Publié par Alencontre le 7 - janvier - 2016
Selon les autorités chinoises, le 13e plan quinquennal – discuté « publiquement » en octobre 2015 à l’occasion de la 5e session du 18e Comité central du Parti communiste chinois (PCC) – devait assurer une croissance d’au moins 6,5% pour la période 2016-2020. Officiellement – pour autant que les chiffres publiés ne soient pas établis au doigt mouillé – la croissance se situe au-dessous de 7% (6,9% selon la People’s Bank of China) en 2015, le taux le plus bas depuis plus de 25 ans. Les experts non chinois estiment que 4% est un maximum pour 2015. Donc le mal nommé PCC enregistrait et certifiait le recul de la croissance dans son 13e Plan quinquennal.
Les statistiques « autorisées » par la direction du PCC indiquent une croissance des services dans le PIB. Mais une interrogation existe à ce propos : le secteur des services est tiré, entre autres, par l’immobilier. Or, dans ce secteur, une gigantesque crise de surproduction se manifeste, doublée, logiquement, d’un endettement local, provincial et central intimement connecté à « l’industrie » de la corruption. Les données sur la place accrue des services sont aussi le produit d’une activité boursière et financière déchaînée. Elle a reçu un premier coup d’arrêt au troisième trimestre 2015 quand la bulle boursière a éclaté.
Est-ce que les investissements dans les transports, l’éducation, la santé vont maintenir ledit rééquilibrage entre industrie et « services » – pour autant que cette catégorie fasse sens – on va le voir, car il s’agit d’investissement en capital fixe pour une grande partie.
Dans l’industrie, les surcapacités de production sont aussi massives et se retrouvent dans la baisse des prix de la production manufacturière, malgré la pression salariale à la hausse (relative) dans certaines régions. Or, ce sont les secteurs industriels où l’Etat est très présent (acier, ciment, machines, etc.) qui sont le plus touchés par la récession. Un nombre grandissant de ces unités sont, de fait, en faillite – en déficit reconnu depuis des années – et sont tenues à bout de bras par le système bancaire administré. Sur des entreprises telles celles du recyclage (sic) ou de l’automobile, l’effet de ralentissement de l’économie mondiale, enregistré le 6 janvier par le FMI, va avoir un effet récessif. La surproduction structurelle dans la branche automobile ne cesse de se manifester à l’échelle internationale et l’affaire est classée, de ce point de vue, en termes de pente descendante. Le ralentissement des exportations chinoises, différent selon les secteurs, ressort des données de la CNUCED comme de l’OMC, cela en valeur et en volume, y compris en déphasage au premier semestre 2015 par rapport à la dynamique du commerce mondial. Il en va de même pour les importations. Elles ont baissé de plus de 15%, ce que les pays exportateurs de commodities, comme le Brésil ou l’Argentine, ressentent comme un choc.
Dans l’immédiat joue certes le manque de données fiables pour les investisseurs centrés sur la finance de marché. A cela s’ajoute la fin – prévue pour cette semaine, mais qui peut être révisée – de règles d’intervention sur le marché boursier. D’où la précipitation à se défaire d’actifs ou de jouer à la baisse pour les spécialistes de « l’anticipation insidée ».
Mais au plan politique – car il s’agit d’économie politique – une crise potentielle de leadership fait son chemin. Xi Jinping – comme figure de la direction centralisée du PCC, ce qui ne veut pas dire qu’elle contrôle tout l’appareil gigantesque, y compris avec l’aide décisive des sommets de l’armée – doit à la fois opérer des « ajustements » qui vont provoquer des blessures sociales intenses dans une base sociale qui ne se promène pas sur les Champs-Elysées ou à Genève, mais qui est susceptible de nombreuses révoltes. Et pour elle, le nationalisme conquérant et criard ne nourrit pas ses besoins sociaux quotidiens. Et les gagne-petit (épargnants de précaution) de la bourse ne sont pas si nombreux et se sont mués en petits grands perdants.
Pour éviter ces heurts sociaux, maintenir le « contrôle administratif » – autrement dit camoufler la crise de surproduction multiface avec des injections de crédits dans le but de maintenir plus d’emplois sectoriels et régionaux – doit perdurer. Mais la pression pour imposer un ajustement structurel afin de modifier plus fondamentalement les rapports entre l’accumulation « libérée » du capital et le pouvoir se fait sentir dans les chaînons de transmission entre le capital privé ou pouvant le devenir – depuis les marches occupées par la bureaucratie céleste – et l’appareil dirigeant du parti.
Une réponse autoritaire n’est pas à exclure. Elle s’est opérée à Hongkong où l’entreprise « privée » Alibaba a mis la main sur le South China Morning Post et où « disparaissent », sans laisser de traces, les éditeurs de livres critiques sur le régime de Pékin. En conclusion, il ne s’agit donc pas d’une question boursière, mais d’un processus beaucoup plus fondamental où se joue aussi la place du renminbi dans les positions concurrentielles (conflits inter-impérialistes) dans le système monétaire international où l’économie des Etats-Unis bascule vers l’Asie Pacifique où elle rencontre le capitalisme chinois. La dévaluation du yuan (renminbi) de 5% en une semaine s’insère dans cette bataille gigantesque.
Charles-André Udry, 7 janvier 2016