Des milliers d’ouvriers ont manifesté, lundi 26 novembre, à Dacca, la capitale du Bangladesh, pour réclamer de meilleures conditions de travail et de sécurité deux jours après la mort de 112 employés dans l’incendie d’une usine textile située dans une banlieue industrielle de la ville. Une centaine d’autres sont toujours hospitalisés.
Payées 40 à 80 euros par mois, les victimes, en majorité des femmes, confectionnaient des vêtements pour le groupe Tuba, qui compte parmi ses clients Carrefour, Walmart ou C & A.
Une simple issue de secours aurait suffi à échapper à l’incendie dont la cause est inconnue. Les ouvriers sont morts brûlés vifs ou en se jetant par les fenêtres. Mardi, les policiers ont annoncé qu’elle recherchait le propriétaire en fuite de l’usine. Des survivants ont affirmé que « les gérants n’ont pas autorisé les ouvriers à la quitter lorsque le feu s’est déclaré », a indiqué à l’AFP le chef de la police.
REGISTRES DE PRÉSENCE FACTICES
Cette tragédie met une nouvelle fois en cause les audits menés par les grandes marques occidentales chez leurs fournisseurs du Bangladesh, deuxième exportateur de textile au monde, après la Chine. « D’autres drames risquent de se produire puisque ces audits ne sont ni transparents, ni contraignants, ni indépendants », dit Fanny Gallois, chargée de mission chez Peuples solidaires pour le collectif Ethique sur l’étiquette.
Dans certaines usines, les ouvriers reçoivent des formations pour donner les « bonnes » réponses aux auditeurs envoyés par les grandes marques et des registres de présence factices sont présentés pour cacher le nombre réel d’heures de travail. Surtout, les audits menés ne permettent pas systématiquement d’améliorer les conditions de travail ou de sécurité.
Des vêtements de la marque Walmart ont ainsi été retrouvés dans les débris de l’usine qui a pris feu, alors que le groupe américain effectue régulièrement des enquêtes auprès de ses fournisseurs.
Dacca est réticent à imposer des réglementations dans un secteur qui représente 80 % des exportations du pays et emploie 3 millions de personnes. « Le gouvernement est sous l’influence des patrons et un député sur dix possède, lui ou sa famille, une usine de textile », explique Kalpona Akter, la directrice du Bangladesh Center for Workers Solidarity, une autre ONG de défense des droits des travailleurs.
« DEUXIÈME CHINE »
Dans un pays où les syndicats indépendants sont inexistants, les associations bangladeshies et internationales tentent de convaincre les marques étrangères d’accepter la création de comités indépendants, qui puissent mettre en place des programmes de sécurité et améliorer les conditions de travail des ouvriers dans les usines.
Ces comités, présents sur chaque site industriel, regrouperaient des représentants du management et des ouvriers, ainsi que de leurs clients. Mais seuls deux grands groupes occidentaux – Tchibo et Philips Van Heusen – ont accepté leur création.
Dans un rapport, publié en avril, le cabinet de conseil McKinsey estimait que le Bangladesh est en passe de devenir « la deuxième Chine », avec des exportations de textile qui devraient tripler d’ici à 2020. De nombreuses sociétés chinoises ont commencé à y délocaliser leurs usines.
Julien Bouissou - New Delhi Correspondance
Un communiqué du groupe Carrefour
Dans un message transmis à la rédaction du Monde.fr, le Carrefour explique « qu’il n’est pas un client de l’usine Tazreen Fashion dans laquelle s’est produit le dramatique incendie à Dacca samedi. Il se fournit dans une autre usine de Tuba Group qui fabrique aujourd’hui pour lui des t-shirts et qui est régulièrement auditée. »