caste, de genre et de classe. Mais le message dominant, oh combien idéologique, n’en sonne pas moins comme un terrible avertissement à l’encontre des victimes « ordinaires » de viols.
Pierre Rousset