Dans le naufrage de l’Erika survenu le 12 décembre 1999 aux larges des côtes bretonnes, TotalFinaElf avait été mis en examen pour « complicité de mise en danger de la vie d’autrui et pollution maritime ». Pour rappel, le pétrolier Erika, 25 d’âge, immatriculé à Malte et affrété par TotalFinaElf s’était cassé en deux, à 40 miles au sud de la pointe de la Bretagne, déversant plus de 10 000 tonnes de fioul lourd sur 400 kilomètres de côtes.
Après 5 ans de procédure, fin mars 2004, l’instruction avait été close, laissant enfin espérer que justice allait être rendue. Mais curieusement, le vendredi 18 juin dernier, le parquet de Paris a ordonné à la juge Dominique de Talancé, chargée de l’enquête une nouvelle expertise sur l’état du navire-poubelle, suite à un rapport mettant hors de cause l’affréteur TotalFinaElf dans cette marée noire. D’après ce nouveau rapport des experts, « Total ne pouvait être en mesure de déceler l’état de corrosion des structures de l’Erika tel qu’apparu après le sinistre ». Et dans le même temps, le parquet demande à la juge de prononcer un non-lieu pour les quatre militaires à qui l’on reprochait de ne pas avoir pris assez vite des mesures d’assistance qui auraient pu éviter le sinistre...
Et coïncidence, ces décisions font suite à un arrêt rendu à huis clos par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris le 14 juin dernier. Cet arrêt annule la mise en examen de l’autorité maritime de Malte (AMM) et de son directeur exécutif, Lino Vassalo qui avaient délivré le pavillon de l’Etat maltais à l’Erika.
Egalement poursuivis pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « complicité de pollution », l’AMM et son directeur se voyaient reprocher par la juge Dominique de Talancé de ne pas s’être assurés du bon état du navire. Mais pour la cour d’appel, l’AMM est une « émanation » de l’Etat maltais, et à ce titre lorsque cette autorité délivre un pavillon, elle est couverte par « l’immunité de juridiction » des Etats.
Alors que 60% de la flotte marchande mondiale naviguent actuellement sous pavillon de complaisance pour le plus grand profit des compagnies pétrolières, les voyous des mers ont encore de beaux jours devant eux, surtout si la justice fait preuve d’obligeance à leur égard. Ces derniers rebondissements judiciaires font dire à juste titre par la collectif Marée noire de Nantes que c’est un « deuxième blanchiment dans le dossier de l’Erika » au détriment de la sécurité maritime, des marins et des populations littorales.