Radnicka Borba : Quelles sont les principales causes de la crise politique actuelle et de la montée du mécontentement des masses ?
Luka Mesec : Il s’agit d’une crise politique et économique, d’une crise du mode d’accumulation néolibéral. Tous les principaux partis politiques en Slovénie, de la droite comme de la dite gauche, acceptent le néolibéralisme. La droite l’impose brutalement, à la manière de Thatcher ou de Reagan, et la prétendue gauche l’approuve en général, étant au mieux réticente. C’est la source des protestations actuelles. Il y a deux ans, les gens réclamaient le départ du gouvernement de la « troisième voie », dirigé par le social-démocrate Borut Pahor, maintenant ils réclament le départ du gouvernement « démocrate » de droite, de Janez Janša, installé il y a un an.
La raison immédiate du mécontentement, c’est la brutale réduction du budget du secteur public, qui a conduit à des licenciements et à la réduction des salaires (de 8 % au printemps dernier et de nouveau de 5 %) en vue de préparer les privatisations (Télécommunications, chemins de fer, pétrole, etc.), ainsi que la création d’une « Banque poubelle », qui a dépensé quatre milliards d’euros en vue de garantir les créances (y compris celles des banques privées) et encore un milliard pour recapitaliser les banques publiques (qui pourront ainsi être vendues pas cher). En outre le gouvernement ne parvient pas à faire aboutir le dialogue social et essaye de limiter (voire de supprimer) le référendum d’initiative populaire. Finalement on peut ajouter la corruption et le clientélisme des élites slovènes…
Tout cela produit l’escalade des protestations, qui est sans doute la plus importante depuis vingt ans. Ces mouvements ont un énorme soutien populaire, selon les sondages jusqu’à 76 % (alors que le soutien au gouvernement plafonne à 16 %). 30 % de la population est même convaincue que la situation ne pourra être résolue que par l’action révolutionnaire…
Bref, les gens sont déçus par les politiques néolibérales que leur ont imposées les élites et veulent une alternative claire.
Radnicka Borba : Certains journalistes présentent le consensus de tous les acteurs sociaux comme l’une des solutions à la crise. Quelle est votre opinion ?
Luka Mesec : Le soi-disant gouvernement d’unité nationale, c’est la stratégie de la classe dominante, une sorte de coalition qui devrait dépasser les « différences idéologiques » afin de réaliser les « réformes essentielles » (celle des retraites, les coupes dans le secteur public, les privatisations, la flexibilité du marché du travail…). Il est probable que ce sera le pas suivant de la bourgeoisie slovène, car les gouvernements de droite et de la prétendue gauche ont sombré dans la honte. C’est leur atout. Mais comme c’est notre cauchemar, nous essayons de résister de toutes nos forces pour montrer qu’il ne s’agit pas de « différences idéologiques » qui déchirent la société, mais de la lutte des classes. Nous vivons actuellement une lutte de classes, entre le capital et le travail, qui s’approche de son dénouement. Le moment où les travailleurs reprendront les choses en main n’est pas loin. ■