Peux-tu revenir sur cette journée du 5 juin 2003 et, surtout, sur les questions qu’a inlassablement posées le Comité de défense ?
Didier Cadoret - Tout d’abord, il est bon de le rappeler, nous vivions, en 2003, un très fort mouvement social, avec des millions de manifestants dans tout le pays, un bouillonnement revendicatif... À La Rochelle, il y avait, depuis plusieurs semaines, des manifestations massives en direction de la préfecture. Ce 5 juin, il était naturel et légitime de manifester en direction du Medef, puisque c’était lui l’instigateur direct de la politique de Raffarin et de Fillon. Ensuite, il y a eu un malheureux concours de circonstances, avec un fumigène et un barrage de pneus sur le trottoir. Le Medef et le préfet se sont immédiatement saisis de cet incident pour criminaliser le mouvement social, parlant de crime organisé, de préméditation. Les jours suivants, le Medef a fait apposer une banderole sur son local détruit, parlant « d’incendie volontaire ». Deux manifestants ont été arrêtés et entendus. Puis, deux autres. Ce sont eux que nous avons appelés « les quatre otages du Medef ». Le premier rôle du Comité de défense a donc été de faire valoir la présomption d’innocence et d’apporter le soutien moral aux quatre mis en examen et à leurs familles. Après trois ans d’instruction et un premier procès, de nombreuses questions restent sans réponse.
Quel a été le rôle des agents de sécurité à l’intérieur du bâtiment ? Pourquoi les extincteurs n’ont-ils pas été utilisés ? Pourquoi le personnel du Medef a-t-il été évacué sur le toit, et pas par les issues de secours situées à l’arrière du bâtiment ? Pourquoi les forces de l’ordre stationnées à quelques dizaines de mètres du bâtiment sont-elles restées sans rien faire ? Pourquoi deux protagonistes, inconnus des organisations syndicales et ayant eu une part active dans le déroulement des faits, ont-ils été arrêtés par la police mais n’ont-ils pas été cités à comparaître ?
Le Medef a soigneusement orchestré la médiatisation de l’affaire : au début de l’enquête, des personnels du Medef ont témoigné « avoir vu une personne déposer un produit sur les pneus qui avait facilité la combustion ». Or depuis, deux expertises, dont celle du laboratoire de la préfecture de police de Paris - excusez du peu - disent qu’aucun produit accélérant n’a été utilisé, fait établi au procès. Toutes ces questions, nous les avons, à de nombreuses reprises, rendues publiques par tracts et par communiqués de presse.
Pendant plus de deux ans le Comité de défense a donc informé, régulièrement, la population. 6 000 personnes ont manifesté à La Rochelle le jour du procès. Que peux-tu en dire ?
D. Cadoret - Il y a de plus en plus de tentatives de criminalisation du mouvement social. En Charente-Maritime, ce n’est pas la première fois. Malheureusement, nous sommes habitués à voir des militants syndicaux traînés devant les tribunaux, ceux des chantiers navals, les douze de Saintes (EDF), ceux du Leclerc de Saintes, ou encore de la maison de retraite Claire-Fontaine à La Rochelle. C’est ce qui explique le soutien important de la population. Le Comité de défense compte près de 1 500 adhérents, à titre individuel ou javascript:barre_raccourci(’’,’’,document.formulaire.texte)représentants d’associations, de syndicats ou de partis politiques. Au-delà des forces syndicales et des citoyens, nous avons également reçu le soutien de nombreuses personnalités, comme Henri Alleg, Gérard Aschiéri, Marie-George Buffet, Jean Ferrat, Jacques Gaillot, Alain Krivine, Arlette Laguiller, Sanseverino, Bernard Thibault... C’est ce qui explique le succès de cette manifestation, malgré une pluie battante.
Tu as assisté au procès du 30 mars. Quelle était l’ambiance au tribunal ? Comment le Comité analyse-t-il le jugement ?
D. Cadoret - Le succès de la manifestation a incontestablement pesé sur le jugement. Les avocats du Medef et les assureurs n’ont rien démontré, alors que Maître Valin a mis en avant l’inaction des forces de l’ordre et la passivité de la société de gardiennage. Deux des prévenus ont été acquittés. Les deux autres sont condamnés à un mois avec sursis, sans inscription au casier judiciaire mais, surtout, ils sont condamnés, solidairement, à payer 1,2 million d’euros. 600 000 euros d’amende, c’est une condamnation à la misère à perpétuité. C’est impossible à payer. Le jugement est donc inacceptable, et les deux copains ont fait appel. Mais, comme le parquet et le Medef ont également fait appel, les quatre comparaissent devant le tribunal de Poitiers, le 8 décembre à 9 heures.
Quel est donc l’enjeu de la manifestation, le 8 décembre à Poitiers ?
D. Cadoret - La manifestation est convoquée à 10 h 30. C’est un nouveau procès. On appelle tous les citoyens épris de justice à se rassembler pour exiger la relaxe des quatre. Au-delà de l’exemple des quatre otages du Medef, la CGT entend faire du 8 décembre une journée nationale de défense des libertés et des droits syndicaux.